Question de : M. Marc Le Fur
Côtes-d'Armor (3e circonscription) - Les Républicains

M. Marc Le Fur attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur les risques santé au travail développés par des comportements numériques addictifs. « La position assise que nos ordinateurs ou tablettes nous entraînent à adopter [...] augmente de moitié le risque de mourir prématurément » résume l'étude menée sur 800 000 personnes par les universités de Leicester et Loughborough publiée par Huffingtonpost le 29 mai 2013). Elle précise que « pour les seules maladies cardiovasculaires les risques sont multipliés par 2 et pour le diabète de type 2 par 2,5 ». Selon le cancérologue français Thierry Bouillet, une activité physique adaptée nous « permet de diminuer de 50 % le risque de rechute chez des patients atteints du cancer du sein, du côlon et de la prostate ». Rappelons que les seules maladies incriminées sont la cause du décès de 45 000 de nos concitoyens âgés de 15 à 75 ans et qu'elles sont les causes premières d'handicap telles la paralysie et la cécité. Dans le monde du travail, ces risques sont accentués : 34 % des salariés connectés vivent le stress du courriel (universités Glasgow et Paisley), le stress augmentant les risques cardiovasculaires de 23 % (INSERM). Ces risques évoluent à la vitesse du numérique : si le premier iphone a été commercialisé en 2007, en 2013 le nombre de lignes mobiles dépasse celui du nombre de Français (aujourd'hui 73,7 millions de lignes [ARCEP] pour 65,8 millions de Français [INSEE]). Les atouts du numérique (agrément, efficacité, relationnel nouveau, etc.) développent en contrepartie insidieusement les comportements addictifs : excès de temps passé derrière l'écran (attractif ou refuge), dépendances (ex. Infolisme) ou addictions telles celles aux réseaux sociaux ou aux jeux en ligne. Si une prévention spécifique aux risques des usages du numérique intégrant sa dimension addictive n'est pas rapidement développée dans le monde du travail, les risques santé vont dangereusement s'accroître. Il lui demande de préciser les mesures envisagées par le Gouvernement pour développer cette prévention des risques spécifiques aux usages numériques dans le monde du travail.

Réponse publiée le 24 décembre 2013

Les recherches menées dans le cadre du rapport sur « l'impact des technologies de l'information et de la communication (TIC) sur les conditions de travail'', coproduit par la direction générale du travail et le centre d'analyse stratégique en février 2012, ont permis d'identifier un certain nombre de risques liés aux usages du numérique dans le monde professionnel : - intensification du travail : L'exploitation de l'enquête statistique »changement organisationnel et informatisation (COI) 2006'' a mis en évidence un lien entre la densité de TIC en entreprise et l'intensification du travail. - perte d'autonomie, augmentation du contrôle : La même enquête a également démontré qu'un mauvais usage des TIC pouvait aboutir à une perte d'autonomie et une augmentation du contrôle dans le travail. Cela peut également conduire à un sentiment de perte de sens de l'activité. - intrusion de la vie professionnelle dans la vie privée : La diffusion de certains TIC, en particulier de la connexion à domicile, de l'ordinateur portable et du téléphone portable, a abouti à une intrusion notable de la vie professionnelle dans la vie privée pour certaines catégories de salariés. Il s'agit principalement des cadres pour lesquels le travail à domicile apparaît très répandu en soirée, durant les week-ends ou les congés. - surinformation : Le volume des échanges de données numérisées connaît une forte croissance. Cette tendance se traduit notamment par une augmentation des courriers électroniques échangés dans le cadre professionnel. Ce phénomène a deux impacts pénalisants. L'afflux d'informations peut poser un problème de saturation cognitive. D'autre part, l'utilisation de la messagerie électronique est réalisé selon un mode synchrone par la majorité des salariés ce qui provoque des interruptions fréquentes dans le travail, une difficulté à maintenir la concentration nécessaire à la bonne exécution des taches ainsi qu'une fatigue ressentie qui peut être importante. - risque pour certains collectifs de travail : certaines organisations de travail tayloriennes où les TIC sont particulièrement présentes peuvent créer un risque d'isolement des individus concernés et de réduction voire de disparition des collectifs de travail. En revanche, il n'a pas été constaté que les usages des TIC dans le monde professionnel pouvaient donner lieu à des comportements de type addictif ainsi que ce peut être le cas dans certaines activités privées comme les jeux en ligne ou les jeux vidéo. Si le recours excessif aux TIC peut être la conséquence d'une organisation du travail insuffisamment maitrisée voire défaillante, d'une tension liée à une relation individuelle au travail déséquilibrée ou d'un contexte professionnel marqué par des contraintes trop élevées, notamment pour ce qui concerne les délais, il ne s'agit pas, dans la plupart des cas, d'un symptôme d'une forme particulière d'addiction. Il est par ailleurs constaté que le temps d'utilisation quotidienne d'internet par les salariés au bureau s'accroit régulièrement. Certaines enquêtes l'estiment à près d'une heure par jour. Il est cependant difficile de séparer la durée des consultations du net liées à des raisons professionnelles et celle qui relève de la vie privée ou des loisirs. Pour les jeunes diplômés, une proportion très importante de ce temps passé sur internet est consacrée aux échanges sur les réseaux sociaux communautaires et en particulier sur Facebook. Cette catégorie de salariés indique que ce type de réseaux constitue désormais des outils de travail. Quelques travaux de recherche, encore très récents et non français, émettent des hypothèses sur les risques d'addiction pathologique liés à Facebook. Ils n'ont visé jusqu'à présent que des populations d'adolescents hors de tout contexte professionnel. Pour faire face aux risques liés aux TIC sur les conditions de travail, le rapport de la direction générale du travail (DGT) préconise un ensemble de recommandations destinées notamment aux acteurs de l'entreprise. Ces recommandations suivent trois axes distincts : - développer la maitrise des usages des TIC par les entreprises et faire du système d'information un outil d'aide au travail des salariés. - intégrer systématiquement les utilisateurs et les directions des ressources humaines (DRH) dans la définition des besoins et la conduite des projets et associer les représentants du personnel. - renforcer l'accompagnement des salariés face aux évolutions du système d'information. Ces recommandations sont destinées à concilier l'amélioration des conditions de travail et les gains de performance que les outils numériques peuvent permettre. Elles rejoignent les préoccupations de l'accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 sur la qualité de la vie au travail qui prévoit de ''Promouvoir une gestion intelligente des technologies de l'information et de la communication au service de la compétitivité des entreprises, respectueuse de la vie privée des salariés'' (Article 17).

Données clés

Auteur : M. Marc Le Fur

Type de question : Question écrite

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Ministère répondant : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Dates :
Question publiée le 9 juillet 2013
Réponse publiée le 24 décembre 2013

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