14ème législature

Question N° 288
de M. Edouard Philippe (Union pour un Mouvement Populaire - Seine-Maritime )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > élections et référendums

Tête d'analyse > cumul des mandats

Analyse > réglementation. réforme.

Question publiée au JO le : 15/11/2012
Réponse publiée au JO le : 15/11/2012 page : 5224

Texte de la question

Texte de la réponse

CUMUL DES MANDATS

M. le président. La parole est à M. Édouard Philippe, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Édouard Philippe. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre qui était, jusqu'en mai dernier, député, maire de Nantes, président de l'agglomération nantaise et président du groupe socialiste à l'Assemblée. Elle aurait pu s'adresser aux nombreux membres du Gouvernement qui, avant de devenir ministres, cumulaient sans s'en plaindre et en l'assumant devant leurs électeurs un mandat parlementaire et un mandat exécutif local - je pense à M. Valls, à M. Sapin, à Mme Fourneyron, à M. Montebourg, à Mme Touraine, à M. Lurel, et j'en oublie sans doute.
Cela étant, c'est à vous que ma question s'adresse, monsieur le Premier ministre. Le Président de la République, lui-même longtemps député-maire puis député et président de conseil général, a chargé Lionel Jospin d'une mission sur la rénovation et la déontologie de la vie publique. Parmi ses nombreuses propositions, M. Jospin recommande de renforcer l'interdiction du cumul, déjà existante, en prohibant désormais le cumul d'un mandat parlementaire et d'un mandat exécutif local.
Cette proposition suscite plusieurs interrogations.
La première tient à vous, monsieur le Premier ministre. Si, comme le prétend Lionel Jospin, le cumul nuit à l'exercice des mandats, nous aimerions savoir lequel de vos mandats - celui de maire ou de député - vous auriez négligé 23 années durant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La seconde interrogation concerne ceux qui, sur tous les bancs, sont attachés à la qualité du travail législatif. Pouvez-vous sérieusement prétendre devant cette assemblée que l'absence de députés exerçant des responsabilités exécutives locales serait demain une garantie de meilleure qualité du travail législatif ? (" Oui ! " sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Sur des sujets tels que le logement, le droit de l'urbanisme, les relations entre l'État et les collectivités locales, l'investissement public, la sécurité, l'aménagement du territoire ou l'action sociale, pensez-vous vraiment que le Parlement s'en trouvera plus éclairé et plus compétent ?
Au fond, monsieur le Premier ministre, ma question est simple : allez-vous proposer au Parlement un texte reprenant la totalité des propositions du rapport Jospin, alors que toute votre expérience personnelle, ainsi que celle de la plus grande partie de votre gouvernement, vous montrent l'inanité de cette posture aussi idéologique que démagogique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le député, dans le nouveau modèle français que nous appelons de nos voeux et qui fait l'objet de tous nos engagements, il y a aussi la modernisation des institutions et des conditions de la vie démocratique de notre pays.
M. Jean-Luc Reitzer. Vous appelez ça la modernisation ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le Président de la République a demandé à une commission présidée par Lionel Jospin de lui faire des propositions. Celles-ci portent sur un certain nombre d'aspects institutionnels - je pense au statut du chef de l'État ; à l'indépendance de la justice ; au mode de scrutin des élections législatives, incluant une part de proportionnelle afin de permettre une juste représentation de tous les courants politiques ; aux conflits d'intérêts, qui avaient fait l'objet d'un rapport rédigé par le vice-président du Conseil d'État, Jean-Marc Sauvé, rapport qui devait donner lieu, sous la législature précédente, à des décisions qui ne sont jamais intervenues ...
M. François Rochebloine. Et le cumul ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. ...et je pense, enfin, au cumul entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale.
Toutes ces propositions vont faire l'objet d'un examen attentif (" Ah ! " sur les bancs du groupe UMP), mais vous ne serez pas surpris que le Président de la République entende consulter les formations politiques sur différents points. Vous ne serez pas surpris non plus, monsieur le député, que je vous rappelle les engagements pris devant les Français par le Président de la République pendant sa campagne électorale, ces 60 engagements dont j'ai eu l'occasion de vous parler à plusieurs reprises et qu'il entend bien tenir, de même que le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. François Rochebloine. Courage, fuyons !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Pour ce qui est du cumul entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale, je reconnais que vous en parlez en toute connaissance de cause, monsieur Philippe, vous qui êtes à la fois député, maire et président d'une agglomération assez peuplée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Moi-même, qui ai connu cette situation (" Ah ! " sur les bancs du groupe UMP), je suis un fervent partisan d'une réforme audacieuse, courageuse (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP - Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), qui permette, dans notre pays, de donner à de nouvelles personnes, de nouvelles générations, la possibilité d'exercer des responsabilités.
C'est un profond renouvellement que cette réforme permettra. Elle le fera d'ailleurs avec les mêmes règles du jeu pour tous les partis politiques, qu'ils soient de gauche, du centre ou de droite. Vous serez certainement saisis - c'est en tout cas le souhait du Gouvernement - d'un projet de loi sur ce point.
Je voudrais terminer en vous disant que votre argumentation est tout de même bien faible. Y aurait-il, à l'Assemblée nationale, deux catégories de députés ? À vous entendre, oui ! Il y aurait d'un côté les bons députés, comme vous, et de l'autre, les députés n'ayant que leur mandat de parlementaire et ne connaissant donc rien à la société française. Eh bien non ! Il n'y a ici que des représentants de tous les citoyens, à égalité de droits et de devoirs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
N'ayez pas peur du changement, n'ayez pas peur de la réforme ! En tout cas, le Gouvernement sera au rendez-vous de l'audace et de la réforme, et je suis sûr qu'une large majorité de députés l'accompagnera, parce que c'est aussi le souhait d'une immense majorité de Françaises et de Français. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste, dont de nombreux députés se lèvent pour acclamer le Premier ministre. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.)