14ème législature

Question N° 1924
de M. Edouard Philippe (Union pour un Mouvement Populaire - Seine-Maritime )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > collectivités territoriales

Tête d'analyse > organisation

Analyse > réforme territoriale. modalités.

Question publiée au JO le : 05/06/2014
Réponse publiée au JO le : 05/06/2014 page : 3745

Texte de la question

Texte de la réponse

RÉFORME TERRITORIALE


M. le président. La parole est à M. Edouard Philippe, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Edouard Philippe. En tant qu'élu havrais, je tiens avant toute chose à adresser à Valérie Fourneyron, élue rouennaise, tous mes vœux de prompt et complet rétablissement. (Applaudissements sur tous les bancs.)

En 2010, monsieur le Premier ministre, vous n'aviez pas de mots assez durs pour parler de la loi portant réforme territoriale, et vous nous expliquiez que lorsque la gauche reviendrait au pouvoir, on allait voir ce qu'on allait voir. Eh bien, monsieur le Premier ministre, on voit ; et ce que l'on voit est assez affligeant.

Oui, il faut modifier et clarifier l'organisation des territoires de la République. Bien entendu, il faut fusionner les Normandies et j'approuve, sur ce point, votre carte. Cependant, depuis la révélation du contenu de votre réforme, trois impressions prédominent.

L'improvisation, tout d'abord : jusqu'au dernier moment, les limites territoriales ont été modifiées au gré de concessions faites à des personnalités socialistes ayant plus ou moins l'oreille du Président.

L'arbitraire, ensuite : pourquoi certaines régions fusionnent-elles à trois quand d'autres restent seules ? En fonction de quels critères le Président a-t-il fait ses choix ?

L'incohérence, enfin : vous allez supprimer la clause de compétence générale après l'avoir défendue et remise en vigueur. Vous allez budgétairement asphyxier les collectivités territoriales après leur avoir imposé des dépenses supplémentaires.

Il y a sur tous les bancs de cette assemblée, monsieur le Premier ministre, des élus soucieux d'avancer. En supprimant la loi de 2010, vous avez hélas surtout reculé. Vous devez aux Français la clarté et la précision sur au moins trois points.

Premièrement, qui est à la manœuvre ? Votre gouvernement comporte un ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique et, auprès d'elle, un secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale. Mais depuis hier, il y a également un secrétaire d'État à la réforme de l'État, placé auprès du Premier ministre.

M. Bruno Le Roux. Bravo !

M. Edouard Philippe. Et l'on ne saurait non plus exclure que le ministre de l'intérieur soit lui aussi un peu intéressé par le sujet. Certains pourraient en conclure qu'il y a « xxx » ministres chargés de ce dossier.

Deuxièmement, allez-vous tout dire aux Français ? Vous avez consulté les présidents de région socialistes et eux seuls. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) Des engagements ont-ils été pris auprès de certains, par exemple sur le choix des capitales régionales ? À Toulouse ou à Montpellier, à Rouen ou à Caen, les Français aimeraient savoir si vous avez déjà, entre vous, pris des décisions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Merci.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je vous remercie, monsieur le député, d'avoir bien voulu saluer Valérie Fourneyron, qui a voulu résister au maximum face à ses problèmes de santé mais qui a dû renoncer à assumer sa fonction. Je lui souhaite à mon tour, en votre nom et au nom du Gouvernement, un prompt rétablissement. (Applaudissements sur tous les bancs.) Je salue également la nomination de Carole Delga et de Thierry Mandon : leur expérience de députés sera utile au Gouvernement, et donc à la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

Je vous réponds, monsieur le député : il s'agit d'un projet défendu par le Président de la République et par l'ensemble du Gouvernement. Cela fait des années que l'on parle de ces réformes territoriales. Depuis trente ans, le pays a naturellement évolué au fil des différentes phases de la décentralisation, qui a permis à la France de se moderniser grâce à une plus grande proximité et à l'engagement des élus.

Cependant, les différents rapports parus sur ce sujet – le rapport Balladur…

M. Marc Le Fur. Excellent rapport !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …ou encore celui de MM. Raffarin et Krattinger – mais aussi votre formation politique elle-même ont formulé des propositions visant à supprimer les départements ou à regrouper les régions. D'une certaine manière, votre question tout comme le débat et les commentaires suscités depuis deux jours montrent bien qu'il fallait prendre une décision et mettre une proposition sur la table.

Cette proposition, c'est le Président de la République qui l'a faite, et elle permet le débat. Si l'on organisait partout des états généraux et des référendums, comme cela a été proposé hier, il n'en sortirait rien d'autre que l'immobilisme et l'absence de réforme. Le Président de la République et le Gouvernement assument pleinement la nécessité de la réforme dont la France a besoin. Il lui faut des régions grandes et fortes, elles-mêmes capables de renforcer le pays.

Le texte sera présenté en conseil des ministres le 18 juin prochain, en même temps que le texte relatif aux compétences et à la montée en puissance de l'intercommunalité. Le texte relatif au tableau des conseillers régionaux sera défendu par le ministre de l'intérieur, ce qui est tout à fait naturel. C'est à partir de ce moment-là que s'engagera le débat, d'abord au Sénat puis à l'Assemblée nationale au mois de juillet, afin que cette réforme entre en pratique.

Il ne faut pas en avoir peur, car cette réforme sera positive pour notre pays et, je le répète, sera accompagnée de la montée en puissance de l'intercommunalité, mais aussi du travail que nous devrons accomplir concernant les départements, conformément à la perspective tracée par le Président de la République afin, notamment, de protéger les territoires les plus faibles, ceux qui souffrent de la crise, ceux qui se sentent éloignés et insuffisamment protégés – je pense par exemple, mais pas seulement, aux territoires ruraux. Voilà le travail que nous devons conduire, en prenant l'engagement que l'État soit aussi plus proche et plus efficace au niveau des départements.

Au-delà des prises de position et des effets de manche, et comme je sais que vous êtes un député et un maire sérieux, qui connaît bien ces sujets (« Bravo ! » sur quelques bancs du groupe UMP), je ne doute pas un seul instant que nous parviendrons à travailler et à avancer ensemble en faveur de l'intérêt général. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)