14ème législature

Question N° 2107
de M. Pascal Cherki (Socialiste, républicain et citoyen - Paris )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > gens du voyage

Tête d'analyse > contrôle

Analyse > titres de circulation. réglementation.

Question publiée au JO le : 31/07/2012 page : 4579
Réponse publiée au JO le : 22/01/2013 page : 853

Texte de la question

M. Pascal Cherki attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'obligation pour les gens du voyage de se soumettre à la présentation d'une « carte forain » aux forces de l'ordre. Alors que la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage renforce les obligations de la mise en oeuvre d'un dispositif d'accueil départemental pour les gens du voyage, un rapport spécial de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), publié le 17 octobre 2009 au Journal officiel, dénonce une discrimination majeure dont sont victimes en France les gens du voyage. En effet, ces derniers sont dans l'obligation de faire viser par la police ou la gendarmerie un titre de circulation, sous peine de prison ou d'amende. Cette discrimination est contraire à la convention européenne des droits de l'Homme, et à l'image d'une république juste et égalitaire. La création d'un « livret de circulation » a été instituée par la loi de 1912 sur « les nomades » ; un siècle après, il lui demande si celui-ci prévoit une remise en cause de cette situation, afin de garantir une équité de traitement à l'ensemble de nos concitoyens.

Texte de la réponse

La loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe se substitua à la loi du 16 juillet 1912. Ce fut par cette loi que fut instituée la « commune de rattachement », à partir de laquelle les gens du voyage peuvent accéder aux prestations de sécurité sociale et obtenir l'inscription sur les listes électorales. Mais aujourd'hui, plus de 40 ans après sa promulgation, le régime institué par cette loi mérite d'être revu. Cette nécessité fait quasiment l'unanimité sur les bancs du Parlement. Les initiatives en la matière sont nombreuses : - Le 26 janvier 2011, l'Assemblée nationale a débattu d'une proposition de loi déposée par Pierre-Alain Muet, Jean-Louis Touraine et Dominique Raimbourg, au nom du groupe socialiste, radical et citoyen. - En mars 2011, la commission des lois concluait les travaux d'une mission d'information de Didier Quentin, Charles de la Verpillière et Dominique Raimbourg. Le rapport de cette mission préconisait notamment la suppression de la condition de résidence de trois ans pour accéder au droit de vote et la suppression des titres de circulation. - Plus récemment, à l'été 2012, deux propositions de lois ont été déposées : la sénatrice Esther Benbassa propose d'abroger la loi de 1969 et le sénateur Pierre Hérisson traduit en proposition de loi son rapport de juillet 2011 intitulé « gens du voyage : pour un statut proche du droit commun ». Finalement, le régime issu de la loi de 1969 a évolué suite à la saisine du Conseil constitutionnel, le 17 juillet 2012, d'une question prioritaire de constitutionnalité, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions des articles 2 à 11 de la loi de 1969. Par décision du 5 octobre 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré trois dispositions de la loi contraires à la Constitution : - le carnet de circulation, parce qu'il constitue une différence de traitement entre les personnes concernées par la détention d'un titre de circulation liée à une condition de ressource, que cette différence de traitement n'est pas en rapport direct avec les fins civiles, sociales, administratives ou judiciaires poursuivies par la loi ; - la peine d'un an d'emprisonnement frappant les personnes circulant sans carnet de circulation, parce qu'elle porte à l'exercice de la liberté d'aller et de venir une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi ; - l'obligation de justifier de trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune pour être inscrites sur une liste électorale, parce qu'elle porte atteinte à l'exercice de leurs droits civiques par les citoyens. Les autres dispositions de la loi sont déclarées conformes à la Constitution, notamment : - l'obligation de rattachement des gens du voyage à une commune ; - le plafonnement à 3 % de la population de chaque commune du nombre de gens du voyage qui y sont rattachés ; - l'existence d'un livret de circulation, propre aux gens du voyage. Le Gouvernement poursuit sa réflexion, en lien avec les parlementaires et en concertation avec les associations représentatives des gens du voyage, pour continuer à faire évoluer le cadre légal et réglementaire qui leur est applicable.