Question de : M. Éric Jalton
Guadeloupe (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Éric Jalton attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur la demande de renouvellement pour une année, de la dérogation de six mois, obtenue par la SICA des producteurs de la Guadeloupe, pour l'utilisation de l'épandage aérien sur les cultures de banane pour lutter contre la cercospiriose du bananier. Tout d'abord, la filière de la banane antillaise reste un des piliers de notre agriculture. Elle est engagée dans une démarche de qualité que nous soutenons comme lui, il l'espère, afin d'offrir le produit de meilleure qualité sur le marché européen. Elle subit l'attaque de la cercospiriose du bananier, qui se propage rapidement et menace de détruire une forte proportion de l'ensemble des plantations. De ce fait, une dérogation à la directive européenne interdisant l'épandage aérien a été accordée le 10 janvier 2012 fixant des règles de distance de sécurité par rapport aux habitations, jardins, routes, points d'eau, et la nécessité d'une information communale et d'un balisage. Il s'inquiète cependant des éventuelles conséquences de l'épandage aérien tant sur la santé humaine, que sur l'environnement et l'écosystème si riche et rare de notre archipel. Le principe de précaution n'a pas prévalu avec le chlordane, qui avait aussi des autorisations dérogatoires des services de l'État et dont on commence seulement maintenant à mesurer les conséquences. Elles sont suffisamment graves pour que l'on parle de scandale et de crime contre la santé des Guadeloupéens. Nous nous devons donc d'appliquer le principe de précaution pour l'épandage aérien ; en privilégiant tout autre système de traitement limitant au maximum les risques pour la santé humaine et plus respectueux de l'environnement, chaque fois que c'est possible ; en poursuivant les études tant sur les espèces bananières hybrides résistantes, que sur l'impact écologique et sanitaire de ces épandages. Il n'ignore pas que la définition d'un process de production, ou de traitement ne garantit pas son respect et donc la préservation des zones de sécurité. Il convient de mettre en place les mesures d'impact de ce mode de traitement, et un système évaluatif en continu. À l'heure où est sollicité le renouvellement de la dérogation qui a été accordée le 10 janvier 2012, il se demande s'il été fait le bilan des épandages réalisés jusqu'au mois de juin 2012. Or dans un premier temps, les règles d'information, de balisage et de respect des distances de sécurité de 50 mètres par rapport aux points sensibles (habitations, jardins, parcs d'animaux, routes, rivières, points d'eau...) résultant de la directive européenne du 21 octobre 2009 n'ont pas toujours été respectées... Nous avons le témoignage d'un médecin en balade familiale au Matouba, victime d'un épandage « sauvage » car n'ayant pas fait l'objet de publicité et de balisage de la zone traitée. Lui-même a été victime, courant juin 2012, d'un épandage qui a touché son véhicule circulant sur la RN 1 entre Capesterre-Belle-Eau et Gourbeyre. Par ailleurs, aucune étude n'a été menée sur le risque de combinaison du chlordécone résiduel avec les produits actifs Tilt et Sico pourtant rangés en classe III, soit des « substances préoccupantes pour l'homme en raison d'effets cancérigènes possibles [...] ». Enfin, le liant utilisé, le banole est déjà placé en classe II qui concerne les produits « considérés comme cancérigènes ». Il rappelle l'avis défavorable du parc national par rapport à l'impact sur l'écosystème riche et fragile de la région. Nous sommes donc en droit de demander plus de transparence sur les produits et méthodes utilisés et une vraie étude d'impact tant sur la santé que sur l'écosystème. C'est le minimum que l'on attend de producteurs de la culture la plus subventionnée à l'hectare en Europe. Ces aides financières publiques doivent avant tout garantir la sécurité de cette production pour la santé et l'environnement. Or quelles études d'impact ont été menées sur les sols, la végétation et les nappes phréatiques après cette période d'essai de six mois ? Comment s'assurer du principe de précaution si aucune démarche scientifique n'accompagne les périodes d'épandage aérien ? La santé humaine et le patrimoine écologique de notre archipel exigent qu'avant tout renouvellement de dérogation des réponses scientifiques claires soient apportées sur les risques. Le procédé consistant à opposer le chômage des Guadeloupéens à leur santé est inacceptable. Il lui demande donc les dispositions qui ont été prises par son administration pour proposer un éventuel prolongement de la dérogation sur un an et s'il conserve la ligne politique que son prédécesseur a mené sur ce dossier, sans nous informer suffisamment sur les dispositions prises pour préserver la santé humaine et l'écosystème en Guadeloupe.

Réponse publiée le 2 octobre 2012

La directive 2009/128/CE pose le principe d'une interdiction des traitements aériens, sauf dans des cas particuliers et sous réserve de respecter certaines conditions, notamment lorsqu'il n'existe pas d'autre solution possible. De plus, les produits utilisés doivent avoir fait l'objet d'une évaluation spécifique quant aux risques liés à cette technique d'application et obtenu une autorisation expresse. Les articles L. 253-3 et R. 253-46 du code rural et de la pêche maritime, ainsi que l'arrêté du 31 mai 2011 transposent ces principes. L'arrêté précité prévoit que les traitements aériens doivent faire l'objet d'un arrêté délivré par le préfet de département dans lequel a lieu l'épandage aérien, alors qu'auparavant, un simple système déclaratif était mis en place. Dans sa demande, l'opérateur doit démontrer que l'utilisation de techniques terrestres est impossible (topographie accidentée, hauteur des végétaux, portance des sols, etc.) compte tenu des alternatives disponibles aujourd'hui. Ces demandes font l'objet d'une instruction par les services préfectoraux, puis d'une consultation du public dans toutes les communes concernées par les demandes d'épandage pendant un mois minimum. Ensuite, chaque chantier fait l'objet d'une déclaration préalable, ce qui permet aux services de contrôle de vérifier sur le terrain que toutes les conditions réglementaires, notamment de balisage, d'information du public et d'utilisation des produits phytopharmaceutiques, sont bien respectées. En ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques utilisés sur les bananeraies, ils ont fait l'objet d'une évaluation scientifique spécifique aux problématiques du traitement aérien, menée par l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) selon des lignes directrices publiées en 2011. Une fois l'évaluation terminée, et si celle-ci est favorable, les produits sont autorisés expressément, comme le prévoit la directive 2009/128/CE. Enfin, dans le cadre du plan Écophyto, une première étude de développement de solutions alternatives au traitement aérien, spécifique aux bananeraies a déjà été rendue, avec l'élaboration d'un prototype terrestre qui est en cours de test sur le terrain, pour permettre aux producteurs de s'affranchir de cette technique tout en maintenant leur capacité de production. Une remise à plat du dispositif général de dérogation sera effectuée à l'automne par mes services pour mieux encadrer les conditions de délivrance des dérogations et mobiliser les professionnels pour le développement des alternatives à ce type de traitement.

Données clés

Auteur : M. Éric Jalton

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Dates :
Question publiée le 7 août 2012
Réponse publiée le 2 octobre 2012

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