14ème législature

Question N° 18807
de M. Thierry Braillard (Radical, républicain, démocrate et progressiste - Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Tête d'analyse > conseils de prud'hommes

Analyse > jugements. délais.

Question publiée au JO le : 19/02/2013 page : 1760
Réponse publiée au JO le : 27/08/2013 page : 9098

Texte de la question

M. Thierry Braillard attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le non-respect des dispositions de l'article L. 515-3 du code du travail par de nombreux conseils de prud'hommes. En effet, cet article précise qu'en cas de départage, l'affaire doit être reprise dans un délai d'un mois. Or la réalité pour les justiciables est bien différente car, entre le jugement de partage du conseil de prud'hommes et la nouvelle audience en présence d'un juge du tribunal de grande instance dit juge départiteur, il se passe souvent plusieurs mois voire années. Il lui demande les mesures qu'elle compte prendre pour que le délai d'un mois soit respecté scrupuleusement dans les différents conseils de prud'hommes.

Texte de la réponse

La garde des sceaux, ministre de la justice, rappelle que le respect des délais procéduraux constitue l'une des préoccupations constantes du Gouvernement dans la mesure où ils garantissent la légitimité de la juridiction prud'homale et participent à la stabilité du système de relations professionnelles. Il convient de rappeler que la justice constitue une mission régalienne de l'État participant de la paix sociale. Pour assurer pleinement sa fonction, elle se doit de satisfaire aux légitimes attentes des justiciables, d'une part, et aux exigences inhérentes à nos engagements souscrits auprès du Conseil de l'Europe, d'autre part. Dans ce cadre, la prise en compte des délais de jugement fait partie des indicateurs de performance retenus depuis la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances. La durée moyenne de traitement des affaires devant les juridictions prud'homales s'établissait fin 2011 (derniers chiffres consolidés) à 2 mois pour la phase référée et à 14,4 mois pour les décisions rendues hors référé. Il est précisé que 25 % des affaires ont été terminées en 2011 en moins de 3 mois, 50 % l'ont été en moins de 10 mois et 25 % l'ont été en plus de 17 mois. La ministre de la justice souscrit pleinement à cette préoccupation de limiter les délais de procédure, notamment dans la mesure où la responsabilité de l'État a déjà été, dans le passé, engagée pour des délais excessifs en cette matière, et constate que les délais de procédure ne sont pas toujours satisfaisants. Si la durée moyenne des affaires terminées peut procéder pour une part de la répartition des moyens entre les juridictions, les délais de jugements sont pour l'essentiel la résultante de nombreux renvois successifs, ainsi que d'un recours parfois fréquent au juge départiteur dans ce type de contentieux, aux enjeux économiques souvent conséquents. Le nombre d'affaires terminées par une départition, c'est-à-dire par un partage des voix et un renvoi devant le juge d'instance, a augmenté en 2011 et s'élève à 18 344 affaires. La part des affaires terminées en départition s'établit à 20 % des affaires ayant fait l'objet d'un délibéré en 2011. Rapportées à l'ensemble des affaires terminées, les affaires avec départition en représentent 11,2 %. Si la procédure de départage garantit l'équilibre des intérêts des demandeurs et des défendeurs, le renvoi en départage induit automatiquement un allongement substantiel de la procédure. Aussi, la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles a prévu la possibilité de spécialiser les juges départiteurs. L'article 5 de cette loi, modifiant l'article L.1454-2 du code du travail, vise à assurer une meilleure spécialisation des juges ayant à connaître de la départition prud'homale, en évitant que cette départition ne soit confiée, dans de petits ressorts, à des magistrats qui statueraient rarement dans cette matière complexe. Cette spécialisation devrait améliorer la qualité de la justice prud'homale et réduire le délai de traitement dans un contentieux par nature technique, rendu particulièrement complexe compte tenu des évolutions permanentes du droit du travail. Par ailleurs, une réflexion plus large a été engagée sur les pistes d'amélioration possible du fonctionnement des conseils des prud'hommes et de la procédure spécifique dont ils ont à connaître et qui est définie par le code du travail. Les échanges réguliers avec les organisations syndicales et patronales lors des assemblées plénières du conseil supérieur de la prud'homie, que la garde des sceaux a pris l'initiative de réunir de nouveau, ont conduit la direction des services judiciaires à piloter des groupes de travail destinés à optimiser les moyens mis à la disposition des conseillers prud'hommes au sein de ces juridictions. Lors de l'assemblée plénière du conseil supérieur de la prud'homie du 27 février 2013, il a été décidé d'entreprendre un travail approfondi sur la procédure prud'homale et le fonctionnement des conseils des prud'hommes. Aussi, les organisations syndicales et professionnelles ont été invitées, lors de l'intervention devant l'Assemblée nationale le 28 février dernier, à adresser leurs contributions et propositions d'amélioration concernant notamment l'organisation structurelle des juridictions, la situation des greffes, la formation, les conditions d'intervention éventuelles du ministère public ou la procédure, et ce quelle que soit la phase considérée (conciliation, jugement, départage) afin qu'une synthèse puisse être rapidement établie et des décisions de réforme prises. Enfin, la garde des sceaux a mis en place un groupe de travail présidé par le premier président de la cour d'appel de Montpellier, Didier Marshall, consacré aux juridictions du XXIe siècle dans lequel le conseil de prud'hommes a toute sa place. Les solutions proposées seront analysées et feront l'objet d'une large concertation auprès des partenaires sociaux représentés au sein du Conseil supérieur de la prud'homie. Il reste qu'à ce stade, aucune piste de réforme n'est écartée et pourra par conséquent être étudiée la possibilité de prévoir des dispositions qui permettent d'assurer le strict respect du délai d'un mois et, de manière générale, d'offrir au conseil des prud'hommes la possibilité de mettre en oeuvre des procédures plus efficaces, en particulier lors de la mise en état des dossiers.