14ème législature

Question N° 33422
de M. Luc Belot (Socialiste, républicain et citoyen - Maine-et-Loire )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > famille

Tête d'analyse > obligation alimentaire

Analyse > créances. recouvrement.

Question publiée au JO le : 23/07/2013 page : 7706
Réponse publiée au JO le : 01/07/2014 page : 5634
Date de changement d'attribution: 03/04/2014

Texte de la question

M. Luc Belot attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, concernant les personnes divorcées élevant seules leurs enfants sans versement de pensions alimentaires. En effet, beaucoup de femmes et d'hommes sont confrontés à un non-versement des pensions alimentaires de leur ex-conjoint pourtant préalablement notifiées par le juge. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) préconise la création d'une agence de recouvrement des pensions alimentaires pour soulager les familles monoparentales. Il souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur cette préconisation et les mesures qu'il compte prendre pour faire respecter les décisions prises par la justice.

Texte de la réponse

Dans une étude du Conseil économique et social du mois de février 2013, intitulée « Femmes et précarité », réalisée au nom de la délégation aux droits des femmes, il est rappelé qu'une proposition de loi avait en 2011 proposé la création d'une telle agence. L'étude indique que si une telle agence tendrait à faciliter la vie des familles isolées, elle ne résoudrait toutefois qu'une partie du problème dans la mesure où il existe de nombreux impayés pour insolvabilité du débiteur. En novembre 2013, le Conseil économique et social a également rendu un avis, intitulé : « Les évolutions contemporaines de la famille et leurs conséquences en matière de politique publique », dans lequel le Conseil remarque que les procédures permettant le recouvrement des pensions alimentaires sont déjà complètes et que la difficulté réside plus dans un manque d'information des familles sur ce point. A cet égard, un créancier d'aliments dispose déjà de nombreux outils lui permettant de faire exécuter une décision de justice ayant prévu le versement d'une pension alimentaire et donc de recouvrer celle-ci en cas d'impayé. Tout d'abord, il convient de rappeler que, d'une manière générale, toute personne détenant un titre exécutoire, notamment un jugement, peut faire procéder à des mesures d'exécution forcée sur les biens de son débiteur. Ainsi, il est toujours possible, par exemple, de faire procéder à une saisie des rémunérations. Le créancier doit solliciter auprès du tribunal d'instance l'autorisation de pratiquer la saisie entre les mains de l'employeur ou du tiers débiteur de la rémunération (pension de retraite, indemnité de chômage, etc.) qu'il doit verser au débiteur. Le juge convoque alors le débiteur et le créancier à une audience pour une conciliation. Si les parties ne parviennent pas à un accord sur les modalités de paiement de l'arriéré ou que le débiteur ne se présente pas, le juge ordonne la saisie et le tiers saisi verse tous les mois la fraction saisissable de la rémunération soit entre les mains du créancier s'il n'y en n'a qu'un, soit entre les mains du greffe du tribunal qui redistribue entre les créanciers, s'il y en a plusieurs. Cette procédure ne peut porter que sur un arriéré de pension alimentaire, sans limitation de durée, sauf les règles relatives à la prescription, et non sur les termes courants. Il est également possible de faire procéder à une saisie-attribution par un huissier de justice. Cette procédure permet de saisir une créance du débiteur entre les mains de son propre débiteur (par exemple entre les mains d'un établissement bancaire). Cette mesure emporte un effet d'attribution immédiate des fonds détenus par le tiers saisi au profit du créancier. La saisie-vente est également possible. Cette mesure a pour objet la saisie des biens meubles appartenant au débiteur (télévision, voiture, tableau...). Elle rend le bien indisponible et il peut ensuite être procédé à la vente des biens, soit à l'amiable, soit de manière forcée, aux enchères publiques. Il existe ensuite des procédures propres au recouvrement des pensions alimentaires. Ainsi, le paiement direct de la pension alimentaire permet, en cas de non paiement d'une seule échéance de pension fixée par décision de justice, au créancier d'aliments de demander à un huissier de justice de notifier, selon une procédure simplifiée, au tiers saisi (employeur, établissement bancaire ou tout tiers débiteur du débiteur d'aliments) une mesure de saisie. Celui-ci est alors tenu de verser entre les mains de l'huissier le montant de la pension alimentaire. Cette procédure est possible pour le recouvrement des six derniers mois d'arriérés de pension (dont le recouvrement est alors étalé sur douze mois au plus), et permet également le recouvrement de la pension en cours. Le créancier d'aliments qui use de la procédure de paiement direct passe avant les autres créanciers puisqu'elle a un effet d'attribution immédiate au saisissant. Par ailleurs, lorsque les procédures d'exécution précitées ne fonctionnent pas, le créancier d'aliments peut s'adresser au procureur de la République pour qu'il mette en oeuvre une procédure de recouvrement public par le biais d'un comptable public. Les procédures utilisées pour le recouvrement de certains impôts peuvent donc être appliquées par l'administration en ce cas pour le compte du créancier d'aliments. Enfin, il est prévu l'aide des organismes débiteurs de prestations familiales pour le recouvrement des pensions alimentaires. En effet, le code de la sécurité sociale prévoit que le créancier d'une pension alimentaire au bénéfice d'enfants, peut, sous certaines conditions et dans certains cas, obtenir l'aide des organismes débiteurs de prestations familiales pour le recouvrement de celle-ci. Lesdits organismes, selon qu'ils ont versé ou non une prestation qui compense le non-versement de la pension alimentaire en question, sont subrogés dans les droits du créancier, ou agissent sinon simplement sur son mandat. Ces organismes peuvent utiliser les voies d'exécution telles que décrites ci-dessus, en ce compris la procédure de recouvrement public, et en ce dernier cas, il est prévu une simplification de ladite procédure, notamment en ce qu'elle ne transite pas par le procureur de la République. Le projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes, actuellement en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, prévoit d'ailleurs une expérimentation pour améliorer le recouvrement par les organismes débiteurs de prestations familiales des pensions ainsi avancées. D'une manière générale également, tant les huissiers de justice que les organismes débiteurs de prestations familiales ont un large pouvoir d'interrogation des administrations notamment pour qu'elles fournissent des données relatives à la localisation du débiteur et de ses biens. Par ailleurs, il est envisagé de modifier le décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale afin de dispenser le créancier d'aliments de tout paiement ou d'avance de frais d'exécution, et d'augmenter une partie de ces frais à la charge du débiteur d'aliments afin de l'inciter à régler volontairement et rapidement sa dette. Si la réflexion autour du recouvrement des pensions alimentaires reste un sujet de préoccupation pour le ministère de la justice et pour le gouvernement en son entier, eu égard au projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes aux réflexions en cours au sein du haut- commissariat à la famille notamment, il n'apparait pas dans l'immédiat que la création d'une telle agence résoudrait toutes les difficultés posées autour de cette problématique.