14ème législature

Question N° 14553
de M. Jean-Louis Bricout (Socialiste, républicain et citoyen - Aisne )
Question écrite
Ministère interrogé > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère attributaire > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Rubrique > produits dangereux

Tête d'analyse > amiante

Analyse > risques d'exposition. contrôles. modalités.

Question publiée au JO le : 25/12/2012 page : 7708
Réponse publiée au JO le : 07/01/2014 page : 295

Texte de la question

M. Jean-Louis Bricout attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur quant aux conséquences de l'entrée en vigueur du décret n° 2012-639 du 4 mai 2012 relatif aux risques d'exposition à l'amiante au 1er juillet dernier. Le décret durcit de façon sensible les conditions dans lesquelles les entreprises du bâtiment doivent procéder aux opérations de désamiantage sur les chantiers. En effet, il fixe la valeur limite d'exposition professionnelle (VLEP) à 10 fibres par litre en moyenne sur 8 heures de travail à compter du 1er juillet 2015 et l'employeur doit faire appel à un même organisme accrédité pour procéder aux prélèvements et aux analyses, lequel devra par ailleurs établir la stratégie d'échantillonnage. Le décret prévoit également la mise en place d'une évaluation des risques en fonction du niveau d'empoussièrement et conditionne l'intervention des entreprises pour la réalisation des travaux d'encapsulage et de retrait d'amiante à l'obtention d'une certification. L'obligation des entreprises artisanales pour obtenir leur certification, s'investir dans la formation ou acquérir les équipements de travail est particulièrement coûteuse et se révèle même impossible pour les plus petites structures de moins de trois salariés particulièrement nombreuses dans notre département de l'Aisne. Le fait de ne plus différencier les mesures d'intervention sur l'amiante friable et non friable par rapport aux risques associés, provoque des coûts d'intervention insupportables pour les collectivités, particuliers ou entreprises qui devront engager des travaux de réhabilitation ou d'entretien. Les artisans pointent un risque de concurrence déloyale entre les entreprises qui se plient à la réglementation et celles qui s'en exonèrent, d'une part, et le recours accru à des interventions irrégulières de la part des auto-entrepreneurs. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer si elle compte prendre des mesures visant à accompagner les entreprises dans la mise en œuvre de ce décret.

Texte de la réponse

Il y a lieu de rappeler que le décret n° 2012-639 du 4 mai 2012 a pour objet de prendre en compte les avis de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) émis en 2009 et 2010, ainsi que les préconisations de l'institut national de recherche et de sécurité (INRS) dans son rapport de septembre 2011, faisant suite à l'analyse des résultats de la campagne expérimentale de mesurage des empoussièrements d'amiante par microscopie électronique à transmission analytique (META) conduite par la direction générale du travail (DGT) en 2009 et 2010. L'abaissement de la valeur limite d'exposition professionnelle (VLEP), l'élévation des niveaux de prévention à mettre en oeuvre selon trois niveaux d'empoussièrement et l'extension de la certification à l'ensemble des activités de retrait et d'encapsulage de matériau contenant de l'amiante (MCA), en particulier aux activités de retrait de couverture et de bardage en amiante-ciment (AC), ont été décidés à la lumière de plusieurs constats concordants et préoccupants. 1/ suppression de la dualité de notions friable/non friable : Lors de la campagne META précitée, les niveaux d'empoussièrement lors de certaines opérations de retrait de matériaux non friables ont été aussi élevés que ceux mesurés lors de certaines opérations de retrait de matériaux friables, même en cas de technique de déconstruction ou de démontage. Cela tient principalement à la dégradation dans le temps des matériaux non friables, en particulier les toitures en amiante-ciment, ainsi que de l'emploi de techniques de retrait d'autant plus agressives que le matériau amianté est solidaire de son support. Cette campagne a donc mis en lumière l'inadéquation de la distinction friable/non friable sur laquelle était basée l'ancienne réglementation. C'est pourquoi, la réglementation est désormais basée, non plus sur l'état initial du MCA avant tout travaux, mais sur trois niveaux d'empoussièrement, la valeur de ces niveaux étant définie sur la base des résultats de la campagne META et des facteurs de protection actuellement connus des appareils de protection respiratoire. 2/ condition de mesurage des empoussièrements et contrôle du respect de la VLEP : Le ministre rappelle que la VLEP sera fixée à 10 fibres par litre en moyenne sur 8 heures de travail à compter du 1er juillet 2015 et que l'employeur devra faire appel à un même organisme accrédité pour procéder aux prélèvements et aux analyses lequel devra par ailleurs établir la stratégie d'échantillonnage. A la lecture de l'article R. 4412-103 du code du travail, tel que modifié par le décret n° 2012-639 du 4 mai 2012 relatif aux risques d'exposition à l'amiante, rien ne s'oppose juridiquement à la sous-traitance d'une des activités visées (stratégie d'échantillonnage, prélèvements, analyses). Dans ce cas, l'employeur ferait appel à un organisme accrédité qui aurait la responsabilité de l'ensemble de la prestation. Si celui-ci sous-traitait l'analyse, il devrait faire appel à un laboratoire accrédité pour cette activité et resterait responsable de l'ensemble de la prestation. Cette interprétation ne soulève pas de difficultés particulières au regard de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 dont l'article 1er précise que, si une partie de la prestation est sous-traitée, l'entreprise utilisatrice reste garante de la qualité de la prestation finale. Par ailleurs, aucune impossibilité matérielle ne peut être invoquée car, au titre de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, l'entreprise utilisatrice doit mettre à disposition toutes les ressources et les accès nécessaires à l'entreprise extérieure afin qu'elle puisse réaliser la prestation qui lui est sous-traitée. Enfin, l'indépendance de l'organisme concerne principalement l'entreprise utilisatrice qui est responsable de l'ensemble de la prestation et subsidiairement l'entreprise extérieure. En opportunité, 2 éléments plaident en faveur d'un assouplissement de l'interprétation initiale de l'article R. 4412-103 : - la nécessité de couvrir très rapidement la totalité du territoire en matière d'organismes de contrôle des empoussièrements en META ; - l'éventualité d'un désengagement en matière de prélèvement de la part de certains laboratoires accrédités pour le prélèvement et l'analyse. La confirmation de cette tendance aurait pour conséquence de limiter l'offre, déjà faible, en organismes compétents pour réaliser les mesures d'empoussièrement au titre du décret du 4 mai 2012. Dès lors, il est possible pour une entreprise de recourir à la sous-traitance pour l'analyse. 3/ fondement de l'extension de la certification des entreprises : Les chantiers de couverture représentent au moins 40 % des opérations de retrait de MCA et constitueront pour les 40 ans à venir la partie prépondérante des chantiers (1 logement sur 2 contient de l'amiante en France, en particulier, au niveau des toitures). Le développement du photovoltaïque et le vieillissement de ces toitures ont engendré depuis 2 ou 3 ans une augmentation du nombre d'opérations de retrait qui n'ira qu'en s'accentuant et les problématiques de l'AC constituent un enjeu majeur en termes de prévention, qui mobilise particulièrement les services d'inspection du travail. Or, les résultats de la campagne META pour ces travaux sont préoccupants, que ce soit pour ceux relevant de la sous-section 3 ou pour les interventions relevant de la sous-section 4. Les constats de l'inspection du travail et les informations reçues des organismes de formation révèlent de la part des entreprises de couverture des pratiques très émissives (travail à sec, cassage des tôles et ardoises, jets de matériaux, ...) et une absence de maîtrise des procédés d'isolement des locaux en sous-face, lesquels sont fréquemment occupés (combles aménagés, locaux industriels ou commerciaux en activité). Il en résulte de nombreux cas de pollutions de ces locaux, d'exposition des occupants, de blocages d'entreprises du fait de la nécessité de dépolluer locaux et machines ainsi que des contentieux civils lourds, de nature à mettre en cause la survie économique des entreprises de couverture à l'origine des pollutions, qui ne sont souvent pas assurées au regard du risque amiante. 4/ la formation des travailleurs selon l'arrêté du 23 février 2012 : Dans ce domaine, malgré son antériorité depuis 1996, l'obligation de formation à la prévention du risque amiante n'a pas reçu une mise en oeuvre satisfaisante dans le secteur d'activité considéré. Ceci a déjà conduit à reporter à la demande des organisations professionnelles (OP) du BTP, au 1er janvier 2012 l'entrée en vigueur des dispositions relatives de l'arrêté du 22 décembre 2009 relatif à la formation des travailleurs, avec une obligation de mise à niveau de ceux formés sous l'empire de la réglementation antérieure avant le 31 décembre 2012. Par ailleurs, et compte-tenu des effectifs importants qui n'avaient pas été formés, un assouplissement important de certaines dispositions, visant en particulier les travailleurs effectuant des interventions sur MCA a été formalisé par l'arrêté du 23 février 2012. Prenant en considération la saturation des organismes de formation (OF) des dispositions transitoires ont été prises afin de reporter au 30 juin 2013 la date butoir des formations de mise à niveau, qui était fixée au 31 décembre 2012, sous réserve que les modalités suivantes soient respectées : - inscription des travailleurs auprès d'un organisme de formation identifié avant le 31 décembre 2012 ; - réalisation effective de la formation avant le 30 juin 2013. Une entreprise de couverture pouvant réaliser à la fois des chantiers de retrait ou des interventions, généralement réalisées sur des immeubles occupés, la formation de ses salariés constitue un enjeu majeur en termes de sécurité sanitaire des travailleurs et des populations. En matière de maladies professionnelles, le fait est connu que ce corps d'état est, selon la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), l'un des plus exposées aux pathologies causées par l'amiante. L'enjeu de la certification des entreprises de couverture est de s'assurer de leur maitrise technique, de la conformité des moyens et organisations mis en oeuvre et de l'effectivité de leur formation par un organisme de formation certifié, ainsi que de l'existence d'une assurance professionnelle. L'obligation de certification, relevant de l'article 15 de la directive 2009/148/CE du 30 novembre 2009, a été intégrée en droit français par le décret n° 2006-761 du 30 juin 2006, les deux arrêtés du 22 février 2007 organisant sa mise en oeuvre au 1er mars 2008. Elle a été différée pour les entreprises de couverture jusqu'au 1er janvier 2014 de manière à ce qu'elles mènent, dans l'intervalle, leurs démarches de formation et de mise à niveau de leurs moyens de prévention. 5/ le coût de la certification : Les informations reçues des deux organismes certificateurs (OC) font état d'un coût de la certification d'environ 2 600 euros en moyenne par an sur la durée du certificat (5 ans), soit 13 000 euros sur le cycle, ce qui doit être rapporté au chiffre d'affaire réalisé grâce à cette certification. La petite taille des entreprises ne constitue pas un obstacle à la certification selon les OC qui ont déjà parmi leurs certifiés de nombreuses très petites entreprises (TPE). Les auto-entrepreneurs ne sont nullement exemptés de l'application de la réglementation en matière d'amiante, conformément aux dispositions de l'article 3 du décret du 4 mai 2012. Il en est de même pour les donneurs d'ordre effectuant des travaux sur leurs locaux professionnels. Cette contrainte économique de la certification doit être mesurée au regard de l'importance que représentent les travaux de retrait de toitures AC, des perspectives pour les décennies à venir, du vieillissement croissant de ces matériaux et des risques sanitaires encourus. La réforme réglementaire en cours repose sur des constats scientifiques et techniques étayés, ce qui a été souligné lors des consultations du conseil d'orientation des conditions de travail (COCT) sur le décret du 4 mai 2012 qui se sont déroulées les 24 janvier et 15 février 2012, à l'issue desquelles un avis favorable à l'unanimité a été recueilli.