14ème législature

Question N° 3625
de M. Christophe Bouillon (Socialiste, républicain et citoyen - Seine-Maritime )
Question écrite
Ministère interrogé > Écologie, développement durable et énergie
Ministère attributaire > Écologie, développement durable et énergie

Rubrique > environnement

Tête d'analyse > protection

Analyse > fonds de compensation pour la biodiversité. bilan et perspectives.

Question publiée au JO le : 04/09/2012 page : 4874
Réponse publiée au JO le : 14/01/2014 page : 417
Date de changement d'attribution: 03/07/2013

Texte de la question

M. Christophe Bouillon interroge Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur le développement de banques de compensation. Apparue dans les années 1970 aux États unis d'Amérique ces banques représentent aujourd'hui 26 % des mesures compensatoires effectuées dans ce pays. Il s'avère cependant que le système comporte quelques failles notamment du point de vue des contrôles, jugés insuffisants selon une étude du National research council, ou de la qualité des compensations, les zones humides des milieux urbanisés étant le plus souvent simplement « déplacées » vers les zones rurales où la pression foncière est moindre, réduisant ainsi la véritable mission de compensation octroyée aux banques. À l'heure où la France étudie avec attention le système des banques de compensation, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quels sont les retours d'expériences menées par la caisse des dépôts et consignations au travers de son fonds de compensation pour la biodiversité et si elle dispose déjà d'indication quant au type de système que la France pourrait adopter pour s'assurer du bon fonctionnement et de la qualité des prestations des banques de compensation.

Texte de la réponse

L'article 2 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature introduit en droit français le principe de compensation en matière d'environnement, issu du triptyque « éviter, réduire, compenser » (ERC). Les mesures compensatoires sont des actions écologiques, par exemple la restauration de mares ou de prairies, permettant de contrebalancer les pertes de biodiversité dues à des projets d'aménagement (autoroutes, parcs éoliens, lotissements, etc.), lorsque celles-ci subsistent malgré les efforts entrepris par les aménageurs pour les éviter et les réduire La mise en oeuvre des mesures compensatoires est jugée améliorable notamment en termes de méthodologie et de suivi. Le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a ainsi présenté, en septembre 2012, la doctrine française relative à la séquence « éviter, réduire, compenser les impacts sur le milieu naturel » destinée aux porteurs de projets et aux services de l'État et a publié le 2 octobre 2013 des lignes directrices nationales sur le sujet. L'expérimentation d'offre de compensation actuellement en cours en France consiste pour un opérateur à anticiper la demande potentielle de compensation, en particulier dans des territoires où la pression sur les milieux est forte. L'opérateur acquiert et restaure des terrains par des actions de long terme générant une additionnalité écologique réelle et mesurable, dans la perspective de valoriser ultérieurement ces actions au titre de la compensation auprès de maîtres d'ouvrage ayant l'obligation de mettre en oeuvre des mesures compensatoires. L'offre de compensation n'exonère pas les porteurs de projet de mettre en oeuvre prioritairement les actions d'évitement des impacts, puis de réduction. Les projets pouvant faire appel à une offre de compensation donnée sont ceux dont les obligations de compensation correspondent aux actions des opérateurs. L'opération expérimentale et le lieu du projet à compenser doivent être fonctionnellement liés du point de vue écologique. Elle n'exonère pas non plus la puissance publique de sa responsabilité de mettre en oeuvre, par ailleurs, les politiques de préservation et de restauration des espèces, les habitats et les milieux qui sont nécessaires. En 2008, une première opération d'offre de compensation a été initiée par la caisse des dépôts et consignations (CDC Biodiversité) sur le site de Cossure en région PACA. Sur la base du retour d'expérience de l'opération Cossure, un nouvel appel à projet lancé en 2011 vise à autoriser le lancement de plusieurs nouvelles opérations. Cette expérimentation a pour objectif d'étudier la pertinence et la faisabilité du mécanisme d'offre de compensation à partir de plusieurs opérations représentatives d'une diversité d'habitats, d'espèces et de régions et de plusieurs modèles économiques (chaque opérateur ayant proposé un modèle différent). Les critères de sélection des opérations expérimentales ont été nombreux. Elles doivent concerner des secteurs soumis à une pression d'aménagement potentielle forte (anticipation de la demande), les opérations devront servir à plusieurs projets principalement de petite taille (afin de garantir un effet de mutualisation). Les opérations doivent être additionnelles aux politiques publiques et être pertinentes au regard des principes d'additionnalité et d'équivalence écologique et territoriale. Enfin le ministère a veillé à ce que ces opérations s'appuient sur un comité local. Le recours à ces opérations n'est pas obligatoire, chaque maître d'ouvrage ayant le choix d'y recourir ou de se charger lui-même de mettre en place les mesures compensatoires auxquelles il est astreint. L'enjeu de cette expérimentation est fort. Il s'agit notamment de tester les risques potentiels de cet outil : l'effet d'appel d'air de l'offre de compensation (« droit à détruire »), les difficultés à respecter le principe d'équivalence en termes écologique et géographique (les mesures compensatoires n'étant pas faites sur mesure pour chaque projet) et les risques de « zonage » entre zones urbaines et naturelles. De plus, avant tout développement de cet outil sur le territoire national, il convient d'encadrer son marché dans sa phase expérimentale pour vérifier s'il répond à des exigences d'équité et de transparence. L'objectif des opérations expérimentales est aussi d'étudier la faisabilité de la mise en place et du maintien dans le temps de propriétés foncières (sites préservés ou reconstitués), mobilisables au titre de la compensation. Ainsi, il s'agit d'une double expérimentation. Tout d'abord est analysé la pertinence et l'intérêt du mécanisme. Sa pertinence est appréciée au regard des avantages et des risques identifiés mais aussi de l'opération écologique. Est également évalué l'intérêt de la mutualisation et de l'anticipation de la compensation pour mener des actions efficaces et pérennes. Pour chaque opération expérimentale, une convention particulière précise les conditions d'éligibilité de l'offre de compensation au regard des particularités écologiques des territoires expérimentaux. Les conventions sont en cours de signature pour les quatre opérations retenues dans le cadre de l'appel à projet. Cette expérience devrait être opérationnelle d'ici janvier 2014. Les conclusions de ces opérations expérimentales devraient permettre d'ici quelques années de proposer une appréciation objective sur l'offre de compensation.