14ème législature

Question N° 14893
de M. Philippe Cochet (Union pour un Mouvement Populaire - Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Économie et finances

Rubrique > marchés publics

Tête d'analyse > réglementation

Analyse > recours. associations de contribuables.

Question publiée au JO le : 01/01/2013 page : 31
Réponse publiée au JO le : 26/02/2013 page : 2260

Texte de la question

M. Philippe Cochet appelle l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur l'efficacité toute relative de la procédure de référé précontractuel comme incitation pour assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Bien que ce dispositif remarquable ait été amélioré au fil des années (article L. 22 du code de justice administrative devenu articles L. 551-1 à L. 551-12 de ce même code), il est loin d'apporter à l'achat public les avantages qu'on est en droit d'en attendre ; force est de constater qu'une grande majorité des consultations est entachée d'irrégularités, dont une bonne partie constituent une atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité de traitement des candidats, avec les conséquences qu'on imagine en termes d'utilisation des deniers publics. La raison en est que les seules personnes habilitées à agir sont celles qui ont intérêt à conclure le contrat ainsi que le représentant de l'État pour les marchés des collectivités territoriales. Il n'entre pas dans les attributions du représentant de l'État d'explorer le contenu des dossiers de consultation afin de traquer systématiquement les procédures irrégulières. Dans le cas d'irrégularité de la procédure, les arrêts remarquables du Conseil d'État « Smirgeomes » et « Commune de Nice» ont mis en évidence que l'admissibilité du recours d'un candidat est subordonnée à la non remise d'une offre. De ce fait les très rares recours exercés le sont à propos de l'analyse des offres, les candidats, et on peut les comprendre, ne souhaitant pas engager une relation commerciale sous la forme d'un contentieux. Des acteurs de la société civile, et en particulier des associations de contribuables ayant pour objet la recherche de la bonne gestion des dépenses publiques, pourraient utilement agir en référé précontractuel afin que soient corrigées les dérives les plus criantes. Ce sont les raisons pour lesquelles il lui demande, dans le cadre de la modernisation de l'action publique et de l'amélioration de l'efficacité des dépenses publiques, si le Gouvernement pourrait envisager une modification rapide de l'article L. 551-10 du code de justice administrative afin de permettre aux associations susmentionnées d'agir en référé précontractuel, sur le fondement de cet article.

Texte de la réponse

Le référé précontractuel, régi par les articles L. 551-1 à L. 551-12, et R. 551-1 à R. 551-6 du code de justice administrative (CJA), a pour but de faire obstacle à ce qu'un contrat de la commande publique soit attribué en violation des règles de publicité et de mise en concurrence. Il permet aux candidats évincés, qui constatent un manquement à ces règles, d'obtenir du juge du référé qu'il prononce les mesures nécessaires pour y remédier, avant la signature du contrat. Aux termes de l'article L. 551-10 du CJA, les personnes habilitées à engager un référé précontractuel sont « celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué » ainsi que le préfet. Le référé précontractuel permet d'allier une grande célérité dans le jugement des contentieux à l'importance et à la diversité des pouvoirs du juge. Ce dernier peut, en effet, enjoindre aux cocontractants de se conformer à leurs obligations, suspendre ou annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat, supprimer les clauses du contrat. Les procédures d'urgence en matière de marchés connaissent un succès non négligeable : plus de 1 400 référés précontractuels et contractuels ont été introduits devant les tribunaux administratifs en 2012. Ce chiffre est en constante augmentation depuis 2009 (990 en 2009, 1 098 en 2010, 1 108 en 2011). Le Gouvernement n'envisage pas de modifier l'article L. 551-10 du CJA pour ouvrir le référé précontractuel aux associations de contribuables. Le souci du bon usage des deniers publics ne saurait conduire à une multiplication des recours qui viendrait fragiliser les procédures de passation des contrats publics, paralyser l'action publique et encombrer davantage les juridictions administratives. Par ailleurs, les contribuables et les associations de contribuables disposent déjà d'une voie de recours pour s'assurer de la bonne utilisation de l'argent public, par la voie du recours pour excès de pouvoir, éventuellement assorti d'une demande de suspension, contre les décisions qui concourent à la formation du contrat, notamment des délibérations autorisant l'exécutif local à signer le marché (CE, 4 août 1905, Martin, rec. p. 749) ou contre la décision même de signer (CE 9 novembre 1934, Chambre de commerce, d'industrie et d'agriculture de Tamatave, req. n° 18275). En effet, la qualité de contribuable local a été jugée suffisante pour agir contre les actes relatifs à la passation d'un marché par la collectivité concernée (CE 14 janvier 1998 Commune de Saint Pierre contre M. Pihonée, req n° 154929) dès lors que cette passation engendre des dépenses supplémentaires. Ce recours permet, en outre, d'invoquer tous les moyens de légalité interne ou externe à l'encontre de l'acte contesté, alors que le juge du référé précontractuel ne peut sanctionner que des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence.