14ème législature

Question N° 24015
de M. Yves Daniel (Socialiste, républicain et citoyen - Loire-Atlantique )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère attributaire > Agriculture, agroalimentaire et forêt

Rubrique > élevage

Tête d'analyse > lait

Analyse > revendications.

Question publiée au JO le : 16/04/2013 page : 4026
Réponse publiée au JO le : 25/06/2013 page : 6656

Texte de la question

M. Yves Daniel alerte M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur la situation des éleveurs et des producteurs de lait. La fin des quotas laitiers européens en 2015, l'augmentation des charges et des coûts de production, les relations déséquilibrées entre producteurs, industriels et grandes surface sont autant de menaces qui pèsent sur la profession. Ainsi, le nombre d'exploitations laitières sur le territoire ne cesse de diminuer depuis plusieurs années. De plus en plus d'éleveurs laitiers renoncent à cette activité au profit des cultures céréalières, afin d'assurer leur revenu. Or la filière laitière participe à la vitalité économique de la France à hauteur de 4 milliard d'euros d'excédents dans la balance commerciale (chiffres 2011). Par ailleurs, les exploitations laitières présentes sur l'ensemble du territoire sont indispensables au maintien du bocage français voire au développement de l'emploi dans les zones rurales. De plus, le lait est un des produits agricoles offrant la plus grande plus-value par la diversité des sous-produits agroalimentaires et industriels. Des mesures pour la soutenir sont donc attendues. Aussi il lui demande, d'une part, de bien vouloir porter à sa connaissance les propositions concrètes du groupe de travail mis en place après la publication du rapport en août 2012 du CGAER sur la contractualisation laitière, dans le but d'améliorer le dispositif existant. D'autre part, il souhaiterait qu'il lui précise la position qu'il entend défendre auprès de ses partenaires européens sur le sujet de l'après-quotas lors des discussions qui auront lieu en septembre 2013. Enfin il le prie de bien vouloir lui exposer sa conception d'un éventuel mécanisme européen de stabilisation des marchés en cas de crise conjoncturelle, tel qu'il l'a évoqué à plusieurs reprises.

Texte de la réponse

Au cours de l'année 2012, le prix du lait de vache en France, en moyenne nationale, a connu une baisse modérée par rapport à la même période de 2011 : le prix du lait standard a été d'environ 315 euros pour 1000 litres en 2012, soit une baisse de 4 % par rapport à 2011, qui constituait une excellente année en matière de prix. Les prévisions pour 2013, partagées par l'ensemble des acteurs, sont positives, l'amélioration attendue de la situation globale des marchés laitiers européens et mondiaux devant conduire à une remontée des prix du lait, d'ores et déjà amorcée dans certains pays. Cependant, ces perspectives tardent à se concrétiser. A cela, il faut ajouter la situation difficile de certaines entreprises confrontées à des difficultés de marché particulières qui les conduisent à rémunérer le lait à un niveau inférieur. En outre, la hausse tout au long de l'année 2012 des coûts de production, et en particulier celle des charges d'alimentation, pèse sur les marges des producteurs, qui demandent une meilleure prise en compte de ce phénomène dans le prix du lait. Cette question renvoie à deux problématiques complémentaires dont le Gouvernement s'est saisi depuis plusieurs mois. En premier lieu, la question des relations commerciales entre les enseignes de la grande distribution et leurs fournisseurs, puisque les possibilités qu'ont les laiteries de suivre les tendances des marchés mondiaux ou de prendre en compte la hausse des coûts de production dépend de leur capacité à négocier des tarifs correspondant avec leurs clients. Le déroulement des négociations tarifaires dans les filières agroalimentaires, et notamment la persistance de tentatives de contournement, démontre régulièrement les insuffisances des dispositifs actuels de régulation des relations commerciales résultant de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) et de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche, tout comme la faible efficience des chartes d'engagements volontaires, en particulier de l'accord du 3 mai 2011 de prise en compte des variations excessives de prix de l'alimentation animale dans les négociations commerciales dans certaines filières de l'élevage. Le projet de loi sur la consommation, présenté en Conseil des ministres le 2 mai 2013 et qui est depuis soumis à l'examen du Parlement, propose diverses adaptations de la LME. La transparence de la négociation commerciale sera renforcée dans les plans d'affaires annuels, en matière de tarifs, d'engagements réciproques et de date de mise en application. Un mécanisme de prise en compte de la volatilité des prix des matières premières sera introduit dans les contrats, afin d'éviter que la situation actuelle ne se reproduise à chaque hausse de coût des matières premières. Enfin, la direction générale de la concurrence, de la consommation de la répression des fraudes pourra prononcer des sanctions administratives, immédiates et dissuasives, et disposera d'un pouvoir nouveau d'injonction, troisième voie d'action possible à côté des suites pédagogiques et des suites judiciaires - contentieuses ou transactionnelles. A court terme, en l'absence de ces dispositions dans la loi actuellement, le ministre de l'agriculture a réuni tous les acteurs de la filière (producteurs, transformateurs, distributeurs) le 8 avril dernier. Le constat de la nécessité de revaloriser le prix payé au producteur a été partagé. Un médiateur a été désigné afin de trouver une solution. La médiation menée depuis avec les différentes parties a permis, suite à des engagements pris par les enseignes de la grande distribution de revaloriser le prix d'achat du lait de consommation et des produits transformés, une revalorisation par les industriels de 25 euros par 1000 litres du prix payé au producteur, dès le paiement du lait livré au mois d'avril. En second lieu, il est important d'améliorer les contrats entre producteurs et transformateurs. Dès son arrivée au ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, le ministre a demandé au conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) d'établir un rapport sur la mise en place de la contractualisation écrite entre les producteurs de lait et leurs acheteurs et de faire des propositions d'amélioration. Les conclusions de ce rapport ont fait l'objet d'une concertation avec les organisations professionnelles agricoles fin 2012 et début 2013, qui ont conduit à des propositions concrètes d'amélioration du dispositif. Parmi les sujets abordés, figure l'idée d'introduire, dans les critères de détermination des prix, ou dans les clauses de révision de ceux-ci, la possibilité de prendre en compte les variations des coûts de production, à l'image de ce qui sera proposé dans la LME pour les contrats entre laiteries et grande distribution. D'autres améliorations sont prévues sur les clauses de sauvegarde, une meilleure protection des jeunes agriculteurs, et afin que les coopératives prennent leurs dispositions pour respecter aussi les grands principes de la contractualisation. L'amélioration du contenu des contrats passe également par la structuration des producteurs de lait en organisations de producteurs (OP) reconnues qui auront la capacité de négocier des contrats ou des avenants aux contrats déjà conclus. Les neuf premières OP ont été reconnues début janvier, une dizaine d'autres devraient l'être prochainement. Ceci renforcera le poids des producteurs de lait dans les négociations avec les acheteurs. Le processus de mise en place des OP, à l'initiative des éleveurs, est désormais une réalité. Il faut désormais encore consolider ces OP et progressivement renforcer le pouvoir de négociation des producteurs. La question de l'après quotas laitiers est aussi déterminante pour l'avenir de la filière. Au-delà de l'usage des dispositifs transversaux existants, le ministre en charge de l'agriculture défend au plan européen l'idée qu'il sera indispensable de disposer d'un outil communautaire à même de faire face aux graves déséquilibres des marchés, après la fin des quotas laitiers. Dans le cadre des discussions au niveau du Conseil sur la réforme de la PAC en vue des trilogues avec le Parlement Européen et la Commission européenne, la France obtenu qu'une discussion spécifique sur l'après quotas ait lieu en septembre 2013 afin d'élaborer des propositions concrètes sur lesquelles le Gouvernement français sera moteur.