fichiers informatisés
Question de :
M. Daniel Goldberg
Seine-Saint-Denis (10e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Daniel Goldberg interroge M. le ministre de l'intérieur sur les problèmes posés par le fichier de police "système de traitement des infractions constatées" (dit STIC). Ce fichier de police est consulté par les administrations à l'occasion de nombreuses démarches administratives : naturalisations, enquêtes avant embauche, notamment pour les délivrances des autorisations d'accès aux zones aéroportuaires. Or la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a relevé qu'en 2009 seulement 17 % des fiches étaient exactes, faute notamment d'actualisation ou d'effacement des mentions lorsque la personne est mise hors de cause. Ces inexactitudes fréquentes engendrent des conséquences dommageables pour les personnes concernées : en plus de retards injustifiés dans leurs démarches et les conséquences possibles sur la vie professionnelle, la résurgence de faits oubliés peut engendrer des souffrances psychologiques. Sans mettre en cause l'utilité des fichiers de police, il convient de s'assurer de leur fiabilité pour que leur utilisation ne souffre d'aucune injustice et que les erreurs soient aisées à corriger. Aussi, il souhaiterait connaître l'état d'avancement du processus de régularisation des informations contenues dans le STIC et la mise en place du fichier TAJ (traitement d'antécédents judiciaires), qui doit succéder aux fichiers STIC et Judex et les fusionner. Il souhaiterait également savoir si l'absence de poursuite n'entraînera aucune inscription dans le TAJ, les types d'infractions qui amèneront à y figurer, le délai d'effacement des infractions mineures et les garanties et les délais de la disparition définitive des données du STIC et de Judex qui ne seront pas reprises dans cette nouvelle base.
Réponse en séance, et publiée le 22 mars 2013
FICHIERS DE TRAITEMENT DES INFRACTIONS ET DES ANTÉCÉDENTS JUDICIAIRES
M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg, pour exposer sa question, n° 228, relative à la fiabilité des données contenues dans le STIC et la mise en place du fichier de traitement d'antécédents judiciaires.M. Daniel Goldberg. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les problèmes posés par le système de traitement des infractions constatées. Ce fichier de police est consulté par les administrations à l'occasion de nombreuses démarches administratives, comme les naturalisations ou les enquêtes avant embauche, notamment pour la délivrance des autorisations d'accès aux zones aéroportuaires.
Si je ne remets pas en cause l'utilité du STIC, j'ai rencontré de nombreuses personnes victimes de ses imperfections. La Commission nationale de l'informatique et des libertés - CNIL - a ainsi relevé qu'en 2009, seulement 17 % des fiches étaient exactes, faute notamment d'actualisation ou d'effacement des mentions lorsque la personne est mise en hors de cause.
Ces inexactitudes fréquentes ont des conséquences parfois graves pour les personnes concernées. Dans ma circonscription, une femme répondant à tous les critères de naturalisation a vu sa demande ajournée à cause de la trace d'une plainte classée sans suite de son mari violent, dont elle a divorcé depuis. Bien que la justice ait reconnu par deux fois que l'ajournement de sa demande de naturalisation était abusif, sa titularisation dans la fonction publique est retardée de plusieurs années. De plus, la procédure engagée en justice, provoquée par les défaillances du fichier STIC, a réveillé chez elle de douloureux souvenirs.
Il convient donc de s'assurer de la fiabilité et du bon usage du STIC et de son homologue pour la gendarmerie, le JUDEX, afin qu'ils ne créent aucune injustice. C'est d'ailleurs le sens du nouveau fichier de traitement des antécédents judiciaires - TAJ -, dont la mise en place a commencé. Sa mise en service complète est urgente, vu le nombre de personnes victimes des défaillances du STIC, comme les employés ou les futurs employés demandant une autorisation d'accès aux zones aéroportuaires.
Je souhaiterais donc savoir quand ce nouveau fichier sera pleinement opérationnel et connaître le contenu des informations consultables. L'absence de poursuite ou le simple rappel à la loi entraîneront-ils bien une suppression de la mention de l'antécédent dans le TAJ ? L'effacement des infractions mineures sera-t-il bien automatique, et au terme de quel délai interviendra-t-il ? Enfin, quelles garanties pouvez-vous apporter quant à la fiabilité des informations des anciens fichiers STIC et JUDEX qui seront reprises dans le TAJ ?
Compte tenu des traumatismes causés par les dysfonctionnements du fichier STIC chez un grand nombre de personnes, votre réponse, monsieur le ministre, est très attendue par les habitants de ma circonscription.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, je ne doute pas que ma réponse soit attendue, dans cet hémicycle bondé et au-delà... (Sourires) sur une question que je connais bien pour avoir été moi-même un élu d'Île-de-France.
La loi impose l'effacement des données en cas de décision de relaxe ou d'acquittement. L'exactitude des données du fichier est ainsi tributaire des informations reçues par les services de police et de gendarmerie. Il arrive ainsi que des mentions subsistent dans les fichiers, alors qu'elles devraient être effacées - vous venez de nous en signaler un exemple probant.
La mise en service de TAJ, qui regroupe le STIC et JUDEX est en cours. Elle doit être achevée au premier semestre 2013. Le traitement des antécédents judiciaires sera ainsi relié au traitement Cassiopée du ministère de la justice, qui lui indiquera automatiquement les décisions judiciaires. La mise à jour de la base sera donc immédiate.
De même, les procédures judiciaires qui ont fait l'objet d'un classement sans suite et qui ne donnent pas lieu à effacement ne seront pas consultables dans le cadre des enquêtes administratives préalables à certains recrutements.
Ce nouvel outil doit donc mettre fin à une situation qui portait préjudice à des personnes en recherche d'emploi.
En tout état de cause, je rappelle régulièrement aux préfets et aux forces de l'ordre que la seule mention d'une personne dans un fichier ne saurait justifier une décision défavorable à un agrément ou une autorisation ; le discernement nécessaire s'impose. Je veille en permanence à concilier les exigences opérationnelles des services et le respect des droits des personnes. La mise en service de TAJ doit y contribuer grandement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.
M. Daniel Goldberg. Monsieur le ministre, je vous remercie pour ces réponses précises, sur un sujet dont je sais que vous le maîtrisez parfaitement.
Elles m'amènent cependant à vous poser une question supplémentaire : Un simple rappel à la loi a-t-il vocation à être inscrit dans le futur TAJ ?
J'ai été saisi, par exemple, du cas d'un étudiant qui a entrepris de brillantes études de mathématiques et qui voit ses démarches entravée pour une tentative de vol d'un montant de 30 euros commis en 2009, pour lequel la seule poursuite a consisté en un rappel à la loi. Le TGI de Rennes, à qui il s'est adressé, lui indique que cette mention du STIC ne pourra être effacée de son dossier avant vingt ans - vingt ans pour 30 euros et un simple rappel à la loi...
Une erreur de jeunesse de ce type, certes répréhensible, a-t-elle vocation à être effacée automatiquement à partir d'un délai assez court ? Ne pensez-vous pas qu'un simple rappel à la loi ne devrait même pas figurer dans le TAJ, s'il n'y a pas eu d'autres poursuites engagées ?
Auteur : M. Daniel Goldberg
Type de question : Question orale
Rubrique : Droits de l'homme et libertés publiques
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 mars 2013