14ème législature

Question N° 20589
de M. Michel Lefait (Socialiste, républicain et citoyen - Pas-de-Calais )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires européennes
Ministère attributaire > Budget

Rubrique > Union européenne

Tête d'analyse > États membres

Analyse > contrefaçon. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 05/03/2013 page : 2360
Réponse publiée au JO le : 04/06/2013 page : 5807
Date de changement d'attribution: 20/03/2013
Date de signalement: 21/05/2013

Texte de la question

M. Michel Lefait appelle l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes, sur la réglementation européenne dans le domaine de la lutte contre la contrefaçon. En effet, l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne n° C-495-09 Nokia Philips, rendu le 1er décembre 2011, a eu pour incidence de modifier profondément les actions de lutte contre la contrefaçon menée par les services des douanes françaises, en raison du respect de la propriété intellectuelle telle qu'édictée par l'Union européenne suite à cette décision de justice. Ceci a deux conséquences majeures : tout d'abord cela permet d'irriguer en contrefaçon les pays riverains de l'Union européenne et de mettre en place un e-commerce, rendant plus difficile le contrôle des douanes ; ensuite la contrefaçon, même si elle n'est pas destinée au marché européen, représente un manque à gagner important pour les marques européennes, et notamment pour les marques françaises, qui sont les plus contrefaites. La Commission européenne a présenté une proposition de règlement en 2011 sur le contrôle, par les autorités douanières, du respect des droits de propriété intellectuelle. Le 3 juillet 2012, le groupe socialiste et démocrate (S et D) au Parlement européen a voté contre cette initiative législative, notamment en raison du fait qu'elle ne prenait pas en compte le problème du transit au sein de l'UE des marchandises contrefaites. La proposition législative est désormais devant le Conseil et fera l'objet d'un vote en deuxième lecture au Parlement européen le 16 avril 2013. Il lui demande duelle est la position de la France au sein du Conseil et quelles initiatives elle envisage de prendre afin de remettre en cause la jurisprudence Nokia Philips et de lutter ainsi efficacement contre les contrefaçons.

Texte de la réponse

La lutte contre la contrefaçon est une priorité gouvernementale et constitue un axe majeur de l'action de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). La quantité très importante des saisies opérées par les services douaniers ces dernières années illustre leur très forte implication face à ce fléau, qui représente une grave menace à l'encontre de l'économie, de l'emploi, de la santé et de la création. Il résulte des arrêts Nokia-Philips, rendus le 1er décembre 2011 par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qu'une marchandise tierce en transit, transbordement ou sous un régime douanier suspensif, en provenance et à destination d'un État tiers, ne peut faire l'objet d'une retenue pour suspicion de contrefaçon qu'à condition d'être destinée à être commercialisée sur le marché de l'Union européenne (UE). Cette décision a porté un coup d'arrêt au contrôle par les services douaniers des marchandises en transit/transbordement, qui représentaient, en 2011, près de la moitié des marchandises de contrefaçon saisies en France. Cette décision révèle un décalage entre la réalité du trafic de contrefaçons, qui est devenu une activité lucrative pour les organisations criminelles, et la mise en oeuvre du droit de la propriété intellectuelle. Or il n'est pas concevable de laisser l'Europe devenir une plateforme de redistribution de la contrefaçon, laissant les contrefacteurs agir en toute impunité. Par ailleurs, ces marchandises peuvent revenir sur le territoire de l'UE via des achats sur Internet (16 % du total des saisies 2011 sont effectuées sur le fret postal et le fret express). C'est la raison pour laquelle les autorités françaises ont vivement réagi en alertant leurs homologues européens, la Commission européenne et les parlementaires européens sur les conséquences négatives que la cristallisation de la décision de la CJUE et sa transposition dans le projet de révision du règlement n° 1383/2003, qui encadre l'action des douanes sur les marchandises soupçonnées de contrefaçon, pourraient avoir sur la protection des droits de propriété intellectuelle. Dans le cadre du projet de révision du règlement n° 1383/2003, la France a réussi à faire prospérer cette position, et a pu obtenir un accord sur un texte qui laisse la possibilité aux douanes européennes de contrôler en transit/transbordement. Dans un second temps, son objectif a été de faire évoluer le droit matériel de la propriété intellectuelle de l'UE, en profitant de l'occasion offerte par la réouverture des textes sur le droit des marques, dans le cadre du « paquet contrefaçon » proposé par la Commission le 27 mars 2013. L'enjeu de la négociation qui s'ouvre est notamment de faire évoluer la notion de « vie des affaires », qui est actuellement cantonnée par la jurisprudence aux seuls actes de commercialisation dans l'UE. Il convient ainsi d'actualiser cette notion afin de tenir compte des mouvements commerciaux internationaux qui font partie intégrante de la « vie des affaires » dans une économie ouverte et d'y inclure le transport ainsi que toute activité de stockage ou de transformation en régime suspensif. Quant aux incidences de la jurisprudence Nokia-Philips sur la production française de produits manufacturés, elles ne sont qu'indirectes puisqu'elle ne vise que les marchandises tierces, qui sont en transit, transbordement ou sous un régime douanier suspensif, en provenance et à destination d'un État tiers, et non pas les produits manufacturés fabriqués en France. En revanche, les entreprises françaises détentrices de droits de propriété intellectuelle sont nécessairement touchées par l'arrêt de ces contrôles, qui envoie un signal regrettable aux contrefacteurs, même s'il est difficile de chiffrer précisément cet impact. À court terme, les titulaires de droit de la propriété intellectuelle pourraient perdre des marchés qui seraient déjà saturés des contrefaçons de leurs produits et voir leur image ternie par des copies de mauvaises qualités ou dangereuses de leurs produits. À moyen terme, une baisse de chiffre d'affaire, des pertes en emploi et un investissement sur la lutte anti-contrefaçon, au détriment du renforcement de la recherche & développement sont probables. Dans quelques années, c'est la force innovante des entreprises françaises et européennes, facteur de compétitivité qui pourrait être mise à mal.