14ème législature

Question N° 26829
de M. Rémi Delatte (Union pour un Mouvement Populaire - Côte-d'Or )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Économie et finances

Rubrique > industrie

Tête d'analyse > matériel médico-chirurgical

Analyse > prothèses dentaires. mise en concurrence.

Question publiée au JO le : 21/05/2013 page : 5215
Réponse publiée au JO le : 17/12/2013 page : 13251

Texte de la question

M. Rémi Delatte attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur l'absence de mise en concurrence des prothésistes dentaires par les patients nécessitant la pose d'une prothèse dentaire. La loi du 10 août 2011 prévoit en cas de fourniture d'un dispositif médical, une dissociation du prix de vente de l'appareil proposé du montant des prestations de soins assurées par le praticien. De plus les règles de concurrence visées au titre II du livre IV du code de commerce ne s'opposent pas à la liberté pour les prothésistes dentaires de commercialiser leur production. Cependant, les chirurgiens-dentistes sont un intermédiaire entre le consommateur et le prothésiste dentaire puisque le chirurgien-dentiste a le monopole du choix du laboratoire et de la fixation du prix de la prothèse qui sera appliqué aux consommateurs. Il souhaite savoir les mesures qui seront prises afin que dans ce domaine les règles de la concurrence puisse s'exercer au bénéfice des consommateurs comme des prothésistes.

Texte de la réponse

L'autorité de la concurrence (ADLC) a rendu le 29 février 2012 un avis (n° 12-A-06) relatif aux effets sur la concurrence de l'exclusivité de la vente des prothèses dentaires par les chirurgiens-dentistes. Cet avis rappelle les caractéristiques du marché constatées dans une décision n° 89-D-36 du conseil de la concurrence relative aux pratiques relevées sur le marché des prothèses dentaires : « le code de la santé publique (CSP) réserve le monopole du "travail en bouche" aux chirurgiens-dentistes, et les prothésistes ne peuvent vendre directement leur production aux consommateurs, dès lors que la jurisprudence de la Cour de cassation considère qu'une telle vente est constitutive du délit d'exercice illégal de l'art dentaire ». Selon cette décision et cet avis, « les seuls clients possibles pour les prothésistes sont donc les chirurgiens-dentistes ». Ce monopole trouve son fondement légal dans les dispositions du code de la santé publique, en matière d'exercice illégal de l'art dentaire (L. 4161-2) et de titres exigés pour exercer la profession de chirurgien-dentiste (L. 4141-3). La jurisprudence de la Cour de cassation en matière d'exercice illégal de l'art dentaire a fixé l'étendue du monopole en indiquant que le « travail en bouche » pratiqué par le chirurgien-dentiste est le critère fondamental de couverture d'une prestation par le monopole qu'il détient. Il résulte ainsi d'une jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation qu'un prothésiste ne peut pas vendre directement de prothèses dentaires à un patient (arrêt de la Cour de cassation du 17 juin 1992). S'agissant de la possibilité de dissocier le prix de vente de l'appareil proposé du montant des prestations de soins assurées par le praticien, la Cour de cassation a considéré dans un arrêt du 4 novembre 1986 (pourvoi n° 86-9024), cité dans l'avis de l'ADLC de 2012, que « la prise d'empreintes et la pose d'appareils, qui sont des procédés prothétiques, relèvent de la pratique de l'art dentaire tel qu'il est défini par l'article L. 373 du CSP » devenu article L. 4161-2 du CSP. Il en résulte que le traitement prothétique dentaire est un tout non dissociable car il s'agit d'un acte médical à part entière comprenant plusieurs phases successives, les prothèses dentaires étant des dispositifs médicaux réalisés sur mesure pour un patient, sur la base de la prescription d'un chirurgien-dentiste (cf points 42 et 43 de l'avis de l'ADLC précité). Les règles de concurrence visées au titre II du livre IV du code de commerce ne s'opposent pas à la liberté pour les prothésistes dentaires de commercialiser leur production. Face à ce principe établi de liberté du commerce, l'ADLC a toutefois observé, dans son avis de 2012, qu'il existe une nécessité de prendre en compte la réglementation professionnelle : « L'autorité de la concurrence ne peut, au nom du droit de la concurrence, s'opposer à la réglementation professionnelle et à la jurisprudence qui consacrent le monopole de l'art dentaire et organisent l'activité prothétique en conséquence » (point 99). Enfin, le rapport de la Cour des comptes sur les soins dentaires (sécurité sociale, septembre 2010) ainsi que l'avis de 2012 de l'ADLC formulent des recommandations et des orientations pour renforcer la concurrence dans le secteur prothétique dentaire, auxquelles le Gouvernement ne manquera pas de se référer. Dans une réponse du 12 février 2008 à une question visant à relayer la demande des prothésistes dentaires d'autoriser le libre choix du prothésiste par le patient (n° 16641 à M. Jean-Claude Perez), le ministre en charge de la santé avait rappelé le principe fondant le régime du monopole : « le législateur, pour des raisons de santé publique, a réservé la réalisation des traitements prothétiques aux chirurgiens-dentistes, dont les compétences et le niveau de formation offrent les meilleures conditions de qualité et de sécurité ». Cet impératif de santé publique ne s'oppose pas néanmoins à un renforcement des mécanismes de la concurrence dans ce secteur d'activité sur d'autres aspects pouvant bénéficier aux professionnels et aux consommateurs.