Question écrite n° 22494 :
transport de marchandises

14e Législature

Question de : M. Gilles Bourdouleix
Maine-et-Loire (5e circonscription) - Union des démocrates et indépendants

M. Gilles Bourdouleix appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur l'inquiétude des membres de la Fédération du négoce agricole concernant la mise en place de la taxe poids-lourds à partir du 20 juillet 2013 sur l'ensemble du territoire national. Cette écotaxe, créée dans le cadre de la loi du 3 août 2009, s'appliquera aux véhicules de transport de marchandises de plus de 3,5 tonnes, circulant sur le territoire national et local, selon des barèmes kilométriques. Si ce dispositif a pour objectif de contribuer au développement de modes de transport qui soient respectueux de l'environnement, la taxe poids lourds sera pour l'entreprise de transport, lors de sa mise en œuvre, un choc économique, commercial et organisationnel. Elle représentera une augmentation des coûts du transport de 5 % à 8 % voire plus en fonction des trafics et des itinéraires. Par ailleurs, cette nouvelle taxe va fragiliser davantage les entreprises du transport qui subissent déjà le ralentissement économique et des conditions de concurrence fiscales et sociales lourdement inégalitaires dans une Europe plus élargie qu'harmonisée. Le secteur du transport routier doit être soutenu et non pénalisé. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles réponses et quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour atténuer les effets de la taxe poids-lourds de manière à préserver la viabilité des entreprises de ce secteur et répondre ainsi aux inquiétudes des entreprises de transport routier.

Réponse publiée le 18 juin 2013

La loi de programmation du 3 août 2009 relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement a fixé le principe de la mise en place d'une écotaxe pour les poids lourds de plus de 3,5 tonnes. Le précédent Gouvernement avait prévu la mise en service de l'écotaxe en 2011. Deux dispositifs devaient être définis : le prélèvement de l'écotaxe et sa répercussion en direction des chargeurs (c'est-à-dire de ceux qui commandent la prestation de transport), principe également voté par le Parlement. Conformément à ce qui a été décidé en 2009, le barème de l'écotaxe sera défini chaque année par arrêté, en respectant le principe adopté selon lequel plus la taille du poids-lourd (mesurée par le nombre d'essieux) et son caractère polluant (mesuré par l'appartenance aux classes d'émissions Euro) sont grands, plus l'écotaxe est élevée. S'agissant en revanche de la répercussion, le Gouvernement sortant a, dans la précipitation, publié un décret le 6 mai 2012 mettant en place un dispositif de répercussion de la taxe complexe et difficile à mettre en oeuvre. Ce décret a été unanimement rejeté par l'ensemble des organisations professionnelles. En conséquence, le ministre délégué, chargé des transports, de la mer et de la pêche a engagé dès l'été 2012 un travail d'écoute et de concertation avec les acteurs concernés, à l'issue duquel il a été convenu de revoir totalement les modalités de répercussion de la taxe. Le Gouvernement a saisi le Parlement d'un projet de loi qui prévoit que les entreprises de transport puissent mettre en place un mécanisme simple de majoration forfaitaire du prix du transport. Son introduction permettra d'accompagner l'introduction de l'écotaxe et d'en répercuter le coût sur le client. La majoration est un pourcentage qui s'applique à un prix de transport librement négocié, elle ne remet pas en cause le principe de liberté contractuelle. Ce système, dont la première qualité est avant tout d'être simple et lisible, suscite des questions de la part de certaines professions qui mettent en avant leurs spécificités. Le ministre comprend ces interrogations mais souhaite rappeler les principes qui inspirent la soumission des véhicules à l'écotaxe et le dispositif de répercussion de l'écotaxe par les transporteurs. S'agissant des demandes d'exemption à la taxe même pour certaines professions, il convient de rappeler que l'assujettissement à la taxe poids lourds dépend, conformément à la directive Eurovignette qui encadre le dispositif de l'écotaxe poids-lourds, du type du véhicule. Les véhicules spécialisés non affectés au transport de marchandises (ambulances, bennes à ordures ménagères, fourgons funéraires...), hors champ du dispositif, ne sont pas assujettis à l'écotaxe. En vertu de l'article 271 du code des douanes, sont en outre exonérés d'écotaxe les véhicules d'intérêt général prioritaires, les véhicules et matériels agricoles, ainsi que les véhicules militaires. La liste de ces véhicules est définie par voie réglementaire. Selon l'article R. 311-1 du code de la route, les véhicules d'intérêt général prioritaires comprennent notamment les véhicules des services de police, de gendarmerie, des douanes et de lutte contre l'incendie. Il sera précisé par décret que les véhicules et matériels agricoles exonérés sont ceux définis aux points 5 à 5,4 de cet article. S'agissant des véhicules de transport de marchandises de plus de 3,5 tonnes qui entrent dans le champ de l'écotaxe, il n'est en revanche pas envisageable de différencier les véhicules selon leur usage. Il serait d'ailleurs matériellement impossible de contrôler systématiquement l'utilisation réelle qui est faite du véhicule. Le dispositif de contrôles (automatiques et en bord de route) des véhicules sur le réseau taxé ne peut évidemment pas distinguer si le poids lourd transporte des déchets, des produits agricoles ou des produits manufacturés. Définir l'assujettissement comme lié au genre du véhicule, donnée qui est accessible facilement par interrogation du système d'immatriculation des véhicules, rend possible un contrôle automatique. Aucun document spécifique à l'activité n'est ainsi à produire par les entreprises et le risque de taxation ou de sanction à tort est considérablement réduit. Cependant, le Parlement, sensible aux problématiques particulières soulevées par le secteur laitier, a voté un amendement en faveur de ce secteur en grande difficulté. Sont ainsi exemptés les seuls véhicules spécialisés - les citernes à produits alimentaires - spécifiquement dédiés à la collecte de lait. Cette exonération spécifiquement autorisée par le droit communautaire, ne peut être étendue au transport de toutes marchandises agricoles dans des poids lourds banalisés. Par ailleurs, l'écotaxe aura une incidence faible sur les dessertes de distribution locale. L'application de la taxe a en effet été limitée au réseau routier national et aux principaux axes du réseau routier local, excluant de fait la grande majorité des trajets locaux dans les différents départements, notamment les territoires les plus ruraux. Le réseau local qui sera soumis à l'écotaxe poids lourds représente seulement 5 000 km soit 1,3 % du réseau local départemental et 0,5 % du réseau local total. Proportionnelle aux kilomètres parcourus, l'écotaxe est en outre d'autant plus faible que les tournées sont optimisées. Elle ne remet donc pas en cause le modèle de distribution locale. Le montant de l'écotaxe sera d'autant plus élevé que les distances parcourues pour concourir à la production sont grandes. A l'inverse, elle ne peut que renforcer la compétitivité des produits locaux si le signal est correctement traduit dans les prix. C'est une forme de prime aux circuits courts. Tous les camions de plus de 3,5 tonnes seront concernés, y compris les 250 000 camions étrangers qui font du transit en France. Le « made in France » ne sera donc pas désavantagé. Les taux de majoration servent aux transporteurs pour majorer légalement leur prix de transport afin que la charge de l'écotaxe pèse in fine sur les clients. Ces taux sont définis à l'échelle régionale et calculés de manière objective, en fonction de plusieurs critères - dont notamment le réseau de routes taxées et la densité des trafics à l'échelle de la région - de manière à prendre en compte la diversité des situations régionales. Le taux de majoration par région reflète donc l'incidence de l'écotaxe poids lourds sur le coût du transport effectué au sein de chaque région. Il s'agit là d'apporter un cadre légal, protecteur pour les entreprises de transports routiers de marchandises, dans un secteur où le rapport de forces leur est structurellement défavorable. Ces taux seront fixés par un arrêté annuel ; le premier interviendra dans les prochaines semaines. Le ministre tient à souligner que le renchérissement du coût des marchandises transportées sera très limité. Les coûts de transport représentent en moyenne 10 % du prix des produits finaux ; le taux de majoration étant en moyenne de 3,7%, la hausse de prix de ces produits n'excédera généralement pas 1 %. S'agissant des activités intégrant des prestations autres que celles de transport, la modalité de répercussion avait été traitée de manière partielle et spécifique par le précédent Gouvernement qui proposait une majoration en valeur pour les seules activités de messagerie. Or, ce mécanisme n'apportait aucune satisfaction. L'introduction de plusieurs modalités de répercussion a été jugée trop complexe par les différents acteurs, notamment les chargeurs. Le ministre ne souhaite pas retomber dans ce travers. Aussi, le principe énoncé dans la loi est que seul le prix de la prestation de transport peut faire l'objet d'une majoration. En cas d'impossibilité à déterminer le prix de la prestation de transport stricto sensu lors d'une opération globale, le coût de l'écotaxe ne pourra faire l'objet d'une répercussion, via le dispositif de majoration de prix. Ces acteurs, dont le transport ne représente qu'une partie marginale de leur prestation globale, intègreront le coût de l'écotaxe dans le mécanisme traditionnel de détermination des prix par l'entreprise. La répercussion constitue un aspect essentiel du caractère écologique de l'écotaxe poids-lourds : ce sont les véritables bénéficiaires de la route qui doivent en supporter la charge. Le mécanisme aujourd'hui proposé résulte de la recherche d'un équilibre entre chargeurs et transporteurs. Il s'agit bien d'inciter au rééquilibrage nécessaire entre les modes de transport, de modifier les comportements vis-à-vis du transport des marchandises. Par ailleurs, le Gouvernement a décidé de remplacer l'expérimentation alsacienne par une phase de test du dispositif, à l'échelle nationale et à compter du mois de juillet, sur la base du volontariat et sans perception de la taxe, en vue d'une entrée en vigueur au 1er octobre. Chacun doit être conscient des enjeux de cette fiscalité écologique. Près de 800 000 véhicules devraient être assujettis, à raison de 550 000 véhicules français et 250 000 véhicules étrangers. L'écotaxe doit rapporter 1,2 milliard d'euros par an. L'intégralité de la part revenant à l'État, soit 760 millions d'euros, sera versée à l'Agence de financement des infrastructures de transport en France (AFITF). Ces sommes serviront à la construction d'infrastructures de transport, en particulier des infrastructures de modes de transport plus durables tels que le ferroviaire et le fluvial. La part provenant de la circulation sur les routes départementales ou communales, de l'ordre de 160 millions d'euros, sera reversée aux collectivités concernées. Le projet de loi a été adopté définitivement par le Sénat et l'Assemblée nationale, témoignant de la volonté des parlementaires d'adopter un dispositif de répercussion de l'écotaxe protecteur des entreprises de transport routier de marchandises. Le Conseil Constitutionnel a reconnu par une décision du 23 mai la conformité à la Constitution du dispositif de majoration forfaitaire.

Données clés

Auteur : M. Gilles Bourdouleix

Type de question : Question écrite

Rubrique : Transports routiers

Ministère interrogé : Écologie, développement durable et énergie

Ministère répondant : Transports, mer et pêche

Dates :
Question publiée le 26 mars 2013
Réponse publiée le 18 juin 2013

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