14ème législature

Question N° 3551
de Mme Cécile Duflot (Écologiste - Paris )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > transports aériens

Tête d'analyse > aéroport de Notre-Dame-des-Landes

Analyse > avancement du projet. perspectives.

Question publiée au JO le : 27/01/2016
Réponse publiée au JO le : 27/01/2016 page : 564

Texte de la question

Texte de la réponse

SITUATION À NOTRE-DAME-DES-LANDES


M. le président. La parole est à Mme Cécile Duflot, pour le groupe écologiste.

Mme Cécile Duflot. Monsieur le Premier ministre, c'est avec gravité que je m'adresse à vous aujourd'hui sur un sujet qui a à voir avec la conception du progrès écologique de notre pays.

La justice a confirmé hier des expulsions sur la zone prévue pour la construction de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Guy Geoffroy. Très bien !

Mme Cécile Duflot. Onze familles et quatre agriculteurs devraient ainsi quitter les lieux au plus tard le 26 mars. Le temps m'oblige à passer rapidement sur le drame humain que constitue pour les personnes concernées l'arrachement à une terre qu'elles cultivent parfois depuis cinq générations et qui représente tout pour elles.

Aucune préoccupation d'intérêt général ne légitime plus la construction d'un aéroport dont le projet date de 1963. Chacun le sait aujourd'hui, ce projet symbolise pour nos compatriotes l'entêtement aveugle et vain à promouvoir de grands projets inutiles.

Chacun sent bien que ce qui se joue dépasse le simple cadre de Notre-Dame-des-Landes. Ce projet d'aéroport est désormais la preuve du retard démocratique français, de l'obstination technocratique et de la négation de l'écologie.

Quelques semaines après la COP21, c'est une ardente obligation que d'ouvrir un chemin nouveau pour notre pays. Il existe un projet alternatif et moins coûteux. La rénovation et la modernisation de l'aéroport Nantes-Atlantique sont une solution – une étude indépendante peut le montrer.

Pourquoi dès lors, monsieur le Premier ministre, ne pas renoncer à ce projet ? Le Président de la République, François Hollande, déclarait en direct à la radio, le 5 janvier 2015, que tant que les recours n'étaient pas épuisés, le projet ne pouvait être lancé.

M. Christian Jacob. Il ne fallait pas voter pour lui !

Mme Cécile Duflot. À ce jour, plus de dix-sept recours courent toujours, y compris au niveau européen. Ils portent notamment sur les lois relatives à l'eau et à la biodiversité.

Ma question est donc simple. Pouvez nous confirmer ici, monsieur le Premier ministre, que vous ne trahirez pas la parole du Président de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Interruptions sur les bancs du groupe Les Républicains.) Je vous en prie, on écoute la réponse !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la présidente, en tant que présidente d'un groupe et puisque vous m'interpellez, il est normal que je vous réponde.

Mme Claude Greff. Vous ne répondez qu'aux présidents de groupe ?

M. Bernard Accoyer. Il lui répond parce qu'elle appartient à la majorité !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le tribunal administratif de Nantes, ainsi que vous venez de le dire, a rejeté en juillet dernier l'ensemble des recours déposés contre les arrêtés préfectoraux autorisant le lancement des travaux du futur aéroport du Grand Ouest à Notre-Dame-des-Landes.

M. Guy Geoffroy. Est-ce que le projet va décoller ?

M. le président. S'il vous plaît !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Cette décision a confirmé que le projet était parfaitement conforme au droit et que les procédures encadrant la réalisation des projets d'infrastructures avaient été respectées. C'est dans ce cadre que le tribunal de grande instance de Nantes vient d'autoriser l'expulsion des derniers occupants du site.

Vous le savez, il ne m'appartient pas de commenter une décision de justice. Et s'il y a quelque chose qu'il ne faut pas trahir, madame la présidente, c'est le respect de la justice. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe Les Républicains.) On ne peut en permanence en appeler au droit et, dès qu'une décision de justice est prise, la contester.

M. Guy Geoffroy et M. Christian Estrosi. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La réalisation du projet, déclaré d'utilité publique en 2008, a donc repris son cours normal. Par ailleurs, et vous le savez, les marchés pour les travaux de débroussaillage de la future voie de desserte de Notre-Dame-des-Landes ont été attribués en fin d'année.

Madame Duflot, les collectivités locales ont unanimement salué cette nouvelle étape, attendue, logique et utile pour l'ouest de la France – je reprends leurs propres termes. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Je le rappelle, ce projet est soutenu par l'ensemble des collectivités locales.

M. Maurice Leroy. Exactement.

M. Manuel Valls, Premier ministre. De qui s'agit-il, madame Duflot ? Du président du conseil départemental, du président du conseil régional, qui a la même position que son prédécesseur, de la maire de Nantes, de plusieurs parlementaires, de l'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault - je rappelle que vous étiez membre de son gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)

Ont-ils tort, madame Duflot ? Connaissent-ils moins bien que vous la réalité du terrain et les attentes de l'économie dans ce secteur ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, ainsi que sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)

M. Marc Le Fur. Il fait aussi bien que Macron !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame Duflot, je le dis avec la plus grande sérénité, vous avez, à juste titre, évoqué ce que peut représenter pour des agriculteurs, en l'espèce peu nombreux, l'arrachement à une terre. Mais j'aurais également aimé entendre dans votre question des mots à l'égard de ces citoyens qui vivent un enfer, qui vivent sous la menace permanente d'un certain nombre d'individus… (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, ainsi que sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants)

M. Michel Herbillon. Des individus irresponsables !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …que je ne confonds pas avec les écologistes sincères qui s'opposent à ce projet. (Mêmes mouvements.)

Mais dans un État de droit, les décisions doivent être respectées. Il s'agit de citoyens comme les autres. Certes, des pétitions circulent. Mais, oui, ce projet est nécessaire au Grand ouest pour des raisons économiques. Il doit se poursuivre dans le respect des procédures, du cadre défini par l’Union européenne, mais il doit avancer.

Il y aura du reste un rendez-vous, à l'automne prochain. C'est à ce moment-là que toutes les décisions devront être prises en vue d'une avancée décisive. Au-delà et nous le savons tous, cela ne serait pas possible.

Pour moi, respecter la parole du Président de la République est conforme à l'idée que je me fais de l'État de droit et des attentes des citoyens. Avançons sur ce projet : c'est cela aussi, respecter la parole. (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)