crédit
Question de :
M. Laurent Grandguillaume
Côte-d'Or (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Laurent Grandguillaume attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la question des nouvelles pratiques commerciales porteuses de risques en matière de crédit. Le surendettement se définit comme l'impossibilité manifeste pour le débiteur de bonne foi de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir. Dans un contexte de crise économique, sociale et financière, de nombreuses familles sont touchées par ce fléau. Si des améliorations ont été apportées par la loi Lagarde de 2010 concernant le traitement des dossiers, près de 221 000 ménages français ont déposé des dossiers auprès des commissions de surendettement en 2012. Dans son rapport public annuel 2013, la Cour des comptes souligne que «de nouvelles pratiques en matière de commercialisation du crédit sont apparues». Les cartes bancaires - dites cartes de débit ou carte de paiement - sont de plus en plus fréquemment assorties d'une fonction de carte de crédit. Elles font l'objet d'une forte publicité et leur diffusion a progressé de 36,4 % de novembre 2010 à septembre 2012. 20,9 % des nouveaux crédits renouvelables sont ouverts par ce moyen. Ces cartes sont également proposées par les groupes de distribution à des tarifs très attractifs, inférieurs à ceux des cartes de débit classiques. Cette pratique, qui n'est pas réglementée par la loi du 1er juillet 2010, doit faire l'objet d'une vigilance accrue en raison de sa facilité d'utilisation. Compte tenu des risques que peuvent comporter ce type de pratiques en matière de surendettement, il souhaiterait connaître quelles actions il entend mettre en œuvre pour réguler ces nouvelles pratiques.
Réponse publiée le 19 mars 2013
La loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation comportait déjà un important volet destiné à prévenir le surendettement en favorisant une distribution plus responsable du crédit à la consommation et en encadrant plus spécifiquement les crédits renouvelables, souvent cités comme source de surendettement. Cette réforme de grande ampleur n'est entrée en vigueur que depuis deux ans pour certaines dispositions : encadrement de la publicité et des pratiques promotionnelles portant sur les crédits à la consommation, réforme du taux d'usure pour le crédit à la consommation, encadrement du crédit renouvelable, paiement au comptant par défaut lors de l'utilisation des cartes de fidélité. Elle prévoit notamment que soient mises en place les conditions d'un choix éclairé pour l'emprunteur et des obligations d'information pour le prêteur, notamment sur les lieux de vente. Ce dernier doit en outre obligatoirement vérifier la solvabilité du client avant l'octroi du crédit. Le comité consultatif du secteur financier (CCSF) a publié le 24 septembre 2012 un bilan de l'entrée en vigueur de la loi portant réforme du crédit à la consommation. Il ressort de cette étude que la loi a modifié concrètement les pratiques dans la distribution du crédit en magasin. La fonction paiement au comptant (par défaut pour les cartes de fidélité) a un impact direct sur les transactions à crédit qui diminuent ; les prix du crédit baissent. La nouvelle règle de l'amortissement minimum a eu un effet immédiat : elle accélère le remboursement des crédits renouvelables ce qui réduit le coût pour le consommateur. Néanmoins, toutes les pratiques ne sont pas encore totalement responsables et l'interprétation restrictive de la loi de la part de certains professionnels est dommageable, en particulier concernant l'offre alternative entre crédit classique et renouvelable : cette offre existe bien mais est rarement proposée. De plus, les contrats sont devenus volumineux et manquent de lisibilité ; la durée des entretiens commerciaux s'est considérablement allongée (+ 60 % en magasin) ce qui est positif mais peut s'avérer lourd et fastidieux. Enfin la fiche de dialogue qui recense les ressources et les charges du consommateur avant l''octroi du prêt est largement déclarative, même s'il s'agit d'une déclaration sur l'honneur. La réforme produit également des effets structurels (macroéconomiques) qui se traduisent par un repositionnement du crédit renouvelable, ce qui était visé : fin mars 2012, les encours de crédit à la consommation étaient en baisse de 1,3 % sur un an, les prêts personnels sont en hausse ce qui signifie que cette baisse du crédit à la consommation repose largement sur le crédit renouvelable et le crédit renouvelable se recentre sur les prêts de petits montants, les durées de remboursement se raccourcissent, les taux baissent et les fermetures de contrats ont fortement doublé . Suite au bilan de la loi citée ci-dessus, via un avis du CCSF adopté le 15 novembre 2012 dont l'objectif est « non pas de réécrire la loi mais de la mettre en oeuvre le plus complètement possible, conformément à sa lettre et à son esprit », les établissements de crédit ont pris une série d'engagements parmi lesquels figurent plusieurs avancées majeures : proposition de programmes de fidélité sans lien aucun avec une carte de crédit, proposition systématique d'un crédit amortissable à la place d'un crédit renouvelable au-delà de 1 000 euros, information claire dans la documentation commerciale sur la nature juridique d'une opération de paiement en N fois sans frais. Conscient des difficultés non seulement financières mais également psychologiques et sociales auxquelles les personnes surendettées doivent faire face, le Gouvernement a décidé d'aller plus loin et, en sus de nouvelles mesures améliorant le traitement du surendettement lui-même, de mettre en place une véritable politique de prévention du surendettement en agissant avant qu'il ne soit trop tard. Cette politique repose notamment sur une plus grande implication des établissements de crédit dans la prévention du surendettement. Ainsi, lors du comité interministériel de lutte contre les exclusions du 21 janvier 2013, le Gouvernement a annoncé la mise en oeuvre d'un « plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale » qui fait suite à la conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale des 10 et 11 décembre 2012. Ce plan pluriannuel comporte un volet « inclusion bancaire et lutte contre le surendettement » qui prévoit un certain nombre de mesures pour accompagner les personnes et les familles en situation de fragilité financière, en particulier : - le renforcement du droit au compte qui permet aux ménages pauvres en situation d'exclusion d'obtenir l'ouverture d'un compte accompagné d'un ensemble de services bancaires gratuits, ainsi qu'une meilleure diffusion de la gamme de paiements alternatifs, conçue pour limiter les incidents et l'amélioration de la procédure de traitement du surendettement ; - l'obligation pour les établissements de crédit de mettre en place des dispositifs de détection précoce des difficultés financières de leurs clients et d'y apporter des réponses adaptées ; - l'amélioration de l'articulation entre la procédure du traitement du surendettement et les textes relatifs au logement afin de favoriser le maintien dans leurs logements des locataires ou propriétaires accédant surendettés ; - le plafonnement de certains frais bancaires (commissions d'intervention) qui pénalisent en particulier les publics les plus fragiles ; - la mise en place d'un observatoire de l'inclusion bancaire chargé de collecter et publier des informations sur les pratiques des établissements bancaires en la matière. Des dispositions en ce sens sont en cours de discussion dans le cadre de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires et adoptées en première lecture à l'Assemblée nationale le 19 février dernier. Dans le cadre de la loi relative à la consommation prévue au printemps prochain, le Gouvernement a décidé en outre la création d'un registre national des crédits aux particuliers. Enfin, le Gouvernement, conscient que les difficultés financières en général, et le surendettement en particulier, ne relèvent pas uniquement de la sphère bancaire mais, malheureusement de plus en plus de charges de la vie courante, a décidé : - le développement de « points conseils budget » qui pourront être mis en place conjointement par les réseaux bancaires, les autres catégories de créanciers (bailleurs sociaux, fournisseurs d'énergie, opérateurs de téléphonie, etc.), les associations, les collectivités locales et les services déconcentrés de l'État et qui doivent permettre aux personnes connaissant des difficultés de bénéficier de conseils, d'orientation vers les structures compétentes et le cas échéant d'une médiation avec leurs créanciers ; - l'amélioration de la formation des travailleurs sociaux aux questions budgétaires et bancaires, qui jouera également un rôle essentiel dans l'accompagnement des personnes en situation de pauvreté ou d'exclusion confrontées au surendettement ou à des difficultés avec leurs créanciers. Ces nouvelles dispositions permettront d'accompagner les personnes les plus fragiles et à prévenir les risques de surendettement auxquelles certains de nos concitoyens sont malheureusement confrontés.
Auteur : M. Laurent Grandguillaume
Type de question : Question écrite
Rubrique : Consommation
Ministère interrogé : Économie et finances
Ministère répondant : Économie et finances
Dates :
Question publiée le 5 mars 2013
Réponse publiée le 19 mars 2013