14ème législature

Question N° 19098
de M. Jean-Jacques Urvoas (Socialiste, républicain et citoyen - Finistère )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > sécurité routière

Tête d'analyse > signalisation

Analyse > réglementation.

Question publiée au JO le : 19/02/2013 page : 1759
Réponse publiée au JO le : 11/11/2014 page : 9515
Date de changement d'attribution: 27/08/2014
Date de signalement: 30/09/2014
Date de renouvellement: 16/07/2013

Texte de la question

M. Jean-Jacques Urvoas interroge M. le ministre de l'intérieur sur le refus de l'administration de prendre en compte la langue bretonne dans la signalisation directionnelle des voies express de Bretagne. Elle fait en effet l'objet, de la part de la direction interdépartementale des routes de l'ouest (DIRO), d'une interdiction systématique sur le réseau routier national. L'argumentation développée pour justifier cette proscription est la suivante : « La capacité de lecture de mentions directionnelles par un usager en situation de conduite est limitée car son attention est concentrée par ailleurs sur la conduite du véhicule et sur la perception de son environnement : la prise d'informations de guidage se fait alors par de brèves séquences de lecture des panneaux. De ce fait, il convient de ne pas fournir plus d'informations à l'usager qu'il ne pourrait en assimiler dans son contexte de conduite. Ceci peut se traduire par des manœuvres hasardeuses (ralentissement devant un panneau, changement de trajectoire au dernier moment) potentiellement dangereuses en termes de sécurité ». Un tel raisonnement semble hasardeux à bien des égards. D'abord, il entre en contradiction flagrante avec l'ensemble des études scientifiques réalisées sur le sujet dans l'Union européenne. L'une d'entre elles, réalisée en 2000 par l'institut de recherche en transport de l'université de Leeds (Angleterre) pour le compte de l'assemblée du Pays de Galles, démontre ainsi qu'en présence d'un affichage conçu correctement, il n'existe strictement aucune différence dans le temps de réponse des automobilistes pour saisir une information selon qu'elle est affichée sur un panneau monolingue ou bilingue. Au demeurant, les réalités de terrain viennent sans conteste confirmer cet enseignement. Voici déjà plusieurs décennies que les départements bretons ont mis en place une signalétique bilingue sur le réseau routier qui relève de leur compétence, ce qui ne s'est nullement traduit par une augmentation du nombre des accidents. De même, le recours systématique à cette forme de signalisation sur les autoroutes de nombreuses régions d'Europe (Pays basque sud, Pays de Galles...) ne pose aucun problème en termes de sécurité. Le blocage constaté dans notre pays sur cette question semble donc beaucoup plus culturel ou idéologique que technique. Il lui demande dès lors quelles mesures il envisage afin que, dans leurs aires d'usage, les langues régionales, et singulièrement la langue bretonne, trouvent enfin la place qui leur revient sur le réseau routier national.

Texte de la réponse

Les articles 2 et 75-1 de la Constitution disposent, d'une part, que « la langue de la République est le français » et, d'autre part, que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». L'article 3 de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française indique également que « toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique [... ] et destinée à l'information du public doit être formulée en langue française » et l'article 21 de la même loi ajoute « les dispositions de la présente loi s'appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relative aux langues régionales de France et ne s'opposent pas à leur usage ». Par ailleurs, par décision n° 94-345 du 29 juillet 1994, le Conseil constitutionnel a précisé que ladite loi n'avait pas « pour objet de prohiber l'usage de traductions lorsque l'utilisation de la langue française est assurée ». Si la réglementation relative à la signalisation routière (arrêté du 24 novembre 1967 modifié et Instruction interministérielle sur la signalisation routière modifiée du 22 octobre 1963) ne prévoit pas expressément que les mentions figurant en langue française sur les panneaux puissent être traduites dans une langue régionale, la Cour administrative d'Appel de Marseille a jugé, dans un arrêt du 28 juin 2012, « qu'il résulte de la combinaison de l'ensemble de ces dispositions que l'utilisation de traductions de la langue française dans les différentes langues régionales n'est pas interdite pour les inscriptions apposées sur la voie publique et destinées à l'information du public, lorsqu'en même temps l'utilisation du français est suffisamment et correctement assurée ». Il n'en reste pas moins que l'implantation de la signalisation sur les routes ouvertes à la circulation publique relève de la décision et de la responsabilité des autorités en charge de la voirie, conformément à l'article L.411-6 du code de la route. Dans le respect du cadre réglementaire défini en particulier par les dispositions de la 5e partie de l'instruction précitée relatives à la signalisation de repérage, il leur appartient d'apprécier l'opportunité de faire figurer sur les panneaux directionnels la traduction en langue régionale des mentions en langue française et, dans cette hypothèse, de s'assurer, en fonction de la nature du réseau, du trafic supporté et des vitesses autorisées, que l'ajout de ces traductions ne nuit pas à la lisibilité de la signalisation, élément indispensable à la sécurité de la circulation. Enfin, il convient de souligner que l'insertion de ces inscriptions en langue régionale nécessiterait le remplacement de la signalisation directionnelle existante sur les réseaux concernés avec un coût financier important dont la prise en charge devrait être supportée par les gestionnaires de voirie concernés, en premier lieu les collectivités locales pour les routes départementales et communales, et l'Etat pour les routes nationales.