14ème législature

Question N° 1410
de M. Fabrice Verdier (Socialiste, républicain et citoyen - Gard )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Affaires sociales et santé
Ministère attributaire > Affaires sociales et santé

Rubrique > professions de santé

Tête d'analyse > médecins

Analyse > effectifs de la profession. répartition géographique.

Question publiée au JO le : 19/04/2016
Réponse publiée au JO le : 27/04/2016 page : 2803

Texte de la question

M. Fabrice Verdier appelle l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur une problématique qui affecte le Gard en particulier, mais également beaucoup de zones rurales et périurbaines françaises. Il s'agit de la désertification médicale. Pour exposer cette réalité de terrain, il prend l'exemple du secteur de Brouzet-les-Alès, une commune périurbaine de l'agglomération d'Alès. Interpellé par des professionnels de santé sur les difficultés de ce secteur, M. le député a touché du doigt l'ampleur de ce problème. Brouzet-les- Alès se trouve à 15 mn d'Alès, en respectant les limitations de vitesse. Et pourtant, les chiffres démontrent dans ce secteur une véritable carence en matière médicale. Une carence qui rend la vie quotidienne plus difficile. Car c'est toute la politique de santé qui vacille quand la médecine déserte. Sur ce secteur qui comprend 10 communes soit près de 15 000 habitants, on ne compte que 8 médecins, et bientôt plus que 7. Cela représente précisément 59,3 médecins pour 100 000 habitants. Ce chiffre est à comparer aux 131 médecins pour 100 000 habitants en moyenne en France et aux 140 médecins pour 100 000 habitants en moyenne dans l'ex région Languedoc-Roussillon. Sachant que les projections dans le Gard prédisent une baisse chronique du nombre de médecins. Ainsi, on divise par plus de deux le nombre de médecins par habitant dans ce secteur par rapport au reste du pays. Et c'est la qualité de l'accès aux soins que l'on divise, tout comme le suivi médical et la réactivité des professionnels de santé souvent épuisés et débordés. Dans le même temps, on multiplie les difficultés : on multiplie la précarité sanitaire, on multiplie les absences de suivi médical, en particulier pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer et comptent sur une offre de soins de proximité. Dans le secteur de Brouzet, élus et professionnels de santé ont pris le problème à bras le corps. Les élus ont organisé un tour de table pour trouver des solutions ils ont sollicité l'agence régionale de santé pour qu'elle appuie techniquement un projet de création de pôle de santé. Partout en France et à d'autres endroits dans le Gard, des situations plus délicates encore se font jour. Aussi il souhaiterait savoir comment le Gouvernement entend lutter contre ce phénomène et garantit un maillage médical réel. Plus particulièrement, il souhaiterait savoir s'il peut être envisagé que les médecins, formés grâce au système éducatif public, soient plus nombreux à s'installer en zones tendues.

Texte de la réponse

DÉSERTIFICATION MÉDICALE DANS LE GARD


Mme la présidente. La parole est à M. Fabrice Verdier, pour exposer sa question, n°  1410, relative à la désertification médicale dans le Gard.

M. Fabrice Verdier. Madame la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, j'appelle votre attention sur le problème de la désertification médicale, qui affecte mon département, le Gard, mais également beaucoup de zones rurales et périurbaines françaises.

Pour permettre l'accès aux soins de tous, sur l'ensemble du territoire, le Gouvernement a mis en place dès 2012 le pacte territoire santé. Des incitations à l'installation dans les zones déficitaires ont été mises en place. Nous agissons, c'est un fait.

Nombre d'exemples locaux démontrent pourtant que le chemin à parcourir reste long. La totalité de la circonscription dont je suis l'élu est concernée par cet enjeu. Partout, la situation est inquiétante : à Brouzet-lès-Alès, suite au décès brutal d'une praticienne, une situation de carence s'est installée ; à Mons, à quelques kilomètres de là, le même problème est constaté ; à Salindres, l'ensemble de l'écosystème médical se trouve touché, les pharmacies étant en péril par manque de médecins ; à Goudargues encore, à Barjac, à Brignon, les départs de médecins non remplacés mettent en difficulté les patients les plus fragiles ; dans le canton de Pont-Saint-Esprit, qui compte 25 000 habitants, 70 % des médecins ont plus de cinquante-huit ans.

Ce n'est pas faute d'initiatives pour lutter contre ces phénomènes : des tables rondes d'élus et de professionnels de santé s'organisent, des solutions sont étudiées en lien avec l'ARS, l'Agence régionale de santé. Mais notre volontarisme local ne doit pas cacher les déserts médicaux qui se profilent.

Revenons sur l'exemple de Brouzet-lès-Alès. Nous ne sommes pas ici dans les Cévennes profondes chères à notre collègue William Dumas : pas besoin de 4x4 pour accéder au domicile d'un patient, pas besoin d'être un héros comme François Cluzet dans Médecin de campagne pour exercer la profession. Pourtant, dans ce secteur, qui comprend dix communes et compte près de 15 000 habitants, on ne dénombre que huit médecins et bientôt plus que sept, soit 59 médecins pour 100 000 habitants, à comparer à la moyenne nationale de 131 pour 100 000 habitants.

En réduisant le nombre de médecins par habitants, on divise la qualité de l'accès aux soins, le suivi médical et la réactivité des professionnels de santé, souvent épuisés, et on multiplie les difficultés, la précarité sanitaire, l'absence de suivi médical, en particulier pour ceux qui ne peuvent se déplacer et comptent sur une offre de soins de proximité. En somme, quand la médecine déserte, c'est toute la politique de santé qui vacille.

Madame la secrétaire d'État, comment approfondir notre travail collectif pour garantir un maillage médical réel sur nos territoires ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le député, vous avez évidemment raison de rappeler que l'enjeu de la désertification médicale est l'égal accès de tous nos concitoyens à la santé, partout en France. Le Gouvernement entend les préoccupations et les inquiétudes qui existent sur certains territoires ; c'est le sens de l'action menée plus particulièrement par Marisol Touraine depuis 2012. Je viens d'évoquer les dispositifs du pacte territoire santé, qui prouvent chaque jour leur efficacité et montrent que la politique d'incitation à l'installation, défendu par Marisol Touraine, constitue la bonne voie.

Je répète néanmoins qu'il n'y a pas de solution miracle pour lutter contre la désertification médicale. Le numerus clausus a déjà été augmenté : il a doublé par rapport à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Il faut du temps pour former un médecin mais ceux qui avaient entamé leurs études en 2000 les ont aujourd'hui achevées ; d'autres solutions doivent donc être trouvées. Je rappelle du reste que le nombre de médecins par habitants, en France, est comparable à celui observé dans les autres pays européens : nous n'avons pas moins de médecins que nos voisins. C'est donc le problème de la répartition des médecins sur l'ensemble du territoire qui se pose, d'où la politique d'incitation à l'installation conduite par Marisol Touraine.

Dans votre département du Gard, avec le pacte territoire santé, la mobilisation est au rendez-vous et les premiers résultats sont encourageants.

L'ARS accompagne financièrement les internes de médecine générale qui choisissent de réaliser leurs stages dans les territoires manquant de professionnels, ce qui, on le sait bien, les encourage à s'y installer par la suite. Cette aide est également proposée aux internes ayant choisi de réaliser, en fin d'internat, un stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisée – SASPAS – de six mois. Des stages praticiens de six mois sur des territoires du Gard sont ainsi régulièrement choisis par des internes de médecine générale.

Par ailleurs, quatre jeunes, signataires d'un contrat d'engagement de service public, ont prévu de s'installer dans une zone en tension du département, et d'autres, parmi les 1 750, à l'échelle nationale, à avoir signé un tel document, sont susceptibles d'être intéressés.

Cinq médecins se sont en outre installés dans votre département dans le cadre du contrat de praticien territorial de médecine générale, qui sécurise financièrement leur installation pendant les deux premières années.

Sept projets de maisons de santé pluri-professionnelles – MSP – et pôles de santé ont été labellisés : quatre MSP et un pôle de santé fonctionnent déjà ; trois devraient ouvrir leurs portes en 2016-2017.

Vous avez évoqué spécifiquement le secteur de Brouzet-lès-Alès. L'ARS et ses partenaires travaillent ensemble autour de plusieurs initiatives : le projet de pôle de santé du secteur de Brouzet-lès-Alès constitue un premier exemple ; un second projet, portant sur la création d'une MSP, est également à l'étude.

Vous le voyez, monsieur le député, les dispositifs mis en place ont aujourd'hui des résultats qui rendent crédible l'action que nous avons engagée, dont la seule ambition est d'assurer l'égalité d'accès aux soins pour tous les Français. J'ajoute que nous portons un regard très attentif à l'ensemble des hôpitaux de proximité et des hôpitaux isolés : outre les mesures budgétaires supplémentaires déjà prises il y a plusieurs années dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, une réforme sera mise en œuvre dans les prochaines semaines en faveur des hôpitaux auxquels la première n'avait pas été appliquée, afin de sortir du « tout tarification à l'activité », ou « tout T2A ». Réduire les difficultés de financement des hôpitaux de proximité contribue aussi à la lutte contre la désertification médicale.