14ème législature

Question N° 25927
de Mme Marion Maréchal-Le Pen (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère attributaire > Agriculture, agroalimentaire et forêt

Rubrique > agriculture

Tête d'analyse > salariés agricoles

Analyse > main-d'oeuvre. coût.

Question publiée au JO le : 07/05/2013 page : 4875
Réponse publiée au JO le : 02/07/2013 page : 6896

Texte de la question

Mme Marion Maréchal-Le Pen interroge M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur l'attitude du Gouvernement face au dumping social massivement pratiqué par l'Allemagne dans les domaines de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Dans l'élevage, l'arboriculture, le maraîchage ainsi que dans les industries d'abattage et de transformation de la viande, ce dumping, mis en place depuis dix ans, menace des dizaines de milliers d'emplois. L'absence de salaire minimum et d'accord de branche dans ces secteurs outre-Rhin permet en effet à nos concurrents de tirer un maximum de profit de la directive européenne sur le détachement des travailleurs, en important massivement de la main-d'oeuvre roumaine, bulgare et polonaise. Ces travailleurs sont payés quatre euros de l'heure, ce qui représente deux à trois fois moins que les salaires pratiqués en France. Le résultat ne s'est pas fait attendre : on constate une baisse très inquiétante de ces productions en France, pourtant vitales à l'économie de nos territoires ruraux, déjà lourdement impactés par la crise. Alors que la Belgique vient de porter plainte contre l'Allemagne pour dumping auprès de la Commission européenne, il lui est demandé s'il entend faire de même et quelles dispositions il entend prendre face à ces pratiques.

Texte de la réponse

Les raisons expliquant le différentiel de coût de main-d'oeuvre entre la France et l'Allemagne dans les secteurs de la production agricole et de l'agroalimentaire font l'objet d'un examen attentif de la part du Gouvernement français qui vise à s'assurer qu'il ne résulte pas de pratiques non conformes au droit communautaire, notamment concernant le principe de concurrence loyale et le respect des droits des travailleurs. En raison de la pénurie de main-d'oeuvre dans ces secteurs, les entreprises allemandes ont recours à de la main-d'oeuvre étrangère, issue notamment des nouveaux États membres. Ce recours a tout d'abord été rendu possible par une dérogation aux restrictions concernant le libre accès au marché du travail allemand, en vigueur jusqu'au 30 avril 2011. Ces restrictions ont été levées définitivement le 1er mai 2011 pour les ressortissants de huit nouveaux États membres, en dehors de la Roumanie et de la Bulgarie. La main-d'oeuvre étrangère travaillant ainsi, en principe temporairement, dans les entreprises allemandes est constituée de salariés détachés par des entreprises situées dans les nouveaux États membres et qui exercent leur activité en qualité soit de sous-traitants, soit d'entreprises de travail temporaire. L'activité de ces entreprises est encadrée par deux directives, la directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services et la directive 2008/104/CE du 19 novembre 2008 relative au travail intérimaire. S'agissant des conditions de travail et d'emploi dont bénéficient les salariés détachés dans les entreprises qui les occupent, la directive 96/71/CE fait obligation aux États membres de veiller, soit par des dispositions législatives ou réglementaires, soit par des accords collectifs d'application générale, à ce que ces salariés bénéficient d'un socle de garanties impératives, parmi lesquelles figurent les taux de salaire minimal. Une loi de transposition de la directive en droit allemand dispose que le salaire des travailleurs détachés ne doit pas être inférieur à celui que perçoit un travailleur allemand sur un poste identique. Toutefois, il convient de rappeler qu'en Allemagne, le salaire minimum obligatoire n'est pas fixé légalement mais par des accords de branches. Il peut aussi être différencié par Land. Le caractère obligatoire des accords est limité aux employeurs membres du syndicat signataire au sein de chaque branche, à moins d'être rendu d'application générale par décision d'extension du Gouvernement. Or, les secteurs de l'agriculture et des industries de la viande ne bénéficient pas d'un accord de branche prévoyant un salaire minimum. Il n'existe donc pas dans ces secteurs de salaire minimum obligatoire tant pour les salariés allemands que pour les étrangers. Cette situation pourrait être appelée à évoluer à deux titres. D'une part, le Gouvernement allemand s'est récemment déclaré favorable à l'instauration de salaires planchers par branche, ce qui constitue une première avancée, d'autre part, du fait de la publication, par la Commission européenne le 21 mars 2012, d'une proposition de directive visant à renforcer l'effectivité de la mise en oeuvre de la directive de 1996. Ce texte, soutenu par le Gouvernement français, propose différentes mesures destinées à permettre une information plus précise et plus accessible des acteurs du détachement, à préciser les critères du détachement et à faciliter le contrôle et les sanctions des entreprises qui ne respectent pas les droits des salariés détachés et les règles encadrant la prestation de service transnationale. Cette révision de la directive dite « détachement des travailleurs » doit maintenant être examinée par le Conseil et le Parlement européen.