droit du travail
Question de :
M. Kléber Mesquida
Hérault (5e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Kléber Mesquida appelle l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les stages obligatoires en entreprises que doivent effectuer les étudiants pour valider leur diplôme. Ces stages qui durent six mois sont soumis à l'article L. 612-11 du code de l'éducation qui prévoit que les stages d'une durée supérieure à deux mois doivent être rémunérés. Or la gratification obligatoire, au-delà des deux mois de stage, semble avoir rendu les entreprises moins accessibles. En conséquence, les étudiants peinent à remplir leurs obligations en termes de validation de leurs études. Le rapprochement du système éducatif et des entreprises, préconisé par « Le pacte pour la compétitivité française » de Louis Gallois dans le cas présent, est loin d'être atteint. En effet, une pénurie de stages ne permet pas aux stagiaires de s'intégrer dans le monde du travail par un stage long, puis de confirmer leur diplôme. Aussi, il lui demande quelles sont les dispositions qui pourraient être envisagées pour répondre à cette carence.
Réponse publiée le 17 septembre 2013
Les stages permettent de mettre en pratique les compétences acquises dans le cadre des enseignements et donnent aux étudiants une première expérience du monde professionnel. Ils représentent un temps de formation par la pratique particulièrement apprécié des étudiants et qui facilite l'accès au premier emploi. Selon l'agence pour l'emploi des cadres (APEC), un tiers des jeunes diplômés déclarent en 2012 avoir eu une proposition d'embauche suite à un stage, et la moitié de ceux qui ont accepté ont signé un contrat à durée indéterminée (CDI). Bien qu'un recensement exhaustif du nombre de stages soit difficile, le croisement des données issues de l'enquête du comité des stages et de professionnalisation des cursus (StaPro) du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et de l'enquête « emploi » de l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), permet d'évaluer à 1,2 millions le nombre de stages en 2012, contre 600 000 en 2006. Un récent rapport du conseil économique, social et environnemental sur l'emploi des jeunes a même estimé que le nombre de stages en milieu professionnel s'élèverait à 1,6 million par an. Il s'agit donc d'une pratique généralisée : près de 9 jeunes diplômés sur 10 ont suivi au moins un stage au cours de leur formation en 2011, malgré une inégale répartition des stages selon le niveau d'étude et les cursus. En 2010-2011, 32 % des étudiants à l'université ont suivi un stage (licence, master, licence professionnelle, institut universitaire de technologie - IUT -, formation d'ingénieurs, hors écoles). La proportion de stagiaires augmente à mesure que l'on progresse dans les cursus (3 % en licence 1re année, 10 % en licence 2e année, 31 % en licence 3e année, 42 % en master 1re année, 61 % en master 2e année). Les stages sont fréquents dans les formations professionnelles (89 % en 2e année de diplôme universitaire de technologie, 88 % en licence professionnelle), mais plus émergents dans les formations générales. Tous les observateurs ont donc souligné la très forte progression du nombre de stages ces dernières années, qui contredit nettement l'affirmation selon laquelle la mise en oeuvre progressive d'une règlementation depuis 2006 aurait diminué l'offre globale de stage. Un rapport d'évaluation de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'inspection générale de l'administration générale de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) de 2010 a d'ailleurs estimé « peu de secteurs ont connu des difficultés liées directement à l'obligation de gratification [des stages de plus de deux mois] », obligation qui « a été bien acceptée par les employeurs » puisqu'un grand nombre d'entre eux gratifiaient déjà leurs stagiaires avant 2006 et qu'elle « n'a pas abouti à une baisse générale du volume de stages ». Le principe d'une gratification relativement modeste en montant (436,05 € par mois pour les stages de plus de deux mois) et limitée dans le temps fait partie des contreparties indispensables au bon déroulement d'un stage. De même, le rapport précise que « les investigations de la mission n'ont pas permis d'identifier de cas d'étudiants qui auraient été empêchés de se présenter aux examens du diplôme faute d'avoir accompli l'ensemble de leurs stages obligatoires. » Cependant, la meilleure intégration des stages dans les cursus universitaires ces dernières années ne suffit pas à expliquer cette très forte progression du nombre de stages, qui rend compte pour partie de situations d'abus et de substitution à l'emploi d'autant plus nombreux dans un contexte de chômage des jeunes élevé. Le chiffre de 100 000 « emplois déguisés » sous forme de stages est ainsi souvent avancé. C'est la raison pour laquelle conformément aux engagements du Président de la République, la politique du gouvernement entend articuler développement des stages dans les cursus et le renforcement de leur réglementation. Sa philosophie est simple : encourager le « bon » stage, mais aussi empêcher toutes les formes d'abus qui pénalisent les jeunes. Le stage n'est pas une fin en soi, mais il doit demeurer un outil au service de la formation. Plusieurs initiatives législatives et règlementaires sont intervenues ces dernières années : charte des stages (2006), mise en place d'une gratification obligatoire pour les stages de plus de deux mois (2009), étendue aux stages de la fonction publique d'Etat, mise en place d'un « délai de carence » dans l'accueil des stagiaires, accès des stagiaires aux avantages du comité d'entreprise (CE), prise en compte de l'ancienneté des stagiaires dans l'entreprise en cas d'embauche (2011). Mais l'élaboration par étape de cette réglementation, ses insuffisances et les abus constatés ont rendu nécessaire de franchir une nouvelle étape. Le titre IV de la loi relative à l'enseignement supérieur et la recherche du 22 juillet 2013 a donc intégré plusieurs dispositions importantes relatives aux stages en milieu professionnel (art. 24 à 28). Cette loi a ainsi renforcé l'accès des étudiants aux stages, en confiant au bureau d'aide à l'insertion professionnelle de chaque université (BAIP) la mission de « favoriser un égal accès aux stages à tous ses étudiants », par exemple avec l'organisation de la préparation dédiée aux entretiens d'embauche, ou avec l'établissement d'une liste des entreprises susceptibles d'offrir une expérience professionnelle devant être communiquée aux étudiants. Elle a pour la première fois introduit une définition légale du stage qui insiste notamment sur l'adéquation entre le stage et le projet pédagogique de l'étudiant et sur la nécessité de prendre en compte les stages pour la validation des diplômes. Elle offre désormais aux étudiants le droit d'évaluer la qualité de l'accueil réservé en milieu professionnel pour informer l'université, et cela sans incidence sur l'évaluation de leur stage. La loi a également renforcé le principe de l'interdiction des stages « hors-cursus » en rendant désormais obligatoire la mention dans chaque convention de stage d'un « volume pédagogique minimal » fixé par décret, pour éviter la délivrance de conventions de stages non-adossés à de réelles formations. Elle pose également le principe d'un double encadrement du stagiaire par l'organisme d'accueil et par l'établissement, dont les modalités doivent être précisées dans la convention de stage. Elle a également étendu l'obligation de gratification des stages de plus de deux mois qui s'impose désormais non seulement aux entreprises mais aussi à toute « administration publique, assemblée parlementaire, assemblée consultative, association ou au sein de tout autre organisme d'accueil », mettant ainsi fin à des inégalités de traitement entre stagiaires selon les organismes d'accueil. Elle étend enfin le bénéfice des « protections et droits mentionnés aux articles L. 1121-1 [interdiction de restriction aux libertés individuelles non justifiées], L. 1152-1 [harcèlement moral] et L. 1153-1 [harcèlement sexuel] du code du travail » aux stagiaires « dans les mêmes conditions que les salariés » Ce nouveau dispositif s'adresse notamment aux employeurs, qui affichent d'une manière générale leur accord de principe sur l'accueil des stagiaires, mais hésitent à concrétiser cet engagement du fait de la complexité de la réglementation qui a beaucoup évolué ces dernières années. Ils seront aidés dans leurs démarches par les BAIP, qui bénéficient d'un maillage territorial universitaire suffisamment dense pour informer et accompagner les employeurs implantés dans le bassin d'emploi le plus proche. La politique de site qui va être mise en place dans l'enseignement supérieur va permettre le développement des échanges entre les représentants des milieux socioprofessionnels et les universités, créant ainsi des réseaux utiles lors de la recherche de stages. Cette insertion dans le bassin économique local figure d'ailleurs au nombre des impératifs de la politique de négociation contractuelle quinquennale engagée par le ministère avec ses opérateurs. Conformément à la loi du 22 juillet 2013, la nouvelle procédure d'accréditation des universités à délivrer des diplômes permettra d'évaluer plus efficacement les objectifs d'insertion professionnelle des formations, les liens entre les équipes pédagogiques et les représentants des professions concernées, et l'intégration des stages dans les cursus. Enfin, le Premier ministre a annoncé lors de la grande conférence sociale qu'une « initiative législative » plus globale sur les stages interviendrait « avant la fin 2013 ». Ce texte, qui sera préalablement soumis aux partenaires sociaux, permettra donc d'aborder les questions qui demeurent en suspens, dans le double objectif de renforcer l'accès des étudiants aux stages et de lutter plus efficacement contre les abus. L'objectif du gouvernement est de parvenir à un dispositif légal et règlementaire stabilisé d'ici la fin de l'année, afin de mener auprès des étudiants, des établissements, et des employeurs un travail d'information indispensable.
Auteur : M. Kléber Mesquida
Type de question : Question écrite
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Enseignement supérieur et recherche
Ministère répondant : Enseignement supérieur et recherche
Dates :
Question publiée le 19 mars 2013
Réponse publiée le 17 septembre 2013