délais de paiement
Publication de la réponse au Journal Officiel du 29 octobre 2013, page 11326
Question de :
M. Jean-Pierre Le Roch
Morbihan (3e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Jean-Pierre Le Roch attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les préoccupations de plusieurs conseillers du commerce extérieur de la France à la suite de la mise en œuvre des dispositions de la loi LME sur les délais de paiement. Cette dernière a introduit le principe d'un plafonnement général des délais de paiement convenus entre les parties à 60 jours date de facture, ou 45 jours fin de mois. Or la LME reste imprécise et sujette à interprétation pour le commerce international, notamment quant à son champ d'application. Dans le cadre d'opérations de commerce international, qui impliquent parfois des délais d'acheminement supérieurs à deux mois, les conditions de paiement sont un élément de compétitivité de l'offre. En outre, les termes de la LME sont difficilement acceptables par les clients des entreprises françaises dans la mesure où leurs concurrents internationaux peuvent proposer des délais de règlement très supérieurs. Les conséquences de cette situation sont multiples. Effectivement, en se basant sur les interprétations répétées de la DGCCRF, les termes de la LME s'appliquent pleinement aux opérations de commerce international réalisées par des sociétés françaises dès lors que le transfert de propriété a lieu en France. Dans la mesure où nombre d'entreprises françaises ont choisi de considérer que leurs échanges avec l'étranger ne sont pas soumis à la LME, elles courent un risque fiscal notoire. De plus, les sociétés exportatrices se voient contraintes de financer systématiquement des écarts de plus de soixante jours, fragilisant leur activité et leur capacité d'investissement. Enfin, l'imprécision de la loi entourant les cas de défaillance d'un acheteur ouvre la voie à certaines distorsions quant à l'application de l'assurance export. Ces préoccupations des acteurs du commerce international entraînent un détournement des flux de marchandises, notamment par le biais de centrales d'achat installées à l'étranger. Elles impactent directement nos exportations, nos entreprises et nos emplois ainsi que la perception qu'ont les acteurs économiques internationaux de l'économie française. Une modification de la LME, stipulant que cette dernière ne s'applique pas aux exportations directes ou indirectes pourrait constituer une solution simple et adaptée à la double exigence de maintien de l'esprit de la loi sur le sol français et d'adaptation à la réalité des marchés internationaux. C'est pourquoi il lui demande de préciser ses intentions sur cette disposition législative ainsi que sur l'opportunité de sa modification.
Réponse publiée le 29 octobre 2013
Pour déterminer les cas dans lesquels la loi de modernisation de l'économie (LME) s'applique aux opérations internationales, il est nécessaire d'examiner les cas particuliers et l'examen des termes du contrat de vente liant une société de négoce française et un fournisseur ou un client étranger. Le négoce international de marchandises est encadré juridiquement par la convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (CVIM) du 11 avril 1980. Cette convention s'applique aux contrats de vente de marchandises conclus par des parties ayant leur établissement dans des États différents signataires de cette convention. Sauf exclusion par les parties, les dispositions de cette convention s'appliquent par défaut aux contrats internationaux et se substituent aux règles du droit interne national. Or l'article 59 de cette convention, relatif aux délais de paiement, renvoie à l'application des dispositions contractuelles et ne fixe aucun délai maximum de paiement. Les parties peuvent toutefois expressément exclure l'application de cette convention et décider d'appliquer le droit interne national de l'une ou l'autre des parties quelle soit française ou étrangère. Lorsque les parties soumettent leur contrat au droit français, seule la désignation du droit interne, par exemple à la suite d'un renvoi explicite aux dispositions du code civil ou du code de commerce, permet d'exclure l'application de la CVIM. La difficulté à laquelle se heurtent les entreprises exportatrices françaises lorsqu'elles placent leurs contrats de vente internationaux sous l'empire du droit français, réside dans l'obligation qui leur est faite d'exiger de leurs clients des délais de paiement contraignants, alors que leurs concurrentes étrangères, dont le droit national est plus libéral, peuvent consentir des délais longs à leurs clients. Si les parties ont désigné une loi étrangère comme loi applicable à leur contrat, les dispositions du code de commerce relatives aux délais de paiement, en tant que règle impérative ou de police, peuvent néanmoins s'appliquer dans certains cas, notamment en cas d'abus manifeste ayant été à l'origine d'un préjudice en France. L'application par défaut des règles de la CVIM ou des droits internes étrangers moins contraignants que le droit français permet donc, d'ores et déjà, aux négociants français d'octroyer à leurs clients étrangers des délais de paiement similaires à ceux proposés par leurs concurrents internationaux. L'exemption proposée, excluant du champ d'application de la loi les opérations de commerce international tant directes qu'indirectes pour toutes les entreprises installées sur le sol français, porterait sur tout type de contrat de vente dès lors que la finalité de l'opération serait l'exportation des marchandises par l'acheteur. Le champ de cette dérogation serait donc potentiellement très étendu. Une telle réforme favorable aux entreprises exportatrices se ferait au détriment des fournisseurs français dont les délais de paiement clients s'allongeraient. Cette exemption engendrerait donc un décalage de trésorerie au détriment des fournisseurs industriels français (eux-mêmes potentiellement soumis à des délais fournisseurs plafonnés), dont la santé financière est déjà fragilisée par le contexte économique actuel. L'avantage concurrentiel dont bénéficient certaines entreprises européennes par rapport aux entreprises françaises est atténué depuis le 16 mars dernier. En effet, la directive n° 2011/7/UE du 16 février 2011 relative à la lutte contre les retards de paiement dans les relations commerciales devant être intégralement transposée à cette date, limite en principe les délais de paiement à 60 jours civils en Europe. Or 68,7 % des exportations françaises ont pour destination un pays européen (source INSEE, « exportations et importations de biens de la France dans le monde en 2011 »). Un nouveau dispositif d'exemption sectorielle mettrait en cause les principes de la réforme instaurée par la LME, dont les objectifs de lutte contre les retards de paiement demeurent d'actualité. En effet, la troisième décision du pacte national pour la compétitivité, la croissance et l'emploi est d'établir un plan d'action pour lutter contre l'allongement des délais de paiement. L'observatoire des délais de paiement, dans son rapport 2012, préconise d'exclure toute mesure supplémentaire visant à assouplir (prolongation ou multiplication d'accords dérogatoires) ou à restreindre les principes généraux établis par l'article L. 441-6 du code de commerce. Enfin, une dérogation telle que celle proposée engendrerait une complexité contractuelle importante et une possible réorientation de l'activité vers les professionnels non bénéficiaires de dérogations. En effet, les TPE/PME exportatrices ou qui ont une activité de négoce international pourraient stipuler dans leurs contrats avec leurs fournisseurs français un délai de paiement supérieur au plafond légal, dès lors qu'elles ont une activité de négoce international. Afin de prendre en compte les particularités de la situation de ces entreprises, M. Jean-Hervé Lorenzi, président de l'observatoire des délais de paiement, a été chargé par le ministre de l'économie et des finances et la ministre du commerce extérieur d'une mission en vue d'évaluer l'impact sur les opérations d'exportation et d'importation des entreprises françaises de la mise en oeuvre effective de la contrainte générale sur les délais de paiement que prévoit le projet de loi consommation (présenté à l'Assemblée nationale en juin 2013) à travers un renforcement des contrôles et l'effectivité des sanctions. L'objectif est de proposer des mesures à mettre en oeuvre pour ne pas freiner mais dynamiser le développement international de nos entreprises tout en évitant un affaiblissement de l'objectif général de réduction des délais de paiement. Le rapport de l'observatoire des délais de paiement sur « la situation des entreprises exportatrices face aux dispositions de la loi LME sur les délais de paiement », publié en juillet 2013, précise que les décalages de paiement clients-fournisseurs supportés par les exportateurs étant d'importance variable entre entreprises (selon les pays de destination) et la présence de décalages n'ayant pas de conséquences uniformes sur la structure de financement de ces entreprises, il est difficile de recommander une action par la loi - ou la mise en place de dérogations à la loi - visant les entreprises exportatrices. L'observatoire estime que des outils de financement et de soutien (affacturage, aide publique...) permettraient de soulager les secteurs et les entreprises spécifiquement pénalisés par les décalages de paiement clients-fournisseurs à l'exportation.
Auteur : M. Jean-Pierre Le Roch
Type de question : Question écrite
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : Économie et finances
Ministère répondant : Commerce extérieur
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 23 juillet 2013
Dates :
Question publiée le 30 avril 2013
Réponse publiée le 29 octobre 2013