14ème législature

Question N° 29539
de M. Jean-Pierre Blazy (Socialiste, républicain et citoyen - Val-d'Oise )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires européennes
Ministère attributaire > Finances et comptes publics

Rubrique > entreprises

Tête d'analyse > délocalisations

Analyse > lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 18/06/2013 page : 6256
Réponse publiée au JO le : 24/03/2015 page : 2283
Date de changement d'attribution: 27/08/2014
Date de signalement: 10/02/2015
Date de renouvellement: 27/01/2015

Texte de la question

M. Jean-Pierre Blazy attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes, sur le financement des délocalisations par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et par la Banque européenne d'investissement (BEI). Il se trouve en effet que les financements octroyés par ces deux banques tendent à servir au développement d'activités hors de l'Union européenne, alors que les suppressions de postes dans les États membres se poursuivent. Ce sont pourtant ces États membres qui financent la BERD et la BEI. Le cas de Faurecia semble révélateur : la presse a fait état d'un prêt de 100 millions d'euros, prêt devant servir au développement de la firme au Maroc, en Russie, en Roumanie, en Tunisie et en Turquie ; tandis que dans le même temps celle-ci supprimait 3 000 emplois en Europe. Il en va de même pour le prêt de 110 millions d'euros au groupe PSA en 2012, ce prêt ayant servi au développement de la firme en Russie. Les exemples sont nombreux et ne se limitent pas à la seule BERD. Ainsi, nous retrouvons des situations similaires pour le prêt de 200 millions d'euros à Renault en octobre 2009, ou plus récemment pour le crédit de 200 millions d'euros accordé à Ford Europe fin 2012. Ces banques tendent à agir comme des banques commerciales, oubliant ainsi que ce sont les pays membres de l'Union européenne qui les financent et que leur but est le développement économique de l'Union européenne. Aussi il souhaiterait avoir confirmation des informations révélées par la presse concernant Faurecia et connaître la position de la France, qui finance de manière importante ces deux institutions banquières, face à une telle situation et les mesures éventuelles qu'il envisage de prendre face au financement d'entreprises qui délocalisent par des institutions européennes initialement créées, entre autres, pour aider à la création d'emplois au sein de l'Union européenne.

Texte de la réponse

Bien que partageant des objectifs de soutien au développement économique de leurs pays d'opération, la Banque européenne d'investissement (BEI) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) sont deux institutions financières bien distinctes en termes de mandat comme de gouvernance. La BEI est une institution communautaire. Ses concours financiers doivent nécessairement répondre aux objectifs de l'Union européenne (UE). Parmi ces objectifs, figurent la coopération économique avec les pays voisins, partenaires ou candidats à l'UE. A ce titre, certains des investissements financés par la BEI concernent des projets économiques réalisés en dehors de l'UE. Ils ont alors pour finalité, admise et légitime, le développement socio-économique des pays récipiendaires. Cette finalité vise aussi à resserrer les liens politiques, économiques et sociétaux avec les pays concernés. A cet égard, et comme ceux intervenant à l'intérieur de l'UE, les financements de la BEI à l'extérieur de l'UE donnent lieu à un examen au cas par cas des projets par le conseil d'administration et font l'objet d'un avis de la Commission européenne (CE). En cas d'avis négatif formulé par la CE sur un projet soumis à l'intention du conseil d'administration, l'approbation du financement nécessite un vote favorable à l'unanimité des administrateurs votants (abstention comprise du représentant de la Commission). Le cas particulier des financements de la BEI à l'extérieur de l'UE dans l'industrie automobile ne déroge pas à ces règles. De plus, il est vrai que le processus de division du travail du secteur automobile conduit à adopter une logique régionale de marché et à recourir à des sites de production situés au plus près des consommateurs, là où les coûts sont les plus bas. Cette situation peut ainsi amener la BEI à participer à des projets d'investissement dans ce secteur en dehors de l'UE. Dans le même temps, cette logique conduit à concentrer les activités à forte valeur ajoutée (recherche, développement et innovation, technologies avancées et propres, « design », mise au point des modèles haut de gamme), que la BEI finance, dans l'UE et les territoires nationaux des constructeurs et équipementiers. C'est en effet là que demeurent les compétences en ingénierie et des avantages comparatifs majeurs, notamment dans le secteur automobile. Or, les financements de la BEI dans ce secteur sont aujourd'hui très majoritairement orientés en direction des investissements de recherche et développement, des technologies propres, des projets à caractère innovant (technologies de pointe) et/ou participant à la lutte contre le changement climatique (réduction des consommations en carburant et émissions, groupes motopropulseurs hybrides ou totalement électriques, ...). Cette orientation délibérée vers les investissements d'avenir -qui limite de facto le financement de projets pouvant être assimilés à des délocalisations- est inscrite dans les priorités sectorielles d'intervention de la BEI pour la mise en oeuvre des objectifs assortis à son augmentation de capital (20 Mds€ de financements additionnels annuels durant la période 2013-2015). Dans ce but, des outils dédiés, en lien avec l'objectif de l'UE de promouvoir le développement d'une économie européenne fondée sur la connaissance et dotés par des ressources de la commission, ont par ailleurs été créés, notamment le mécanisme de financement avec partage de risques. La BERD est une institution multilatérale de développement dont l'actionnariat dépasse largement les frontières de l'Europe et qui n'a pas pour objet le développement économique de l'UE. Conformément aux termes de son accord fondateur, et notamment son article 1, la BERD a en effet pour mandat d'accompagner la transition de ses pays d'opération, qui regroupent les ex-pays de la communauté des Etats indépendants, la Mongolie, la Turquie et désormais les pays des rives sud et est de la Méditerranée, vers l'économie de marché. Les projets financés par la BERD et approuvés par son conseil d'administration, doivent impérativement s'inscrire dans sa stratégie de soutien à la modernisation et à la diversification de l'économie, ainsi qu'à l'essor du secteur privé, dans le cadre d'une « stratégie pays » régulièrement actualisée, et enfin démontrer leur viabilité économique. La BERD a également une politique plus générale qui consiste à encourager les opérateurs internationaux à investir dans les pays d'opération, où ils permettent de favoriser l'innovation et le transfert de technologies. Les projets financés par la BERD, tels que le projet impliquant Faurecia évoqué dans la question, visent à développer la production pour les marchés locaux, et non pas pour l'exportation. Plus globalement, l'activité de la banque s'inscrit pleinement dans la vision française et européenne d'une aide au développement efficace et structurelle, qui passe par le soutien au développement du secteur privé dans les pays concernés.