14ème législature

Question N° 33421
de M. Philip Cordery (Socialiste, républicain et citoyen - Français établis hors de France )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > famille

Tête d'analyse > mariage

Analyse > loi interne. droit international. conciliation.

Question publiée au JO le : 23/07/2013 page : 7706
Réponse publiée au JO le : 01/07/2014 page : 5634
Date de changement d'attribution: 03/04/2014
Date de renouvellement: 14/01/2014

Texte de la question

M. Philip Cordery interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'ouverture du mariage aux couples de même sexe en France. La circulaire du 29 mai 2013 précise que la nouvelle loi « permet d'écarter la loi personnelle et de célébrer le mariage entre personnes du même sexe dès lors que l'un des futurs époux est français ou a sa résidence en France ». Or il est impossible pour les couples homosexuels dont l'un ou les deux membres sont ressortissants d'Algérie, de Bosnie-Herzégovine, du Cambodge, du Kosovo, du Laos, du Maroc, du Monténégro, de Pologne, de Serbie, de Slovénie ou de Tunisie, de se marier. En effet, la France a signé avec ses pays des conventions bilatérales qui prévoient que la loi applicable aux conditions de fond du mariage est la loi personnelle. Ces conventions sont contraires à l'esprit du code civil que la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe a modifié, celui-ci stipule que « deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l'une d'elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l'État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet ». Il souhaiterait savoir si la France envisage de renégocier ces conventions pour que l'égalité acquise grâce à la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe soit accessible à tous.

Texte de la réponse

Aux termes de l'article 202-1 alinéa 1 du code civil issu de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, les conditions de fond du mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle. Toutefois, en application de l'article 202-1 alinéa 2 du même code, deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l'une d'elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l'Etat de résidence l'autorise. Cette disposition dérogatoire au droit commun permet d'écarter la loi personnelle du ressortissant étranger qui ne connaît pas ou interdit le mariage entre deux personnes de même sexe, et de célébrer, en France, ce mariage dès lors que l'un des époux est français ou a sa résidence en France. Elle illustre clairement la volonté d'assurer une efficacité et une application les plus larges possibles de la réforme du mariage. Il reste que la France est engagée avec différents pays par des conventions bilatérales portant, directement ou indirectement, sur la loi personnelle applicable au mariage. Les Etats concernés ne disposent, pour aucun d'entre eux, d'une législation autorisant l'union entre deux personnes de même sexe. Or, conformément à l'article 55 de la Constitution, les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés et publiés ont une autorité supérieure à la loi. Par conséquent, et comme le rappelle la circulaire du 29 mai 2013 publiée au bulletin officiel du ministère de la justice du 31 mai 2013, lorsqu'un ressortissant étranger a la nationalité d'un des pays avec lesquels la France est liée par une telle convention, les dispositions spécifiques prévues à l'article 202-1 alinéa 2 du code civil ne peuvent a priori, en l'état du droit positif, recevoir application. L'officier d'état civil qui est confronté à une telle situation, doit cependant interroger le procureur de la République compétent. Celui-ci vérifiera si la convention s'applique effectivement au mariage projeté et s'assurera de l'existence d'une stipulation renvoyant, en matière de statut personnel, à la loi nationale de chacun des ressortissants des parties contractantes. En effet, ces accords bilatéraux ne comprennent pas tous des dispositions identiques : si certains se prononcent expressément sur la loi applicable aux conditions de fond du mariage, d'autres rattachent de façon plus générale la situation du Français à sa loi personnelle, sans évoquer expressément la situation du ressortissant du pays cocontractant. L'examen plus approfondi du texte de ces accords pourrait donc conduire à lever, pour certains d'entre eux, le problème de compatibilité avec les dispositions de la loi du 17 mai 2013. En tout état de cause, lorsque le procureur est saisi d'un refus de célébration du mariage et confirme cette décision, les personnes intéressées disposent de la possibilité de la contester devant le tribunal de grande instance compétent. Il appartiendrait alors aux juridictions judiciaires d'apprécier si la loi étrangère désignée par l'application desdites conventions devrait être écartée en raison de sa contrariété à l'ordre public international français et d'autoriser la célébration du mariage en France. Enfin, s'agissant d'une éventuelle renégociation de tout ou partie de ces conventions, il convient de conserver à l'esprit que ces textes constituent d'abord un cadre protecteur des intérêts des ressortissants français à l'étranger. Ainsi, en matière de mariage, le principe du rattachement à la loi personnelle de chaque époux permet, entre autre, de protéger les ressortissants français qui se marient à l'étranger devant une autorité locale par l'exigence du respect des conditions prévues par la loi française (la comparution personnelle lors de la célébration du mariage, l'âge légal minimum, la prohibition de la bigamie, la nécessité d'un consentement libre et éclairé et d'une intention matrimoniale notamment). Ces accords ont en outre souvent un champ d'application plus vaste que la seule question de la loi personnelle applicable au mariage (ils peuvent par exemple contenir des stipulations relatives à l'entraide judiciaire en matière civile et/ou pénale. Or, depuis l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam, la première relève en principe exclusivement de la compétence de l'Union européenne et non plus de celle des Etats membres). Enfin, une éventuelle réouverture des discussions sur ces textes conduirait naturellement et légitimement nos partenaires à solliciter la remise en cause d'un certain nombre des dispositions avantageuses négociées dans des contextes bien particuliers.