14ème législature

Question N° 29829
de M. Dominique Le Mèner (Union pour un Mouvement Populaire - Sarthe )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > professions judiciaires et juridiques

Tête d'analyse > huissiers

Analyse > réglementation. perspectives.

Question publiée au JO le : 18/06/2013 page : 6332
Réponse publiée au JO le : 08/04/2014 page : 3242

Texte de la question

M. Dominique Le Mèner attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les préoccupations des huissiers de justice suite aux recommandations de la Commission européenne du 29 mai 2013, qui font écho au rapport Attali de 2008 quant à la libéralisation de cette profession. Or en donnant une dimension avant tout économique aux métiers du droit, ce rapport remettait en cause l'exercice encadré de la puissance publique des officiers publics et ministériels et assimilait les justiciables à des consommateurs. Il convient en effet de tenir compte du tarif et du maillage territorial, qui ont été instaurés pour protéger le justiciable et répondre à ses besoins. Ainsi, les huissiers de justice sont avant tout garants de la sécurité juridique et financière et constituent un maillon indispensable au bon fonctionnement de la chaîne juridique. La suppression du numerus clausus, par exemple, qui permettrait d'augmenter le nombre d'huissiers en activité, se heurte à la réalité du manque d'activité et de la diminution du domaine de l'exécution qui limitent, de facto, la création de nouveaux offices. Sans remettre en cause les objectifs généraux d'une ouverture de certains domaines d'activité afin de favoriser la compétitivité économique de notre pays, objectifs affichés par la Commission dans le cadre du programme de stabilité, il est nécessaire de faire une lecture précise des spécificités de chaque profession réglementée. Il lui demande de bien vouloir indiquer les intentions du Gouvernement en la matière.

Texte de la réponse

La Commission européenne a publié le 29 mai dernier des recommandations aux pays de l'Union qui doivent leur permettre de dépasser la crise et de renforcer les bases de la croissance. Partant, elle les exhorte à un renforcement de la concurrence dans les services, y voyant un levier pour une baisse de leurs coûts et une aide à la croissance. Concernant la France, au niveau des services, la Commission estime que peu de progrès ont été accomplis en 2012 et qu'aucune réforme horizontale n'a été engagée pour éliminer les restrictions qu'elle estime injustifiées dans les secteurs et professions réglementés. Pour sa part, la décision 216 du « rapport Attali » préconisait d'ouvrir largement l'accès aux professions juridiques délégataires d'une mission de service public. Or, s'agissant des huissiers de justice, leurs services - signification des actes de procédure, exécution des décisions de justice ainsi que des actes ou titres en forme exécutoire, établissement de constats - ne constituent pas une activité comme les autres et les justiciables ne peuvent être assimilés à des consommateurs face à des prestataires de services ordinaires. Ces officiers publics sont, en effet, chargés d'une mission de service public dans le domaine de l'administration de la justice. Quant au maillage territorial, il permet d'assurer un service public effectif pour toute la population. Il permet à chaque justiciable, quel que soit son lieu de résidence, de bénéficier des mêmes prestations indépendamment de sa situation de culture, de fortune ou de santé. Ce maillage doit être assuré de manière quantitative par une répartition géographique équilibrée des huissiers de justice sur le territoire mais aussi qualitative par la garantie pour le justiciable de recourir à un interlocuteur compétent. Ce serait un leurre que de penser qu'une libéralisation massive pourrait, à elle seule, être un gage de croissance et provoquer une stimulation de l'activité, celle-ci devant plutôt être considérée comme une résultante de la situation économique. La création inconsidérée d'offices entraînerait, d'une part, un risque de désertification des zones rurales et, d'autre part, des difficultés structurelles pour les huissiers de justice dont les tarifs, identiques pour l'ensemble de la profession, contribuent à conforter un effet redistributif tant au sein de chaque office qu'entre les offices. En conséquence, il y a nécessairement lieu de réaliser une analyse précise des spécificités de chaque profession avant de s'engager dans une éventuelle réforme qui, en tout état de cause, devrait préserver le service public rendu à nos concitoyens.