14ème législature

Question N° 18205
de Mme Michèle Fournier-Armand (Socialiste, républicain et citoyen - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Écologie, développement durable et énergie
Ministère attributaire > Écologie, développement durable et énergie

Rubrique > produits dangereux

Tête d'analyse > insecticides

Analyse > utilisation. conséquences. apiculture.

Question publiée au JO le : 12/02/2013 page : 1455
Réponse publiée au JO le : 09/07/2013 page : 7191

Texte de la question

Mme Michèle Fournier-Armand attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la mortalité tragique et abusive des pollinisateurs qui met en péril l'écosystème et l'alimentation de toute la population, pour notre génération et celles à venir. À l'heure actuelle, il apparaît clairement que les pesticides systémiques utilisés massivement sont une des causes de la mortalité inquiétante des abeilles et de l'effondrement des colonies. De nombreuses études tendent à incriminer cette catégorie d'intrants. Elle lui demande donc de bien vouloir lui indiquer les intentions du Gouvernement relatives à la préservation des insectes pollinisateurs et à la mise en œuvre d'un moratoire sur les pesticides de la famille des néonicotinoïdes et des phénylpyrazoles.

Texte de la réponse

Mis sur le marché français en 1994, les insecticides de la famille des néonicotinoïdes sont, depuis, largement utilisés dans la protection des cultures contre les insectes ravageurs. Ces substances actives, notamment utilisées en traitement des semences, ont très vite été suspectées de fortement contribuer au phénomène de déclin des populations d'abeilles en raison de leur toxicité à très faible dose sur les abeilles et les pollinisateurs sauvages, de leurs propriétés systémiques ainsi que de leur persistance d'action. L'imidaclopride a ainsi été interdit sur tournesol en 1999, puis sur maïs en 2002. Depuis, de nombreuses études sont venues étayer cette hypothèse et, dernièrement, une étude menée par des chercheurs de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et de l'Association de coordination technique agricole (ACTA) sur 653 abeilles, publiée dans la revue Science en avril 2012, a mis en évidence l'effet néfaste d'une des molécules actives du Cruiser OSR, le thiamétoxam, sur la survie des ruchers lorsqu'il est utilisé en traitement des semences de colza. Cette étude tend à démontrer l'impact d'une dose sublétale de thiaméthoxam sur le comportement des abeilles butineuses, en particulier sur leur capacité à retourner à la ruche. Le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, après saisine de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), a donc pris le 24 juillet 2012 une mesure d'urgence consistant à retirer la spécialité commerciale Cruiser OSR et à interdire l'utilisation des semences traitées avec ce produit. Dans le même temps, la Commission européenne, sur l'invitation du Gouvernement français, a saisi l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), dont le rôle est d'évaluer les substances actives au niveau européen, pour procéder à une revue des dossiers des trois substances néonicotinoïdes (imidaclopride, thiamétoxam, clothianidine) les plus préoccupantes pour les abeilles et compléter le cadre d'évaluation des substances et des produits, qui montre à l'évidence des lacunes sur cette thématique. Les avis de l'EFSA sur ces trois substances actives ont été rendus le 16 janvier 2013. Ils ont mis en évidence des risques potentiellement élevés concernant la toxicité aigüe sur des cultures majeures (maïs, colza, tournesol) et des manques d'informations sur les risques chroniques pour les populations d'abeilles. Ils ont également confirmé les craintes de toxicité sur les pollinisateurs sauvages, particulièrement vulnérables, et dont la contribution au service de la pollinisation des cultures reste largement sous évaluée. L'action conjointe de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, a finalement permis que la Commission européenne décide, le 24 mai 2013, de restreindre drastiquement l'utilisation de ces trois néonicotinoïdes pour une durée de deux ans à compter du 1er décembre 2013. La question des effets des mélanges de produits est également prise en compte. La France est notamment un des seuls États membres à avoir mis en place des mesures d'évaluation et de restriction de l'utilisation des mélanges extemporanés. Ses dispositions prévoient à titre d'exemple que, durant la floraison, les insecticides pyréthrinoïdes et les fongicides des familles des triazoles et des imidazoles ne puissent être appliqués à moins de 24 heures d'intervalle. Ces mesures ont vocation à être renforcées en fonction des nouvelles suspicions d'effets néfastes des mélanges de produits phytopharmaceutiques. Enfin, la ministre de l'écologie a décidé, en complément du « plan abeille » du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, de mettre en place le « plan pollinisateurs sauvages » pour la fin de l'année 2013, conformément à la feuille de route issue de la conférence environnementale de septembre 2012. Celle-ci préconise en effet la nécessaire prise en compte de la préservation de ces pollinisateurs, longtemps délaissés, dans les décisions européennes relatives à ces substances actives et dans le processus de révision des procédures d'évaluation. Ces initiatives s'inscrivent dans l'effort global résolument conduit par les pouvoirs publics français pour réduire le recours aux pesticides et infléchir l'évolution des modèles les plus intensifs vers des pratiques alternatives moins dépendantes des intrants de synthèse, garantes d'une agriculture préservatrice des ressources naturelles et durablement performante.