14ème législature

Question N° 31694
de M. André Chassaigne (Gauche démocrate et républicaine - Puy-de-Dôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > État

Tête d'analyse > Conseil d'État

Analyse > contentieux. autorisation de mise sur le marché. produits phytopharmaceutiques.

Question publiée au JO le : 09/07/2013 page : 7047
Réponse publiée au JO le : 19/11/2013 page : 12135
Date de changement d'attribution: 23/07/2013

Texte de la question

M. André Chassaigne attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur le contrôle par la justice administrative des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. En effet, le décret n° 2010-164 du 22 février 2010, modifiant l'article R. 311-1 du code de la justice administrative, a retiré au Conseil d'État sa compétence pour ce qui concerne les actes dont le champ d'application s'étend au-delà d'un seul tribunal administratif. Ainsi, en réponse à une requête d'une association d'apiculteurs, le Conseil d'État a estimé le 5 octobre 2011 qu'il n'était plus compétent pour les recours concernant les autorisations de mise sur le marché (AMM) des pesticides agricoles. Cette évolution réglementaire a des conséquences négatives sur les procédures qui deviennent alors plus nombreuses, plus longues et plus coûteuses, alors que ce dossier sensible exigerait le contraire. Les décisions de justice pourraient être également moins cohérentes et éclairées sur les enjeux sanitaires et environnementaux qui s'étendent à l'ensemble du territoire. En outre, elles créeraient un flou, une diversité et une insécurité juridique préjudiciables aux acteurs administratifs, économiques et industriels concernés. Au regard du faible volume de ce contentieux et de l'importance des enjeux, il semblerait nécessaire de réattribuer au Conseil d'État sa compétence en matière de recours des AAM des produits phytopharmaceutiques : une telle démarche a d'ailleurs déjà été effectuée pour un autre type de contentieux, après un constat identique. Il le remercie de bien vouloir préciser son avis sur la question et lui demande ce que le Gouvernement compte faire pour corriger le cadre réglementaire régissant le domaine de compétence du Conseil d'État.

Texte de la réponse

Les tribunaux administratifs sont, depuis leur création par le décret du 30 septembre 1953, les « juges de droit commun » du contentieux administratif. Si des dérogations, prévoyant la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort dans plusieurs matières, ont été aménagées à cette date, il est apparu que le maintien de certaines d'entre elles ne se justifiait plus. Le décret n° 2010-164 du 22 février 2010 a ainsi notamment eu pour objet de redistribuer les compétences de premier ressort entre tribunaux administratifs et Conseil d'Etat. A cet égard, la compétence du Conseil d'Etat pour examiner les recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d'application s'étendait au-delà du ressort d'un seul tribunal administratif apparaissait essentiellement comme une réponse à une difficulté d'ordre technique, liée à l'identification du juge compétent au sein de la juridiction administrative, plus que juridique. En supprimant dans cette hypothèse la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d'Etat, le décret du 22 février 2010 a permis aux tribunaux administratifs de retrouver leur compétence « naturelle » sur le contentieux des autorisations ministérielles de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. En vertu des dispositions de l'article R. 312-10 du code de justice administrative, le tribunal administratif compétent pour connaître de ces décisions est celui dans le ressort duquel la société qui a déposé la demande d'autorisation de mise sur le marché a son siège. Le décret du 22 février 2010 a ainsi posé une règle simple d'identification du tribunal compétent, tout en permettant au Conseil d'Etat de se recentrer, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, sur ses missions de juge de cassation, ainsi que sur les matières dont la nature justifie qu'il statue directement en premier et dernier ressort. L'existence d'un double degré de juridiction, s'il conduit à allonger la chaîne contentieuse, constitue une garantie pour les différentes parties intéressées. Quant aux risques de divergence des jugements rendus, ils apparaissent d'autant plus limités que le volume du contentieux concerné est faible. En tout état de cause, le Conseil d'Etat est garant de l'unité de la jurisprudence administrative. L'article L. 113-1 du code de justice administrative permet à ce titre aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d'appel, dans certaines hypothèses, de transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat afin qu'il émette un avis dans un délai de trois mois sur la question soulevée. Dans ces conditions, la réattribution au Conseil d'État du contentieux des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques n'apparaît pas nécessaire.