14ème législature

Question N° 22304
de M. René Rouquet (Socialiste, républicain et citoyen - Val-de-Marne )
Question écrite
Ministère interrogé > Égalité des territoires et logement
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > propriété

Tête d'analyse > multipropriété

Analyse > réglementation. réforme. perspectives.

Question publiée au JO le : 26/03/2013 page : 3205
Réponse publiée au JO le : 01/10/2013 page : 10372
Date de changement d'attribution: 09/04/2013

Texte de la question

M. René Rouquet alerte Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement sur les problèmes engendrés par la multipropriété en jouissance à temps partagé dans les régions touristiques. Régie par la loi n° 86-18 du 6 janvier 1986 relative aux sociétés d'attributions d'immeubles en jouissance à temps partagé, la multipropriété permet à des personnes disposant de revenus modérés de disposer pendant quelques jours par an d'un appartement dans une station balnéaire ou de sports d'hiver, où l'accession à la pleine propriété est très difficile. L'état du marché de ces multipropriétés, qui ont fleuri il y a une trentaine d'années, était tel que de nombreux propriétaires rencontraient des difficultés pour vendre leur part dans ces sociétés civiles. La loi n° 2009-888 du 22 janvier 2009 relative au développement et à la modernisation des services touristiques a donc permis en son article 32 à un associé de se retirer - totalement ou partiellement - de ce type de société. Depuis lors, certains groupes immobiliers disposant d'une importante surface financière incitent les associés de ces multipropriétés à leur vendre leurs parts à des prix modiques, dans l'objectif de demander la dissolution de cette société civile quand ils en détiendront les deux tiers des parts. Ces groupes rachètent alors à bas prix l'immeuble mis en vente par le liquidateur, puis le revendent aussitôt en pleine propriété selon la technique dite « de la découpe ». Ils réalisent ainsi une plus-value substantielle dans un délai très bref, tout en privant de leur droit de jouissance les associés qui n'ont pas voulu céder leurs parts mais qui ne pouvaient juridiquement pas s'opposer au démantèlement de cette multipropriété. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui indiquer si le Gouvernement envisage de mieux protéger les multipropriétaires et de remédier aux abus spéculatifs des groupes immobiliers en modifiant l'article 16 de la loi n° 86-18 du 6 janvier 1986, et en réévaluant le seuil des deux tiers actuellement nécessaire à la réalisation d'un acte de disposition, de dissolution ou de liquidation de ce genre de société civile.

Texte de la réponse

L'attribution par une société d'un immeuble à usage d'habitation en jouissance par périodes à ses associés s'exerce dans le cadre de la loi n° 86-18 du 6 janvier 1986 relative aux sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé. La prise de contrôle d'une telle société au moyen du rachat des parts sociales ou actions des associés par un investisseur ne constitue pas, en soi, une opération illicite. Il est loisible à chaque associé de céder ses parts sociales ou actions ou de refuser de donner suite à une offre d'achat, notamment parce qu'il l'estimerait insuffisante. L'article 13 de la loi du 6 janvier 1986, tel que modifié par la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009, prévoit que tout associé peut demander à tout moment à la gérance de la société la communication de la liste des noms et adresses des autres associés ainsi que la répartition des parts sociales et des droits de jouissance qui y sont attachés. L'exercice de cette faculté doit permettre aux associés de se connaître, malgré leur nombre et leur éparpillement, et d'agir en commun pour la préservation de leurs intérêts, notamment à l'occasion de semblables opérations. La majorité des deux tiers des voix des associés requise par l'article 16 de la loi du 6 janvier 1986 pour voter la dissolution anticipée de la société et fixer les modalités de sa liquidation constitue une majorité significative qu'il n'est pas envisagé de renforcer. Les associés minoritaires, s'ils estiment que la décision de dissolution anticipée est contraire à l'intérêt social et qu'elle n'a été prise que dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment des membres de la minorité, peuvent saisir les juridictions compétentes d'une demande d'annulation de la décision sur le fondement de l'abus de majorité. Enfin, en cas de liquidation frauduleuse, la mise en cause de la responsabilité pénale et civile du liquidateur peut également être envisagée. Le droit actuel offre donc une protection aux associés de sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé. Toutefois, l'attention du Gouvernement ayant été appelée par des associations de consommateurs et par des parlementaires, la direction des affaires civiles et du sceaux a constitué un groupe de travail interministériel afin de proposer des modifications législatives qui porteront notamment sur la difficulté à sortir des sociétés de temps partagé (marché de la revente des parts sociales réduit ; droit de retrait jugé trop restrictif) ; le manque de transparence de la gestion de certaines sociétés, particulièrement celles dont l'immeuble est inclus dans une copropriété ; l'augmentation des charges ; le rachat spéculatif de parts sociales de sociétés de temps partagé, par des investisseurs, dans le but d'imposer leur dissolution anticipée puis la vente de l'immeuble social au détriment des associés minoritaires souhaitant la poursuite de l'activité.