14ème législature

Question N° 23614
de M. Éric Alauzet (Écologiste - Doubs )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture et communication
Ministère attributaire > Culture et communication

Rubrique > patrimoine culturel

Tête d'analyse > gestion

Analyse > patrimoine industriel. sites miniers.

Question publiée au JO le : 09/04/2013 page : 3695
Réponse publiée au JO le : 11/06/2013 page : 6071

Texte de la question

M. Éric Alauzet attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur les problèmes posés, d'une part, par la destruction du patrimoine minier national et, d'autre part, par la mise en sécurité des mines anciennes et de leurs installations, certaines constituant des sites archéologiques d'une haute valeur scientifique et technique et parfois même des écosystèmes souterrains de grand intérêt biologique. Au début des années 1990, le ministère de l'industrie a décidé la « mise en sécurité » de l'ensemble des mines du territoire national, parallèlement à l'abandon des exploitations encore en concession. Une modification du code minier, en 1999, fixe la responsabilité de l'exploitant en matière de dommages consécutifs à l'exploitation minière et de prévention des risques miniers après la fin d'exploitation, ce qui n'est pas sans conséquences pour le patrimoine : « Une mine est dangereuse et les vestiges bâtis, non entretenus, le sont également. En conséquence, au nom d'un principe de précaution, pour qu'un concessionnaire puisse engager la procédure de renonciation de sa concession il doit éliminer tout risque potentiel, ce qui équivaut à la disparition des sites » : foudroyage des entrées de galeries, comblement des puits et, enfin, destruction des carreaux de mine et des installations annexes (bâtiments, installations techniques, vestiges, machines...). Ce programme est à la charge des concessionnaires pour les concessions valides et à la charge de l'État pour les « mines orphelines ». Or, depuis 1988, à la suite d'un jugement rendu à Besançon faisant jurisprudence, les sites miniers et leurs abords sont considérés comme des sites archéologiques, quelle que soit leur datation et, à ce titre, ils sont protégés par la loi. En conséquence, en 1999 les ministères de l'industrie et de la culture optaient pour une politique commune visant à concilier au mieux les intérêts de l'archéologie et les impératifs de sécurité publique. En 2003, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) dressait l'inventaire national des titres miniers en cours d'abandon visés par cette procédure (> 3 000 titres). L'évaluation devait permettre d'identifier ceux dont l'intérêt patrimonial et le potentiel archéologique justifieraient une conservation ou une mise en valeur. Malgré ces déclarations d'intention, rien n'a réellement été fait pour préserver ces sites et ces paysages, en raison notamment de l'ampleur des moyens nécessaires pour procéder aux études. De plus, l'opacité des enquêtes menées, l'engorgement chronique des services régionaux de l'archéologie, seuls habilités à traiter les dossiers de mise en sécurité, ne conduisent que très rarement à des prescriptions archéologiques avant destruction. Les mines ont pourtant joué un rôle majeur dans notre pays et ce depuis les temps les plus reculés. Dans la plupart des pays de l'Union, ces sites font l'objet d'une large concertation et sont valorisés. De même l'inscription par l'Unesco du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais au patrimoine mondial de l'humanité, démontre l'importance de valoriser notre patrimoine industriel, auquel ces mines appartiennent. En outre, ces galeries de mines souterraines abandonnées sont occupées, depuis l'arrêt des activités industrielles, par de nombreuses espèces animales dont certaines, la plupart même, sont menacées de disparition (les Chiroptères en particulier, dont une bonne vingtaine d'espèces françaises sont cavernicoles et ont trouvé là des gîtes de substitution à des biotopes détruits par ailleurs) et à ce titre strictement protégées par les directives européennes et les lois françaises qui déclinent ces directives. À titre d'exemple, les anciennes mines de fer de Deluz, dans le Doubs, classées en APPB, situées en Zone Natura 2000 « Moyenne vallée du Doubs » hébergent (entre autres) la deuxième population d'hivernage par son importance connue en Europe pour une espèce remarquable de chiroptères : la basbastelle d'Europe (plus de 2 000 individus comptés cette année 2013 en janvier par les chiroptérologues) Enfin ces mines, de par la température constante des galeries souterraines et des masses d'air qui y circulent pourraient rendre un service écologique important. Elles permettraient de rafraîchir, en été, l'atmosphère de tous bâtiments sus-jacents comme climatisation naturelle ou de base (à compléter par d'autres procédés les moins énergivores possibles) ou à préchauffer l'air - à la manière du « puits provençal » ou « puits canadien » - pour ces mêmes bâtiments, pendant l'hiver. Il souhaite donc savoir quelles dispositions elle compte prendre afin de stopper dans les meilleurs délais ce processus irréversible de destruction. Dans le cas où les opérations devraient se poursuivre, il l'interroge sur les mesures qu'elle envisage pour donner aux scientifiques les moyens de remplir cette mission d'archéologie préventive, dans un contexte d'anéantissement d'un pan entier de notre patrimoine historique et scientifique, la plupart des sites miniers concernés n'ayant pas fait l'objet jusqu'ici d'enquête préalable de la part des scientifiques.

Texte de la réponse

Le ministère de la culture et de la communication est très attentif à la protection du patrimoine archéologique minier. Comme le montre l'inscription récente au patrimoine mondial de l'UNESCO du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, les mines constituent un élément majeur du patrimoine français. A ce titre ce patrimoine doit être étudié, protégé, valorisé. A ce titre, dans le domaine encore récent de l'archéologie minière, le ministère de la culture et de la communication apporte sa contribution pour soutenir des opérations de prospection, d'étude et de publication de sites miniers, sous la forme d'aide financière ou par la protection juridique au titre de la législation sur les monuments historiques. Dans le cadre de la mise en sécurité des mines dites « orphelines » que mènent les services de l'État dans plusieurs régions, le ministère de la culture et de la communication, à travers ses services déconcentrés des directions régionales des affaires culturelles, est associé aux études et travaux qui précèdent et accompagnent les mesures destinées à assurer la sécurité des personnes. Il faut aller plus loin. Les services de l'État concernés et le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) agissent pour procéder à des récolements documentaires, à des expertises archéologiques documentées (archives, analyses, relevés et études) sur un certain nombre de sites miniers sélectionnés. L'établissement de priorités et la réalisation de choix demeurent en effet nécessaires, tous ces sites ne présentant pas un intérêt immédiat pour une opération d'étude. Le ministère de la culture et de la communication est donc très impliqué dans la poursuite et le développement des actions engagées qui visent à satisfaire tout à la fois la sécurité publique, la protection des patrimoines géologique, minier et archéologique et leur utilisation scientifique, culturelle et pédagogique. Il faut veiller à la bonne articulation entre l'évaluation de la valeur archéologique des sites concernés, et a fortiori leur étude, et la mise en sécurité de ces sites. Les travaux conduits, depuis de nombreuses années, par des équipes professionnelles ou bénévoles, notamment dans l'Est de la France, sur des sites d'exploitation des minerais polymétalliques ont bien montré quel pouvait être leur apport à la connaissance des techniques d'extraction et de traitement des minerais ainsi qu'à l'organisation économique et sociale des mines et du commerce ou encore à la gestion des ressources naturelles comme l'eau ou la forêt. Pour être efficaces, ces travaux requièrent des équipes formées à ce type de recherches, des moyens matériels importants et nécessitent du temps comme toute recherche archéologique. Tous les sites ne pourront donc pas être étudiés dans l'immédiat de manière aussi précise qu'il serait sans doute souhaitable. La ministre souhaite à cet égard que soit dressé prochainement un bilan des actions engagées dans le cadre de la convention signée en 1999 entre le ministère de la culture et de la communication et le BRGM, en y associant les autres départements ministériels concernés. Un rapport sera commandé en ce sens au conseil national de la recherche archéologique qui pourra utilement piloter ce bilan et émettre des propositions de nature à mieux préciser les sites dont l'étude mériterait d'être envisagée à court terme.