14ème législature

Question N° 15237
de Mme Bérengère Poletti (Rassemblement - Union pour un Mouvement Populaire - Ardennes )
Question écrite
Ministère interrogé > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère attributaire > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Rubrique > produits dangereux

Tête d'analyse > amiante

Analyse > désamiantage. opérateurs. certifications. coût.

Question publiée au JO le : 08/01/2013 page : 147
Réponse publiée au JO le : 05/03/2013 page : 2661

Texte de la question

Mme Bérengère Poletti attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la réglementation relative au retrait de toitures amiantées. En deux étapes, 1er janvier et 1er juillet 2013, la nouvelle réglementation va rendre particulièrement complexe le retrait du moindre m² de toiture amiantée. Jusqu'au 31 décembre 2012, toute entreprise en règle avec les formations initiales en vigueur doit procéder à un recyclage de la formation de ses salariés afin d'éviter de repasser en totalité les formations à partir du 1er janvier. Malheureusement l'offre de formation semble insuffisante. Au 1er janvier 2013, les entreprises n'ayant pas procédé aux recyclages nécessaires ne pourraient ainsi plus effectuer de retrait. À cette même date du 1er janvier, de nouvelles exigences techniques tenant au matériel nécessaire au désamiantage entreront en vigueur. Au 18 décembre 2012, ces nouvelles exigences techniques n'avaient toujours pas été définies par l'État. Enfin, le retrait de toiture amiantée, quelle que soit la taille du chantier, sera soumise à certification à partir du 1er juillet 2013. L'entreprise devra prouver qu'elle est engagée dans une démarche de certification et a déjà obtenu une précertification. Ces démarches coûteront entre 80 000 et 120 000 euros, coût qui semble démesuré au regard des possibilités financières de certaines entreprises, y compris dans les Ardennes, qu'il s'agisse d'artisans ou de PME. C'est sans compter sur le travail administratif colossal que cette certification représente. Le risque encouru par cette nouvelle réglementation est élevé : certains intervenants peuvent s'abstenir du dépôt d'un plan de retrait afin d'effectuer leurs prestations dans l'illégalité et dans des conditions ne permettant pas d'assurer la santé des personnels concernés. Aussi, elle lui demande l'avis du Gouvernement sur les difficultés pratiques de mise en œuvre de cette réglementation.

Texte de la réponse

Tout d'abord il y a lieu de rappeler que le décret du 4 mai 2012, qui a reçu un avis favorable à l'unanimité lors des consultations du comité d'orientation des conditions de travail (COCT), a pour objet de prendre en compte les avis de l'agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) émis en 2009 et 2010, ainsi que les résultats de la campagne expérimentale de mesurage des empoussièrements d'amiante par microscopie électronique à transmission analytique (META), conduite par la direction générale du travail (DGT) en 2009 et 2010. L'abaissement de la valeur limite d'exposition professionnelle (VLEP), l'élévation des niveaux de prévention à mettre en oeuvre et l'extension de la certification à l'ensemble des activités de retrait et d'encapsulage de matériaux contenant de l'amiante (MCA), en particulier aux activités de retrait de couverture et de bardage en amiante-ciment (AC), ont été décidées à la lumière de plusieurs constats concordants et préoccupants. Cette campagne a mis en lumière l'inadéquation de la distinction friable/non friable sur laquelle était basée l'ancienne réglementation, les niveaux d'empoussièrement lors de certaines opérations de retrait de matériaux non friables étant aussi élevés que ceux mesurés lors d'opérations de retrait de matériaux friables. C'est pourquoi la réglementation est désormais basée, non plus sur l'état initial du MCA avant tout travaux, mais selon le niveau d'empoussièrement généré lors des opérations, la valeur des trois niveaux d'empoussièrement réglementaires étant définie sur la base des résultats de la campagne META et des facteurs de protection actuellement connus des appareils de protection respiratoire. Les chantiers de couverture représentent au moins 40 % des opérations de retrait de MCA et constitueront pour les 40 ans à venir la partie prépondérante des chantiers. Or, les constats de l'inspection du travail révèlent de la part des entreprises de couverture des pratiques très émissives (travail à sec, cassage des tôles et ardoises, jets de matériaux, ...) et une absence de maîtrise des procédés d'isolement des locaux en sous-face, lesquels sont fréquemment occupés (combles aménagés, locaux industriels ou commerciaux en activité, lotissements). Il en résulte de nombreux cas de pollutions de ces locaux, d'exposition des occupants, de blocages d'entreprises du fait de la nécessité de dépolluer locaux et machines ainsi que des contentieux civils lourds, de nature à mettre en cause la survie économique des entreprises de couverture à l'origine des pollutions, lesquelles ne sont souvent pas assurées au regard du risque amiante. Par ailleurs, l'obligation de certification résulte de l'article 12 ter de la directive 2003/18/CE du 27 mars 2003, qui a été intégré en droit français par le décret 2006-761 du 30 juin 2006 et les deux arrêtés du 22 février 2007 organisant sa mise en oeuvre au 1er mars 2008. Elle a été différée pour les entreprises de couverture jusqu'au 1er juillet 2013 de manière à ce qu'elles mènent dans l'intervalle leurs démarches de formation et de mise à niveau de leurs moyens de prévention. Dans ce domaine, malgré son antériorité depuis 1996, l'obligation de formation à la prévention du risque amiante n'a pas reçu une mise en oeuvre satisfaisante dans le secteur d'activité considéré. Ceci a déjà conduit à reporter à la demande des organisations professionnelles (OP) du secteur des Bâtiments et des travaux publics (BTP), au 1er janvier 2012 l'entrée en vigueur des dispositions de l'arrêté du 22 décembre 2009 relatif à la formation des travailleurs, avec une obligation de mise à niveau de ceux formés sous l'empire de la réglementation antérieure avant le 31 décembre 2012. Par ailleurs, et compte-tenu des effectifs importants qui n'avaient pas été formés, un assouplissement important de certaines dispositions, visant en particulier les travailleurs effectuant des interventions sur MCA a été formalisé par l'arrêté du 23 février 2012. Des dispositions transitoires ont également été prises afin de reporter au 30 juin 2013 la date butoir des formations de mise à niveau, qui était initialement fixée au 31 décembre 2012. L'enjeu de la certification des entreprises de couverture est de s'assurer de leur maitrise technique, la conformité des moyens et organisation mis en oeuvre et de l'effectivité de leur formation par un organisme de formation certifié, ainsi que de l'existence d'une assurance professionnelle. Les informations reçues des deux organismes certificateurs (OC) font état d'un coût de la certification d'environ 13 000 euros sur un cycle de 5 ans, qui doit être apprécié au regard du chiffre d'affaire réalisé grâce à cette certification et de l'importance que représentent les travaux de retrait de toitures en AC. Le coût (80 000 à 120 000 euros) est beaucoup plus large que la seule certification et intègre l'acquisition des moyens de prévention collectifs et individuels, dont on peut raisonnablement penser que l'entreprise les avait au moins en partie acquis sous l'empire de la précédente réglementation. En revanche, les maladies liées à l'amiante représentent aujourd'hui la deuxième cause de maladies professionnelles et la première cause de décès liés au travail (entre 4000 et 5 000 maladies professionnelles liées à l'amiante reconnues, dont environ 1000 cancers). Ces maladies sont au premier rang des indemnisations versées au titre des maladies professionnelles (904 millions d'euros en 2010).