Question de : Mme Virginie Duby-Muller
Haute-Savoie (4e circonscription) - Les Républicains

Après avoir vu le film «Outreau, l'autre vérité», Mme Virginie Duby-Muller interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions d'audition des enfants mineurs dans les procès d'assises. Au-delà de la polémique et du caractère dramatique de cette affaire, on peut en effet s'interroger sur la nécessité de rénover les conditions d'audition des mineurs en France dans les procès d'assises sachant que dans d'autres pays le recours à la vidéo-conférence est autorisé. Elle lui demande, par conséquent, de bien vouloir lui indiquer les recommandations actuellement en vigueur en France et s'il est envisagé de les faire évoluer dans le sens d'une meilleure protection de l'enfant et de sa parole.

Réponse publiée le 10 décembre 2013

La question de l'amélioration des conditions d'audition des mineurs victimes dans les procès d'assises est complexe et au centre de débats importants. Selon une étude menée par l'Ecole Nationale de la Magistrature au cours du printemps 2006, les enfants victimes d'infractions sexuelles sont effectivement intimidés par un système judiciaire dont ils ne comprennent pas le fonctionnement et le sens. Ils se sentent d'autant plus fragilisés qu'ils sont souvent contraints à une répétition traumatisante de la description des faits subis. Semblables conditions d'audition devant la juridiction de jugement provoquent un sentiment d'humiliation, la plupart des mineurs victimes pensant qu'il s'agit de tester leur crédibilité. De manière plus ponctuelle et lorsque les faits incriminés sont reprochés à un membre de la famille, ces mêmes conditions confrontent les mineurs victimes à un conflit de loyauté difficilement supportable et les placent dans une situation aussi douloureuse que délicate. Les interrogations et plaidoiries de la défense sont également mal vécues. Aujourd'hui, certains dispositifs permettent déjà de concilier la prise en compte de la souffrance de l'enfant sur le plan médical, psychologique et social avec la nécessaire recherche de la vérité et l'indispensable respect des droits de la défense au cours du procès d'assises. Ainsi, les avocats et les magistrats se voient proposer des actions de formation permettant de les spécialiser dans le recueil de la parole de l'enfant, d'améliorer leurs méthodes de questionnement et de favoriser un professionnalisme alliant tact, pédagogie et juste distance. En outre, depuis la loi du 17 juin 1998, l'enregistrement audio-visuel des auditions des mineurs victimes des infractions mentionnées à l'article 706-47 du code de procédure pénale est obligatoire (article 706-52 du CPP). Cette disposition concerne les procédures pour infractions d'agressions ou atteintes sexuelles ou de proxénétisme à l'égard d'un mineur, ou de recours à la prostitution d'un mineur prévues par les articles 222-23 à 222-31, 225-7 (1° ), 225-7-1, 225-12-1, 225-12-2 et 227-22 à 227-27 du code pénal. L'objectif de cet enregistrement est d'éviter la répétition traumatisante des auditions pour le mineur victime en permettant le cas échéant la consultation ultérieure de l'enregistrement au cours de la procédure ou devant le tribunal correctionnel ou la cour d'assises. Seule une impossibilité technique, devant le cas échéant être immédiatement portée à la connaissance du procureur et actée en procédure, peut dispenser les enquêteurs d'un tel enregistrement. L'enregistrement peut être exclusivement sonore sur décision du procureur de la République ou du juge d'instruction, si l'intérêt du mineur le justifie. Il est établi une copie de l'enregistrement aux fins d'en faciliter la consultation ultérieure au cours de la procédure. Cette copie est versée au dossier. L'enregistrement original est placé sous scellés fermés. L'article 706-53 du code de procédure pénale prévoit que cette audition peut se dérouler en présence d'un psychologue, d'un médecin spécialiste de l'enfance, d'un membre de la famille du mineur, de l'administrateur ad hoc, ou encore d'une personne chargée d'un mandat par le juge des enfants. La présence d'une de ces personnes durant l'audition peut permettre d'une part, de rassurer le mineur et d'autre part, de favoriser le recueil de la parole de la victime. De même, une circulaire du 2 mai 2005 relative à l'amélioration du traitement judiciaire des procédures concernant les infractions de nature sexuelle (N° NOR :JUS. D 05-30075 C) encourage la consultation de l'enregistrement audiovisuel des mineurs victimes. Sans la rendre systématique, cette circulaire indique : « Il est ainsi indispensable qu'avant toute confrontation entre un mineur et la personne qu'il accuse, le contenu de la vidéo soit présenté au mis en examen ou au témoin assisté. Un tel acte est de nature à rendre inutile la confrontation envisagée. Le même principe doit présider aux audiences de jugement, si l'audition de l'enfant est souhaitée par la juridiction ». Les dispositions de l'article 706-71, alinéa 2 du code de procédure pénale autorisent également l'audition des mineurs victimes d'infractions sexuelles par la juridiction de jugement moyennant l'utilisation d'un procédé de visioconférence. Cette utilisation est une prérogative du président d'audience, qu'il tient de l'article 309 du code précité lorsqu'est ouvert un procès d'assises. C'est ainsi que dans le cadre du procès d'Angers, l'association « La voix de l'enfant » a facilité le déploiement d'un matériel de visioconférence destiné à améliorer les conditions d'audition des mineurs victimes devant la cour d'assises. Cette expérience s'est avérée très positive et mérite d'être généralisée autant que cela soit financièrement possible pour le ministère de la Justice. Devant la cour d'assises, l'article 308 du code de procédure pénale permet au président de la cour d'ordonner l'enregistrement audiovisuel, durant l'audience, des auditions des mineurs victimes. Cet article précise que cet enregistrement peut être utilisé devant la cour d'assises, jusqu'au prononcé de l'arrêt, mais également pendant le délibéré ainsi que durant les éventuelles audiences ultérieures. Cette disposition a pour but d'éviter de multiplier les auditions du mineur victime, dans un but évident de protection de ce dernier, tout en permettant à la juridiction de statuer sur les faits dénoncés. dans le même objectif de protection des enfants victimes, l'article 306 du même code, qui réglemente la publicité des débats devant la cour d'assises, assure également la protection du mineur victime d'infractions sexuelles. Ainsi, le huis clos est de droit lorsqu'une partie civile, victime de ce type d'infractions, le sollicite, ce qui peut être de nature à rendre plus aisé son témoignage. Enfin, en application de l'article 706-50 du CPP, le procureur de la République ou le juge d'instruction, saisi de faits commis volontairement à l'encontre d'un mineur, désigne un administrateur ad hoc lorsque la protection des intérêts de celui-ci n'est pas complètement assurée par ses représentants légaux ou par l'un d'entre eux. Ainsi, outre que l'administrateur ad hoc assure la protection des intérêts du mineur et exerce s'il y a lieu, au nom de celui-ci les droits reconnus à la partie civile, il se trouve auprès de lui lors du procès d'assises pour lui apporter le soutien nécessaire lors de cette épreuve. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le législateur est à la recherche d'un juste équilibre entre les nécessités de la procédure judiciaire et la protection du mineur victime. De nouvelles réflexions sont en cours et dans ce cadre le recueil de la parole de l'enfant fait l'objet d'une analyse approfondie tant par des spécialistes que des associations de protection de l'enfance. le ministère de la justice reste attentif à ces travaux.

Données clés

Auteur : Mme Virginie Duby-Muller

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 12 novembre 2013

Dates :
Question publiée le 23 avril 2013
Réponse publiée le 10 décembre 2013

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