14ème législature

Question N° 3106
de M. Denis Baupin (Écologiste - Paris )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > énergie et carburants

Tête d'analyse > énergie nucléaire

Analyse > centrales nucléaires. Flamanville. sécurité.

Question publiée au JO le : 16/07/2015
Réponse publiée au JO le : 16/07/2015 page : 6701

Texte de la question

Texte de la réponse

NÉCESSITÉ D'UN DÉBAT PUBLIC SUR LA SÛRETÉ DE L'EPR


M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour le groupe écologiste.

M. Denis Baupin. Enfouir dans la croûte terrestre les déchets nucléaires les plus dangereux qui soient, est-ce vraiment cela l'excellence environnementale que la France propose au monde ? Ce débat, nous aurions aimé l'avoir ici, dans l'enceinte la plus démocratique de notre pays, un débat notamment sur le passionnant concept de réversibilité.

Nous regrettons donc profondément que ce projet, qui pose des questions éthiques mais aussi techniques, dont le coût est jugé astronomique et sur lequel l'Autorité de sûreté nucléaire et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire posent de graves questions aujourd'hui sans réponses quant à la sûreté, ait été entériné ainsi sans débat et sans vote.

Nous l'avons dit, nous souhaitons que le Conseil constitutionnel, que nous allons saisir sur le sujet, revienne sur ce cavalier législatif.

M. Bernard Accoyer. Étrangleur du nucléaire !

M. Denis Baupin. Cet épisode, après tant d'autres, confirme que le nucléaire reste trop souvent incompatible avec la transparence et le débat démocratique.

Nous en avons un nouvel exemple avec la cuve de Flamanville : une cuve dont la trop grande fragilité était connue dès 2006 a été installée au cœur même du réacteur le plus puissant du monde ! Le PDG d'EDF nous disait ce matin que son entreprise n'a été mise au courant de ces défauts que fin 2014, soit huit ans plus tard. Et il apparaît que des fragments issus des percements effectués sur le couvercle de cette cuve, et donc susceptibles de donner des informations cruciales sur son état, auraient disparu.

Madame la ministre de l'écologie, nous avons le droit et le devoir de savoir ce qui s'est réellement passé. C'est pourquoi ne demandons qu'une enquête administrative ou une commission d'enquête puisse faire toute la lumière.

Grâce à la loi de transition énergétique, nous nous apprêtons à ouvrir une nouvelle ère dans la stratégie énergétique de la France. Nous souhaitons que cette nouvelle ère soit aussi celle où la gouvernance nucléaire cesse enfin d'être une zone de quasi non-droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Baupin, la filière nucléaire est stratégique pour la France, pour le climat et pour notre sécurité d'approvisionnement en énergie.

M. Bernard Accoyer et M. Patrick Ollier. C'est vrai !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La refondation de la filière nucléaire impose – et Mme Ségolène Royal n'a eu de cesse de défendre cette vision – de lui donner la visibilité et la transparence nécessaires. Cela consiste d'abord à améliorer la compétitivité de nos acteurs et à s'assurer de leur coopération, conformément aux décisions du Président de la République du 3 juin dernier. De ce point de vue d'ailleurs, vous le savez pour y avoir pleinement participé, l'examen parlementaire de la loi de transition énergétique a permis de mener ce débat transparent, notamment pour ce qui concerne l'objectif de faire passer la part du nucléaire dans la production électrique de 75 % à 50 % à l'horizon 2025.

M. Bernard Accoyer. Stupidité !

M. Patrick Ollier. Irréaliste !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Cette refondation impose aussi de la visibilité sur les grands projets – c'est votre question. S'agissant d'abord de l'EPR de Flamanville, il s'agit d'un projet stratégique qui doit être mené à bien en répondant aux exigences de sûreté fixées par l'Autorité de sûreté nucléaire, à laquelle le Gouvernement renouvelle toute sa confiance. Des échanges approfondis sont en cours entre les industriels et l'Autorité de sûreté sur la cuve de l'EPR. Ils doivent se dérouler dans la confiance, et les résultats sont attendus pour le mois d'octobre.

Le stockage des déchets radioactifs est également un sujet majeur pour la filière. Les déchets nucléaires existent. Le choix de procéder au stockage en couche géologique profonde, en Meuse et dans la Marne, est un choix industriel national qui permet de garantir la sûreté sur le long terme et qui a fait l'objet d'un débat public en 2013. Je veux saluer les élus locaux qui, depuis des années, défendent ce projet. Il y a déjà un laboratoire, vous le savez aussi, qui permet d'obtenir des premiers résultats et d'approfondir les études de réalisation.

L'amendement relatif au stockage profond des déchets nucléaires, adopté dans la loi sur la croissance et l'activité, a été introduit par les sénateurs, puis retenu dans le texte final de la loi. Par cette mesure, il s'agit simplement de traduire l'engagement qui avait été pris dans la loi de 2006, c'est-à-dire de soumettre au Parlement les modalités de réversibilité du centre d'enfouissement des déchets nucléaires.

L'amendement prévoit donc que si des avancées technologiques majeures sont effectuées, les générations futures pourront non seulement arrêter le stockage en couche géologique profonde, mais aussi récupérer les déchets stockés pour les traiter différemment. Il tire les enseignements du débat public en détaillant le principe et l'organisation d'une phase pilote initiale.

Comme j'ai eu l'occasion de le rappeler, nous avons considéré qu'il fallait trancher, parce que c'était un enjeu d'intérêt national, avec des enjeux industriels et écologiques majeurs. Nous aurons, je n'en doute pas, l'occasion de rediscuter de ces questions essentielles, mais il fallait l'inscrire dans la loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et quelques bancs du groupe Les Républicains.)