DOM-ROM : Guadeloupe
Question de :
M. Ary Chalus
Guadeloupe (3e circonscription) - Radical, républicain, démocrate et progressiste
M. Ary Chalus attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur la situation préoccupante des marins-pêcheurs de la Guadeloupe dans l'exercice de leur activité professionnelle. L'Archipel de la Guadeloupe compte 1 677 marins professionnels, dûment enrôlés à la Direction de la pêche et 878 navires, produisant environ un volume de 4 000 tonnes pour un chiffre d'affaires estimé à 31 millions d'euros. Avec le secteur informel de plaisanciers et de particuliers s'adonnant à la pêche, 3 000 personnes vivraient de la pêche et d'une production globale de 10 000 tonnes, couvrant 63 % de la consommation locale. Il s'agit d'une pêche artisanale, côtière pour 46 % des professionnels et pour le solde, 54 %, d'une activité mixte, côtière et au large, très dépendante de la qualité des milieux, notamment, des milieux littoraux et récifaux. Entre 1972 et 1993, un pesticide organochloré, le chlordécone, a été utilisé par les socioprofessionnels de la banane pour lutter contre le charançon, un insecte s'attaquant aux bananiers. À concentration élevée, ce pesticide est supposé avoir des effets cancérigènes et perturbateurs endocriniens chez l'homme. Le risque est avéré, notamment en cas de consommation régulière de certains fruits et légumes contaminés mais, également, de certains poissons et crustacés fréquentant les milieux littoraux. Compte tenu du très grand risque encouru par la population en terme de santé publique, dès 2008, un Plan Chlordécone a été mis en place visant à limiter l'exposition des populations, assurer la qualité de la production alimentaire locale et soutenir les professionnels impactés. Dans la continuité de ce plan, l'arrêté 2010-721 du 23 juin 2010 délimite des zones de pêche prohibées à l'intérieur d'une bande côtière de 500 m, allant de Goyave à Trois-Rivières, communes de la Côte-au-Vent et bordant les centres traditionnels de la production bananière. Au-delà de cette bande, a été délimitée une zone de pêche supplémentaire réglementée avec autorisation partielle de prélèvements d'espèces bien précises. Cette interdiction, bien que légitimée par le risque encouru par la population, pourrait porter un coup fatal à la pêche côtière, ordinairement réservée aux petites embarcations. Les restrictions de pêche posent aussi problème aux bateaux plus importants, mieux adaptés à la pêche au large et pouvant accéder aux grands pélagiques. Hormis ces restrictions drastiques dues au risque élevé d'empoisonnement lié au chlordécone, les professionnels de la pêche sont de plus, confrontés à diverses menaces entravant leur activité (prix élevé du carburant, du matériel, des engins, politique commune des pêches -PCP- de l'Union européenne en complète inadéquation avec les pratiques et particularités locales, dégradation des écosystèmes et l'arrivée d'espèces invasives comme le poisson-lion, véritable danger écologique pour les récifs coralliens). Un tel contexte appelle des mesures destinées, d'une part, à permettre aux socioprofessionnels qui le veulent de continuer à vivre du produit de leur pêche et, d'autre part, à perpétuer une activité dont la production est essentielle pour le consommateur et l'économie locale. 1) Dans l'immédiat, des mesures ponctuelles : vu l'acuité de leurs difficultés et la précarité de certaines situations, elles devraient s'inspirer, pour partie, des dispositions du Protocole de fin de conflit de la Martinique entre l'État et les collectivités, s'agissant, notamment, des aides d'urgence financières obtenues par les socioprofessionnels de la Martinique. Dans le même ordre d'idées, elles devraient accompagner une restructuration des dettes sociales, en raison du manque à gagner résultant de la baisse de leur activité. 2) Des mesures d'aides à la reconversion aux marins-pêcheurs par une indemnisation similaire à l'aide au départ dont ont bénéficié les entrepreneurs de transport en commun, qui ont quitté la profession de transporteur. 3) La définition d'un plan de redressement de la filière s'appuyant sur : une formation aux nouveaux métiers de la pêche en direction des jeunes souhaitant embrasser cette profession, un développement accru de l'aquaculture, une restructuration de l'aide aux flottilles par une dérogation des PCP afin de permettre de financer des bateaux équipés pour aller pêcher au large et également, la modernisation de la flotte de la petite pêche, une action gouvernementale visant à obtenir de l'Union européenne une neutralisation des effets pervers des PCP, entre autres par exemple, pour le financement public des dispositifs de concentration de poissons (DCP). Face à la crise actuelle de la pêche dans les départements d'outre-mer et singulièrement en Guadeloupe, il lui demande quelles sont les mesures d'urgence qu'il envisage de prendre en faveur de ces socioprofessionnels dont l'activité est durement pénalisée, pour leur permettre de continuer à vivre du produit de leur pêche.
Réponse publiée le 4 février 2014
Le Gouvernement est pleinement conscient de la situation préoccupante du secteur de la pêche en mer et de l'aquaculture résultant de la pollution par la chlordécone dans les Antilles. Il a pris la mesure de l'ampleur de cette situation dès les premiers résultats connus démontrant la pollution de certaines zones de pêche, nécessitant, dans un souci de protection de la santé publique, de prononcer des interdictions de pêche. Depuis 2008, les plans chlordécone mis en place par l'État, avec le soutien des collectivités, s'attachent notamment à accompagner les professions fortement affectées par cette pollution. Du fait de la diffusion progressive de la pollution dans le milieu marin, la problématique maritime a pris une importance grandissante lors de la mise en oeuvre du deuxième plan (période 2011-2013) et constituera un axe important du troisième plan chlordécone (période 2014-2016), en cours de finalisation. Des dispositifs d'aides aux pêcheurs ont ainsi été mis en place dans le cadre du deuxième plan chlordécone, permettant d'octroyer une aide financière dans le courant de l'année 2011 à près de 60 pêcheurs guadeloupéens pour un montant de 0,46 M€. Un nouveau dispositif d'aides a été mis en place en 2013 suite à l'interdiction de pêche prononcée par arrêté préfectoral du 26 juin 2013. Près de 140 pêcheurs ont d'ores et déjà été indemnisés courant 2013 pour un montant total de 1,17 M€. Au-delà de ces aides, et face à cette pollution dont les effets perdurent, l'ambition du troisième plan chlordécone est de mettre en place, au niveau local, un plan d'adaptation durable des pêcheurs travaillant habituellement dans ces zones. Ce plan pourra couvrir l'ensemble des volets identifiés (reconversion, diversification, relocalisation, meilleure promotion et valorisation des produits...) en proposant les mesures adaptées à la situation locale, en conformité avec la réglementation communautaire. La Commission européenne, dont les services ont déjà été approchés, sera ainsi associée étroitement à ces travaux.
Auteur : M. Ary Chalus
Type de question : Question écrite
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Transports, mer et pêche
Ministère répondant : Transports, mer et pêche
Dates :
Question publiée le 26 février 2013
Réponse publiée le 4 février 2014