14ème législature

Question N° 28045
de M. Jean-Claude Bouchet (Union pour un Mouvement Populaire - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture et communication
Ministère attributaire > Culture et communication

Rubrique > culture

Tête d'analyse > politique culturelle

Analyse > rapport. propositions.

Question publiée au JO le : 04/06/2013 page : 5678
Réponse publiée au JO le : 15/10/2013 page : 10796

Texte de la question

M. Jean-Claude Bouchet appelle l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur les conclusions du rapport Lescure sur la fiscalité du numérique dans le domaine culturel. En effet, en août 2012, le Gouvernement confiait à M. Pierre Lescure une « mission de concertation sur les contenus numériques et la politique culturelle à l'heure du numérique ». Après dix mois de concertation, le rapport qui vient d'être remis au Président de la République préconise notamment de supprimer l'Hadopi. La mission Lescure propose de maintenir le dispositif de réponse graduée (le fait d'envoyer des recommandations par courriel aux internautes suspectés d'avoir téléchargé illégalement des œuvres, avant une éventuelle sanction) de la Haute Autorité chargée de lutter contre le téléchargement illégal des œuvres. Le dispositif serait allégé et le caractère pénal et répressif enlevé. Il n'y aurait plus de coupure à l'accès Internet. Seulement des sanctions administratives, avertissements et amendes. En cas d'infraction, la mission propose une forte diminution du montant de l'amende, qui passerait de 1 500 à 60 euros. La mission serait confiée au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), qui pourrait, à terme, devenir un régulateur de l'offre culturelle numérique. Hadopi serait ainsi supprimée. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer son avis sur cette proposition.

Texte de la réponse

Le mécanisme de réponse graduée instauré en 2009 vise à soustraire le téléchargement illicite effectué par les particuliers sur les réseaux de pair à pair au droit commun de la contrefaçon, inadapté et assorti de sanctions potentiellement très lourdes. Reposant sur la notion de « négligence caractérisée », qui sanctionne non pas la personne qui télécharge mais celle dont l'accès Internet est utilisé pour télécharger de manière illicite, la réponse graduée donne la priorité à la pédagogie, à travers une succession d'avertissements préalables adressés à l'internaute par la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI). Le rapport de la mission sur « l'Acte II de l'exception culturelle », remis le 13 mai 2013, propose, de manière très pragmatique, de maintenir la réponse graduée dans la mesure où elle vient à peine d'atteindre son régime de croisière et qu'elle a d'ores et déjà produit, sur le périmètre qu'elle couvre, des effets significatifs. Sa suppression se traduirait par ailleurs par un retour pur et simple au droit commun de la contrefaçon. La ministre de la culture et de la communication estime également nécessaire de préserver les acquis positifs de la réponse graduée, qui permet, d'une part, d'éviter l'application du droit commun de la contrefaçon, inadapté aux pratiques en cause, et, d'autre part, de privilégier une logique pédagogique fondée sur une succession d'avertissements, préalables à toute sanction. Le rapport « Acte II » estime néanmoins que le dispositif de réponse graduée gagnerait à être allégé, de manière à le rendre plus acceptable, sans nuire à son efficacité, qui tient davantage à l'effet pédagogique des avertissements préalables qu'à la menace d'une sanction sévère. Les sanctions aujourd'hui applicables paraissent disproportionnées au regard du caractère massif des pratiques en cause. C'est dans cette optique que la ministre de la culture et de la communication a signé le décret n° 2013-596 du 8 juillet 2013 supprimant la sanction de la suspension d'accès à Internet. Cette mesure est essentielle, à la fois parce qu'elle met fin à une sanction totalement inadaptée, et parce qu'elle illustre le changement d'orientation que le Gouvernement engage en matière de lutte contre le piratage des oeuvres sur Internet. L'axe prioritaire est désormais celui de la lutte contre le piratage commercial, autrement dit contre les sites qui tirent profit des contenus piratés, les monétisent sans rémunérer les créateurs. C'est un changement de philosophie, qui repose sur la volonté de ne plus opposer les créateurs et les internautes en menaçant ces derniers d'une coupure de leur accès à Internet, alors que ce dernier est devenu une voie d'accès incontournable à la culture, notamment pour les jeunes. Le rapport « Acte II » estime, par ailleurs, que l'existence d'une autorité administrative quasi-exclusivement dédiée, en pratique, à la lutte contre le téléchargement illicite est très discutable. Dans ce contexte, la ministre prévoit un texte législatif dans les prochains mois afin de supprimer la HADOPI et de transférer ses missions, y compris la réponse graduée, sous sa forme aménagée résultant du nouveau décret de juillet 2013, au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Enfin, on rappellera que cet ensemble de mesures sur le partage de la valeur dans le secteur de la musique enregistrée fait partie d'un plan global visant, dans la lignée du rapport de Monsieur Pierre Lescure, à rénover l'ensemble des outils de politique culturelle à l'ère du numérique. Cet Acte 2 de l'exception culturelle repose sur trois grands volets : le développement de l'offre légale et la meilleure prise en compte des usages, le financement de la création dans l'univers numérique, le renouvellement des outils de régulation et de lutte contre le piratage.