14ème législature

Question N° 28876
de M. Jean-Luc Laurent (Socialiste, républicain et citoyen - Val-de-Marne )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > droits de l'Homme et libertés publiques

Tête d'analyse > fichiers informatisés

Analyse > fichier d'empreintes génétiques. contenu. contrôles.

Question publiée au JO le : 11/06/2013 page : 6016
Réponse publiée au JO le : 04/03/2014 page : 2118

Texte de la question

M. Jean-Luc Laurent appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les enjeux liés à l'existence du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). La discussion actuelle de la proposition de loi dite « d'amnistie sociale » a une nouvelle fois mis en évidence l'expansion du fichier FNAEG depuis sa création en 2001. Sa taille, la qualité des personnes qui y figurent, la nature des infractions, les délais de conservation des profils et au final les voies de retrait du fichier font partie des nombreuses questions posées par l'existence de ce fichier. Selon les chiffres récents communiqués par le ministère de l'intérieur, le fichier FNAEG contient aujourd'hui plus de 2 millions de profils individuels, dont seulement 400 000 profils de personnes condamnées par les tribunaux. À leurs côtés, on trouve des citoyens ordinaires simplement mis en cause, parfois très brièvement. De nombreuses personnes, et particulièrement des militants syndicaux et associatifs, refusent le prélèvement d'ADN comme un traitement indigne. Le Conseil constitutionnel a été plusieurs fois saisi dans le cadre du contrôle ordinaire des lois et de la question prioritaire de constitutionnalité. Le fichier FNAEG fait débat. La police n'a pas à se priver par principe de techniques qui améliorent son efficacité mais il faut s'assurer que le fichier FNAEG ne constitue pas un risque pour les libertés fondamentales. Le profil génétique permet l'identification à la manière des empreintes digitales mais contient quantités d'autres informations dont la présence dans un fichier policier de cette taille interroge. Il souhaite connaître le bilan que le Gouvernement fait de l'existence de ce fichier, de son développement au cours de la décennie passée et les mesures qu'il entend prendre pour mieux articuler police scientifique et principes démocratiques.

Texte de la réponse

Les fichiers de police sont un outil de travail indispensable pour les forces de sécurité de l'Etat. Ils s'inscrivent dans un cadre légal qui permet, en application de principes constitutionnels et conventionnels, d'assurer une conciliation entre la sauvegarde de l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions et le respect d'autres principes fondamentaux, notamment le droit au respect de la vie privée et la présomption d'innocence. Ce cadre offre de solides garanties, fondées notamment sur les pouvoirs de contrôle de l'autorité judiciaire et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Par ailleurs, le ministère de l'intérieur dispose de mécanismes de contrôles propres et s'est doté d'un réseau de conseillers « informatiques et libertés » qui, dans les services territoriaux de police et de gendarmerie, contribuent au quotidien au respect du droit des fichiers. Le groupe de travail sur l'amélioration du contrôle et de l'organisation des bases de données de police, composé de représentants de l'administration, des autorités de contrôle et de la société civile, se réunit également régulièrement et permet d'exercer un contrôle démocratique sur les fichiers. S'agissant du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), il constitue un traitement d'identification des personnes, géré par la direction centrale de la police judiciaire et à la disposition des services d'enquête de police et de gendarmerie et des magistrats. Placé sous le contrôle d'un magistrat, il n'a pas vocation à conserver les antécédents judiciaires, qui sont conservées dans le traitement des antécédents judiciaires (T. A. J, issu de la fusion du STIC et de JUDEX). Il centralise les profils génétiques des personnes déclarées coupables, et de celles déclarées irresponsables pénalement, de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55 du code de procédure pénale ou suspectées, en raison d'indices graves ou concordants, d'avoir commis une de ces infractions. Le FNAEG constitue ainsi un véritable outil de police technique et scientifique, qui permet aux services enquêteurs de disposer de preuves scientifiques puisqu'il facilite l'identification et la recherche des auteurs d'infractions, de même que l'identification des personnes décédées non identifiées et des personnes disparues. Il permet également des échanges avec d'autres Etats de l'Union européenne, dans les conditions fixées par des actes de l'Union et par le code de procédure pénale. Il s'agit donc d'un outil essentiel pour l'efficacité des forces de l'ordre, la coopération policière et judiciaire européenne et la manifestation de la vérité. D'importantes dispositions garantissent les droits des personnes. Les empreintes des personnes suspectées à raison d'indices graves ou concordants sont effacées sur instruction du procureur de la République agissant soit d'office, soit à la demande de l'intéressé, lorsque leur conservation n'apparaît plus nécessaire. Par ailleurs, les profils des personnes à l'encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis une des infractions mentionnées à l'article 706-55 précité, sans qu'il n'apparaisse d'indices graves et concordants, ne sont pas conservés dans le fichier mais simplement comparés aux profils enregistrés. Le ministre de l'intérieur est attentif à la nécessité de maintenir les fichiers dans un cadre républicain et à ce que les exigences du droit soient conciliées avec les impératifs opérationnels. Des progrès sont possibles et il y a lieu à cet égard de noter que les dispositions règlementaires du FNAEG feront prochainement l'objet d'une refonte qui permettra de renforcer les droits des particuliers à demander l'effacement des données les concernant. Ce projet devrait également permettre de tirer les conséquences de la décision du 16 septembre 2010 du Conseil constitutionnel sur la durée de conservation des données, qui impose de moduler les durées en fonction de la gravité de l'infraction et de la minorité éventuelle de la personne mise en cause.