14ème législature

Question N° 13988
de M. Paul Salen (Rassemblement - Union pour un Mouvement Populaire - Loire )
Question écrite
Ministère interrogé > Égalité des territoires et logement
Ministère attributaire > Égalité des territoires et logement

Rubrique > propriété

Tête d'analyse > droit de propriété

Analyse > logement. réquisitions. procédures.

Question publiée au JO le : 18/12/2012 page : 7488
Réponse publiée au JO le : 23/04/2013 page : 4505

Texte de la question

M. Paul Salen attire l'attention de Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement sur les conséquences légales de la réquisition de logements. Au moment même où le Parlement se prononce, une nouvelle fois, sur le vote de la loi sur le logement, il est possible de lire, dans les médias, que le Gouvernement envisage de revenir sur la possibilité de réquisitionner des logements. Il est rappelé que l'article 17 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment et sous la condition d'une juste et préalable indemnité », tandis que l'article 2 de la déclaration cite la propriété au nombre des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. L'ancrage constitutionnel du droit de propriété est ainsi bien assuré. Aux termes de la décision du Conseil constitutionnel n° 81-132 DC du 16 janvier 1982 (loi sur les nationalisations), « les principes mêmes énoncés par la déclaration des droits de l'Homme ont pleine valeur constitutionnelle tant en ce qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété dont la conservation constitue l'un des buts de la société politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l'oppression, qu'en ce qui concerne les garanties données aux titulaires de ce droit et les prérogatives de la puissance publique ». Sans nier l'urgence sociale en matière de logement, situation à laquelle le précédent Gouvernement de 2007 à 2012 a apporté des réponses concrètes, il est rappelé que les pouvoirs publics peuvent nuancer les interprétations de l'article 544 du code civil et apporter des limitations à l'exercice du droit de propriété. Pour autant, il appartient au juge constitutionnel de vérifier que la limitation apportée au droit de propriété répond à un motif d'intérêt général clairement identifié. Le Conseil constitutionnel s'assure encore que les mesures édictées n'entraînent pas une dénaturation du droit de propriété, une sur-réglementation disproportionnée au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi pouvant conduire à vider le droit de son contenu. Aussi, il lui demande de préciser dans quel cadre réglementaire et suivant quelles procédures le Gouvernement souhaite mettre en œuvre d'éventuelles réquisitions.

Texte de la réponse

La difficulté dans l'accès au logement dans certaines communes, et particulièrement en Ile-de-France (près de 400 000 ménages sont demandeurs de logements sociaux alors qu'ils ne disposent pas aujourd'hui d'un logement dans le parc social, et parmi eux plus de 30 000 ménages sont prioritaires et urgents au titre du DALO (droit au logement), alors que chaque année seulement 80 000 logements sociaux sont disponibles à la location), le niveau prohibitif des logements du secteur privé pour les personnes modestes et les classes moyennes, et la persistance de logements vacants dans le parc privé ont amené le Gouvernement à renforcer la mobilisation des logements vacants en utilisant à cette fin les dispositions légales en matière de réquisition. Deux dispositifs de réquisition sont ouverts aux préfets de département par le code de la construction et de l'habitation (CCH) : - l'un initialement à caractère exceptionnel et temporaire mais qui a acquis une certaine permanence du fait de la crise persistante du logement, créé au lendemain de la seconde guerre mondiale (article L. 641-1 et suivants du CCH) ; cette procédure est mise en oeuvre sur proposition du maire et avec l'assistance de ses services ; - l'autre avec attributaire, réservé aux locaux vacants détenus des personnes morales, aux fins de mise à bail à des particuliers sous conditions de ressources (L. 642-1 et suivants du même code). La deuxième disposition, « procédure de réquisition avec attributaire », apparaît en général, sauf situations particulières la plus adaptée ; elle permet en effet à l'État de mener à bien l'ensemble de la procédure tout en permettant in fine de confier la gestion du bien réquisitionné à un bailleur social et de loger les ménages dans les conditions du logement social. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a considéré dans sa jurisprudence constante que si la réquisition n'emporte pas par elle-même de privation du droit de propriété au sens de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le titulaire du droit d'usage dispose de garanties de procédure et de fond, parmi lesquelles les dispositions de l'article L. 642-10 du CCH. Dans ce cadre les articles 7 et 8 de la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement ont apporté des précisions de nature à mettre fin à la possibilité d'engager une démarche de nature dilatoire permettant de s'affranchir de la mise en oeuvre de la procédure de réquisition. Désormais, la vacance des locaux susceptibles de réquisition est réduite à 12 mois, au lieu de 18 mois et le délai de réalisation d'éventuels travaux et de mise en location de ces locaux est limité à 24 mois. L'échéancier de ces travaux doit être soumis au préfet dans un délai maximal fixé par voie réglementaire. En cas de non respect de cet échéancier, le préfet peut réquisitionner le logement. Un décret en Conseil d'État précisera dans les prochaines semaines les modalités de mise en oeuvre de ces dispositions.