14ème législature

Question N° 1525
de Mme Stéphanie Pernod Beaudon (Les Républicains - Ain )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Fonction publique
Ministère attributaire > Fonction publique

Rubrique > fonctionnaires et agents publics

Tête d'analyse > indemnités

Analyse > zones frontalières. expérimentation. perspectives.

Question publiée au JO le : 22/11/2016
Réponse publiée au JO le : 30/11/2016 page : 8017

Texte de la question

Mme Stéphanie Pernod Beaudon alerte Mme la ministre de la fonction publique sur la situation des agents des trois fonctions publiques en zones frontalières et plus particulièrement dans le Pays de Gex et le Bassin bellegardien. La proximité de Genève, une des villes les plus chères au monde, l'accès au marché du travail suisse de nombreux frontaliers et la résidence croissante de citoyens suisses en France, font de ces territoires une zone de vie chère. Ainsi, l'arrondissement de Gex présente le plus haut revenu médian de tous les arrondissements de France métropolitaine. Un salaire médian de travailleur frontalier genevois s'établit à 6 200 euros, à comparer au salaire médian des fonctionnaires d'État français de 2 200 euros. Dans ces conditions, un agent public rencontre les plus grandes difficultés pour vivre et faire vivre sa famille au quotidien. Il en est de même pour le logement lorsque l'on constate que le prix de vente dans l'ancien atteint 3 820 euros/m² dans le Pays de Gex, contre 1 430 euros à Bourg-en-Bresse et moins de 3 000 euros dans la grande couronne parisienne. Comment un agent public peut-il louer un studio de 30 m² à Gex 700 euros par mois, contre 375 euros à Bourg-en-Bresse. Ces difficultés d'accès au logement, comme le soulignent les préfets de l'Ain et de la Haute-Savoie dans le rapport Dorison-Chambellan Le Levier, remis récemment à Mme la Ministre, « dégradent de manière aggravée le service public au point de mettre en péril sa continuité dans l'enseignement, la police, le trésor public et la santé ». On peut y ajouter les postiers, les soins à domicile et autres services à la population. Or il n'existe aucun dispositif de compensation du coût de la vie dans ces territoires, ne serait-ce au minimum une indemnité de résidence à laquelle ont droit des communes de l'Ain proches de Lyon. Au demeurant, celle-ci ne suffirait pas. En conséquence, elle lui demande si le Gouvernement est prêt à permettre aux régions frontalières d'expérimenter un régime indemnitaire différencié et adapté à leurs spécificités.

Texte de la réponse

TRAITEMENTS DES FONCTIONNAIRES DANS LES ZONES FRONTALIÈRES


Mme la présidente. La parole est à Mme Stéphanie Pernod Beaudon, pour exposer sa question, n°  1525, relative aux traitements des fonctionnaires dans les zones frontalières.

Mme Stéphanie Pernod Beaudon. Madame la ministre de la fonction publique, je souhaite vous alerter sur la situation des agents des trois fonctions publiques en zones frontalières, et plus particulièrement dans le pays de Gex et le bassin bellegardien, territoires voisins de la Suisse. J'associe à ma question mes collègues frontaliers Virginie Duby-Muller et Martial Saddier.

La proximité de Genève, une des villes les plus chères au monde, l'accès au marché du travail suisse de nombreux frontaliers et la résidence croissante de citoyens suisses en France font de ces territoires une zone de vie très chère. Ainsi, l'arrondissement de Gex, dont je suis la députée, présente le plus haut revenu médian de tous les arrondissements de France métropolitaine, supérieur de 43 % à celui de l'Île-de-France. Le salaire médian d'un travailleur frontalier genevois s'établit à 6 200 euros, alors que le salaire médian des fonctionnaires d'État français est de 2 200 euros.

Dans ces conditions, un agent public rencontre les plus grandes difficultés pour vivre et faire vivre sa famille au quotidien. Il en est de même pour le logement, puisqu'on constate que le prix de vente dans l'ancien atteint 3 820 euros par mètre carré dans le pays de Gex, et qu'il dépasse même les 4 500 euros à Prévessin-Moëns ou Divonne-les-Bains. À titre de comparaison, il est de 1 430 euros dans la ville préfecture, Bourg-en-Bresse, et il est inférieur à 3 000 euros dans la grande couronne parisienne. Comment voulez-vous qu'un agent public loue un studio de 30 m2 à Gex pour 700 euros par mois, alors qu'il pourrait avoir le même studio pour 375 euros à Bourg-en-Bresse ?

Ces difficultés d'accès au logement, comme le soulignent eux-mêmes les préfets de l'Ain et de la Haute-Savoie dans le rapport de M. Alain Dorison, remis récemment à la ministre, « dégradent de manière aggravée le service public, au point de mettre en péril sa continuité dans l'enseignement, la police, le Trésor public et la santé ». On peut y ajouter les postiers, les soins à domicile et tous les autres services à la population qui relèvent du service public.

Or, à ce jour, il n'existe aucun dispositif de compensation du coût de la vie dans nos territoires, pas même l'indemnité de résidence à laquelle ont droit des communes de l'Ain proches de Lyon, qui serait pourtant un minimum. Au demeurant, celle-ci ne suffirait pas. Aujourd'hui, les services publics sont vraiment mis à mal dans le pays de Gex et les territoires voisins de la Suisse, ce qui crée des situations difficiles. Le courrier n'est plus distribué qu'une fois par semaine, parce qu'aucun postier ne postule à ce poste. Nous déplorons par ailleurs une absence récurrente d'enseignants : ceux-ci ne souhaitent pas s'installer dans le pays de Gex, parce que leur salaire ne leur permet pas de se loger. En conséquence, le Gouvernement est-il prêt à permettre aux régions frontalières d'expérimenter un régime indemnitaire différencié et adapté à leurs spécificités ?

Je me permets d'ajouter que nous rencontrons le même type de difficultés dans le secteur privé : les salariés français, lorsqu'ils n'ont pas un conjoint qui travaille en Suisse, quittent de plus en plus le pays de Gex. Il s'agit souvent de salariés peu qualifiés, et nous rencontrons de réelles difficultés pour recruter des gens dans le secteur des services à la population. Même si notre territoire est parfois décrit comme une région de nantis, bénie des dieux, la disparition des services publics qui est en train de s'y produire est comparable à celle qui frappe nombre de territoires ruraux en France.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la fonction publique.

Mme Annick Girardin, ministre de la fonction publique. Madame la députée, votre question m'a beaucoup intéressée, à deux titres : d'abord, parce qu'elle est pertinente et que je partage votre analyse ; ensuite, parce que vous signalez le risque de voir disparaître les services publics dans certains territoires français. Ce fait doit absolument être rappelé, à l'heure où certains proposent, hélas, la suppression de 500 000 postes de fonctionnaires, voire des baisses de rémunération – ce qui ne répondrait pas du tout à vos préoccupations.

Concernant l'indemnité de résidence, son attribution est fixée par le décret n°  85-1148. Les communes y sont classées en trois zones de référence. La modification de ce classement est une procédure lourde, vous le savez, qui n'a pas été menée depuis quinze ans et prendre longtemps. Ce n'est pas pour cela qu'il ne faut pas la lancer, et nous y travaillons avec ma collègue, la ministre du logement. Je partage donc votre analyse.

Vous évoquez le rapport de M. Alain Dorison et de Mme Chantal Chambellan, qui contient dix-neuf propositions. Faciliter l'accès au logement des agents ¦publics est une vraie question, notamment dans des zones tendues, comme l'est votre arrondissement. Je travaille actuellement sur ces dix-neuf propositions avec les partenaires sociaux, et il en est plusieurs que nous comptons mettre rapidement en application.

Toutefois, je ne crois pas que la piste indemnitaire soit la meilleure solution, car elle aura un impact budgétaire pour les collectivités, qui doit être pris en compte. Par ailleurs, il me semble préférable de permettre aux fonctionnaires d'avoir accès à des logements qui ont été construits pour eux. Nous avons testé une piste prometteuse en Île-de-France, qui consiste à mobiliser les investisseurs institutionnels. Les caisses de retraites complémentaires du secteur public sont justement à la recherche d'investissements, et nous avons conçu avec elle le projet de mettre très rapidement 600 logements à la disposition des fonctionnaires. C'est ce genre de piste qu'il faut à mon sens privilégier. Je vous propose que nous continuions à travailler ensemble, pour voir si le projet que nous menons actuellement en Île-de-France peut être transposé chez vous.

Mme la présidente. La parole est à Mme Stéphanie Pernod Beaudon.

Mme Stéphanie Pernod Beaudon. Le sujet du jour n'est pas la campagne présidentielle de l'année prochaine, mais bien l'accès au logement et le maintien des services publics en territoire frontalier. Je vous remercie d'avoir exposé les pistes que vous êtes en train d'explorer, et nous serons très heureux de travailler avec vous. L'instauration d'une indemnité compensatrice serait certes coûteuse pour l'État, mais ce serait déjà mieux que rien. Enfin, vous nous proposez un projet à long terme d'investissement locatif dans le pays de Gex, mais je vous répète qu'aujourd'hui certains services publics ne fonctionnent plus.