14ème législature

Question N° 29616
de M. Jacques Cresta (Socialiste, républicain et citoyen - Pyrénées-Orientales )
Question écrite
Ministère interrogé > Anciens combattants
Ministère attributaire > Anciens combattants

Rubrique > gens du voyage

Tête d'analyse > généralités

Analyse > actions mémorielles. perspectives.

Question publiée au JO le : 18/06/2013 page : 6285
Réponse publiée au JO le : 23/07/2013 page : 7808

Texte de la question

M. Jacques Cresta interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants, sur la prise en compte du sort des nomades durant la Seconde Guerre mondiale par la politique de la mémoire impulsée sous l'égide de son ministère et de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. En avril 1940, les « nomades », français ou non, ont été assignés à résidence par un décret-loi et une circulaire d'application particulièrement dépréciatrice et « stigmatisante », sur l'ensemble du territoire et pour toute la durée du conflit. Systématiquement internés en zone occupée, dans des conditions épouvantables, par exemple dans les camps de Rennes, Mulsanne (Sarthe) ou Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire), leur sort en zone sud a été également dramatique. La moitié d'entre eux ont subi une assignation à résidence stricte les privant de toutes ressources et de moyens de subsistance ou de secours. Les autres ont été envoyés dès l'automne 1940 dans les sinistres camps du Roussillon (Argelès, Le Barcarès, Rivesaltes) et enfin au camp de Saliers (Bouches-du-Rhône), construit par le ministère de l'intérieur dans un but de propagande et de concentration selon des critères raciaux. Cependant, internement et assignation à résidence ont duré jusqu'à la mise en œuvre de la circulaire d'application de la loi n° 46-991 du 10 mai 1946 portant fixation de la date légale de cessation des hostilités au 1er juin 1946, abrogeant le décret-loi du 6 avril 1940 interdisant la circulation des nomades. Ainsi, ceux-ci ont été touchés durant plus de six ans par des mesures administratives de contrainte et d'exclusion. Les atteintes portées à la liberté d'aller et venir ainsi que les mesures d'assignation et d'internement sont constitutifs d'une violence exceptionnelle, interrompue seulement au début de l'été 1946. Non organisés, non représentés, fuyant l'administration qui les a maintenus sous le joug et l'arbitraire du régime du carnet anthropométrique de 1912 à 1969, les nomades sont les seuls nationaux à n'avoir jamais reçu de véritable signe de reconnaissance des préjudices moraux ou économiques subis lors de la Deuxième Guerre mondiale. Depuis quelques années, des plaques commémoratives et la présence d'officiels au camp de Rivesaltes, notamment, rappellent que des camps d'internement pour nomades ont existé en France. Cependant, le travail de mémoire est assez limité. Il lui demande si des actions mémorielles seront renforcées ou impulsées en la matière.

Texte de la réponse

Le ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants tient à préciser que la situation douloureuse des nomades internés ou déportés pendant la Seconde Guerre mondiale n'a pas été méconnue. Les épreuves qu'ils ont subies ont été prises en compte notamment dans le domaine de la mémoire. Sur ce sujet, il convient de rappeler que l'interdiction de circulation des nomades, prise par le décret du 6 avril 1940, fut radicalisée après l'armistice, quand les Allemands, en Zone nord, et le gouvernement de Vichy, en Zone sud, exigèrent leur regroupement. C'est ainsi que des camps furent ouverts pour les tsiganes, les forains ou les cheminots, dont le dénominateur commun était de ne pas avoir de domicile fixe. Dans d'autres camps, préexistants, les gens du voyage se trouvèrent mêlés à des réfugiés espagnols ou à des opposants au gouvernement de Vichy. L'histoire de ces camps est complexe, la similitude n'existant ni dans leur longévité - de quelques mois à plusieurs années - ni dans les conditions de vie qu'y trouvèrent les internés. Il ressort des études historiques qu'environ 6 000 tsiganes furent internés en France. Cette mesure, injustifiée en soi, eut pour effet paradoxal de les préserver de la déportation et du sort que connurent les Tsiganes dans les autres pays européens. Ainsi, seul est répertorié un convoi qui, parti de Malines (Belgique) le 15 janvier 1944, déporta à Auschwitz 145 tsiganes venus de France sur les 351 arrêtés par la Feldgendarmerie dans le ressort du commandement militaire de Bruxelles. Les épreuves subies par les tsiganes au cours de cette sombre période de l'histoire sont prises en compte dans la politique de mémoire mise en oeuvre par le ministre de la défense. C'est à son initiative en effet que les organisations liées à la communauté des gens du voyage sont désormais invitées officiellement à participer aux cérémonies organisées dans le cadre de la journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux « Justes » de France, instituée par la loi n° 2000-644 du 10 juillet 2000. Par ailleurs, la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) soutient financièrement les initiatives visant à maintenir vivace le souvenir de leurs épreuves et à rappeler, in situ, par la réalisation de plaques ou de stèles commémoratives, l'existence des camps où ils furent internés, comme à Saliers (Bouches-du-Rhône), Barenton (Manche) ou Avrillé-lès-Ponteaux (Indre-et-Loire). Par ailleurs, la DMPA participe, sous d'autres formes, au maintien de cette mémoire, en accordant des subventions pour la réalisation de colloques ou en contribuant à des publications. Elle compte poursuivre cette politique, notamment en examinant attentivement les demandes portées par des collectivités territoriales ou des associations. S'agissant du camp de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire), son histoire est caractéristique de la vie des gens du voyage durant la Seconde Guerre mondiale et du sort qui leur fut réservé. Une stèle commémorative existe depuis 1988 et les vestiges et le sol de cet ancien camp d'internement ont été classés au titre des monuments historiques par arrêté du ministre de la culture et de la communication du 27 septembre 2012.