14ème législature

Question N° 20300
de M. Alain Bocquet (Gauche démocrate et républicaine - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Tête d'analyse > tribunaux

Analyse > audiences. mineurs. témoignages. modalités.

Question publiée au JO le : 05/03/2013 page : 2433
Réponse publiée au JO le : 08/09/2015 page : 6872
Date de changement d'attribution: 27/08/2014
Date de signalement: 07/10/2014

Texte de la question

M. Alain Bocquet attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions d'audition des mineur(e)s dans les procès d'assises. Des conditions sur lesquelles revient le film « Outreau, l'autre vérité » récemment réalisé, à propos du procès conclu en appel, par l'acquittement de 13 des 17 accusés. Dans cette affaire de viols et violences sur mineur(e)s, les dispositions prévues en particulier pour le déroulement des audiences du procès de Saint-Omer, avaient conduit à installer dans ce qu'il est convenu de nommer, le box des accusés, les enfants victimes ! Des enfants, rappellent divers intervenants du film, acteurs du procès ou professionnels du droit, dès lors « confrontés au regard de tous », « malmenés en audience » après avoir dû attendre des heures pour déposer à la barre. Tout cela alors que, souligne le film en question, il serait impérieux d'être « très respectueux avec ce type d'enfant ». Au-delà de l'affaire elle-même particulièrement dramatique, se pose donc notamment cette question de l'amélioration indispensable des conditions d'audition des mineur(e)s dans les procès d'assises sachant, par exemple, que certains pays comme le Canada, la Grande-Bretagne ont recours à la vidéo-conférence. Il lui demande quels dispositifs et quelles recommandations encadrent aujourd'hui la participation et le témoignage d'enfants victimes dans ces procès et quels prolongements le ministère entend donner à la nécessité de faire évoluer leurs conditions d'audition, dans un sens favorable à la protection de l'enfance, à sa liberté de parole et foncièrement, à l'expression de la justice.

Texte de la réponse

La question de l'amélioration des conditions d'audition des mineurs victimes dans les procès d'assises est au coeur des préoccupations ministérielles. Ainsi qu'il résulte d'une étude récente menée par l'Ecole Nationale de la Magistrature, les mineurs victimes d'infractions sexuelles sont effectivement intimidés par un système judiciaire décrit comme incompréhensible et se sentent d'autant plus fragilisés qu'ils sont souvent contraints à une répétition traumatisante du récit des faits subis. Semblables conditions d'audition devant la juridiction de jugement peuvent provoquer un sentiment d'humiliation, la plupart des mineurs victimes pensant qu'il s'agit de tester leur crédibilité. De manière plus ponctuelle et lorsque les faits incriminés sont reprochés à un membre de la famille, ces mêmes conditions confrontent les mineurs victimes à un conflit de loyauté difficilement supportable et les placent dans une situation aussi douloureuse que délicate. Les interrogations et plaidoiries de la défense sont également mal vécues. Aussi, ce sujet est-il considéré comme fondamental. Il y a cependant lieu d'observer qu'un certain nombre de dispositifs s'efforcent déjà de concilier la prise en compte de la souffrance de l'enfant sur le plan médical, psychologique et social avec la nécessaire recherche de la vérité et l'indispensable respect des droits de la défense au cours du procès d'assises. Parmi ces dispositifs, il convient tout d'abord d'indiquer que les avocats et les magistrats se voient proposer des actions de formation permettant de les spécialiser dans le recueil de la parole de l'enfant, d'améliorer leurs méthodes de questionnement et de favoriser un professionnalisme alliant tact, pédagogie et juste distance. En outre, les dispositions de l'article 706-52 du code de procédure pénale incitent les magistrats à procéder à l'enregistrement audiovisuel de l'audition des mineurs victimes d'infractions sexuelles et à exploiter celui-ci tout au long de la procédure. C'est ainsi qu'une circulaire du 2 mai 2005 relative à l'amélioration du traitement judiciaire des procédures concernant les infractions de nature sexuelle (N° NOR :JUS. D 05-30075 C) encourage la consultation de l'enregistrement audiovisuel des mineurs victimes. Sans la rendre systématique, cette circulaire indique : « Il est ainsi indispensable qu'avant toute confrontation entre un mineur et la personne qu'il accuse, le contenu de la vidéo soit présenté au mis en examen ou au témoin assisté. Un tel acte est de nature à rendre inutile la confrontation envisagée. Le même principe doit présider aux audiences de jugement, si l'audition de l'enfant est souhaitée par la juridiction ». Enfin, les dispositions de l'article 706-71, alinéa 2 du code de procédure pénale autorisent l'audition des mineurs victimes d'infractions sexuelles par la juridiction de jugement moyennant l'utilisation d'un procédé de visioconférence. Cette utilisation est une prérogative du président d'audience, qu'il tient de l'article 309 du code précité lorsqu'est ouvert un procès d'assises. C'est ainsi que dans le cadre du procès d'Angers, l'association « La voix de l'enfant » a facilité le déploiement d'un matériel de visioconférence destiné à améliorer les conditions d'audition des mineurs victimes devant la cour d'assises. Cette expérience s'est avérée très positive et mérite d'être généralisée.