14ème législature

Question N° 25762
de Mme Isabelle Attard (Écologiste - Calvados )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture et communication
Ministère attributaire > Culture et communication

Rubrique > propriété intellectuelle

Tête d'analyse > réglementation

Analyse > ouvrages produits à l'étranger. contrefaçons. peines. quantum.

Question publiée au JO le : 30/04/2013 page : 4637
Réponse publiée au JO le : 15/10/2013 page : 10794

Texte de la question

Mme Isabelle Attard attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur l'échelle des sanctions encourues en cas de contrefaçon en France d'ouvrages publiés en France ou à l'étranger. Selon l'article L. 335-2 du code de la propriété intellectuelle, « toute édition d'écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit. La contrefaçon en France d'ouvrages publiés en France ou à l'étranger est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende ». La lourdeur de ces peines est pour le moins difficile à comprendre. À titre d'exemple, voici quelques délits sanctionnés par la même durée de trois ans d'emprisonnement : l'homicide involontaire (art. 221-6 du code pénal) ; les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail (art. 222-13) ; la menace de mort lorsqu'elle est, soit réitérée, soit matérialisée par un écrit, une image ou tout autre objet (art. 222-17) ; l'expérimentation biomédicale sur une personne sans avoir recueilli le consentement libre, éclairé et exprès de l'intéressé (art. 223-8) ; le fait de provoquer au suicide d'autrui lorsque la provocation a été suivie du suicide ou d'une tentative de suicide (art. 223-13) ; la diffusion sur Internet de plans de fabrication de bombes (art. 322-6-1). Ce niveau de sanction pour le délit de contrefaçon, inscrit dans notre législation, est visiblement disproportionné. Cela est démontré par les condamnations appliquées par les juges, qui ne sont jamais proches de ces maxima. Elle demande ce qu'elle compte faire pour diminuer les sanctions encourues en cas de délit de contrefaçon.

Texte de la réponse

Le mécanisme de réponse graduée instauré en 2009 vise à soustraire le téléchargement illicite effectué par les particuliers sur les réseaux de pair à pair au droit commun de la contrefaçon, inadapté et assorti de sanctions potentiellement très lourdes. Reposant sur la notion de « négligence caractérisée » qui sanctionne non pas la personne qui télécharge mais celle dont l'accès Internet est utilisé pour télécharger de manière illicite, la réponse graduée donne la priorité à la pédagogie, à travers une succession d'avertissements préalables adressés à l'internaute par la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI). Le rapport de la mission sur « l'Acte II de l'exception culturelle », remis le 13 mai 2013, propose, de manière très pragmatique, de maintenir la réponse graduée dans la mesure où elle vient à peine d'atteindre son régime de croisière et qu'elle a d'ores et déjà produit, sur le périmètre qu'elle couvre, des effets significatifs. Sa suppression se traduirait par ailleurs par un retour pur et simple au droit commun de la contrefaçon. La ministre de la culture et de la communication estime également nécessaire de préserver les acquis positifs de la réponse graduée, qui permet, d'une part, d'éviter l'application du droit commun de la contrefaçon, inadapté aux pratiques en cause, et, d'autre part, de privilégier une logique pédagogique fondée sur une succession d'avertissements, préalables à toute sanction. Il paraît néanmoins nécessaire de distinguer davantage les acteurs et logiques à l'oeuvre derrière les pratiques de téléchargement illégal et d'adapter en conséquence les dispositifs de sanction. Le dispositif de réponse graduée gagnerait ainsi à être allégé, de manière à le rendre plus acceptable, sans nuire à son efficacité, qui tient davantage à l'effet pédagogique des avertissements préalables qu'à la menace d'une sanction sévère. Les sanctions aujourd'hui applicables paraissent disproportionnées au regard du caractère massif des pratiques en cause. C'est dans cette optique que la ministre de la culture et de la communication a signé le décret n° 2013-596 du 8 juillet 2013 supprimant la sanction de la suspension d'accès à Internet. Cette mesure est essentielle, à la fois parce qu'elle met fin à une sanction totalement inadaptée, et parce qu'elle illustre le changement d'orientation que le Gouvernement engage en matière de lutte contre le piratage des oeuvres sur Internet. L'axe prioritaire est désormais celui de la lutte contre le piratage commercial, autrement dit contre les sites qui tirent profit des contenus piratés, les monétisent sans rémunérer les créateurs. C'est un changement de philosophie, qui repose sur la volonté de ne plus opposer les créateurs et les internautes en menaçant ces derniers d'une coupure de leur accès à Internet, alors que ce dernier est devenu une voie d'accès incontournable à la culture, notamment pour les jeunes. Les poursuites contre les sites dédiés à la contrefaçon se heurtent toutefois à des obstacles importants qui tiennent, notamment, à la mobilité quasi instantanée des contenus, à la difficulté de rechercher les preuves ou d'identifier les personnes responsables, aux lacunes de la coopération entre les États, etc. Afin de contourner ces difficultés, le rapport « Acte II » propose d'impliquer les intermédiaires techniques et financiers (hébergeurs, moteurs de recherche, services de paiement, acteurs de la publicité en ligne, voire fournisseurs d'accès à Internet et opérateurs de nommage), sans pour autant redéfinir les règles de responsabilité posées par la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique ou remettre en cause la neutralité du net. La ministre de la culture et de la communication soutient cette proposition visant à réorienter la lutte contre la contrefaçon en direction des sites qui diffusent ou encouragent la diffusion illicite de contenus protégés. Elle a ainsi chargé Madame Mireille Imbert-Quaretta, conseillère d'État et présidente de la commission de protection des droits de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI), de conduire une mission destinée à élaborer les outils opérationnels permettant d'impliquer les intermédiaires techniques et financiers dans la lutte contre la contrefaçon en ligne. Les outils en question pourront reposer sur des mesures volontaires, telles qu'un accord rassemblant les parties prenantes, voire sur des mesures législatives et réglementaires. Le résultat de ces réflexions devrait être rendu public en janvier 2014.