14ème législature

Question N° 36513
de M. André Chassaigne (Gauche démocrate et républicaine - Puy-de-Dôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > consommation

Tête d'analyse > pratiques commerciales

Analyse > abus de faiblesse. personnes vulnérables.

Question publiée au JO le : 03/09/2013 page : 9182
Réponse publiée au JO le : 10/12/2013 page : 12969

Texte de la question

M. André Chassaigne attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la protection des personnes vulnérables victimes financièrement de sociétés ou de particuliers. En effet, de nombreuses personnes âgées souffrant de problèmes de santé, qui vivent seules chez elles ou en établissement, sont parfois abusées par des sociétés, qui leur font miroiter des gains financiers ou des cadeaux. Par des relances et des harcèlements téléphoniques ou écrits, ces personnes vulnérables succombent à la pression ou aux artifices utilisées pour emporter leur décision, et sont victimes d'escroqueries ou de ventes abusives. Dans ces conditions, il semblerait nécessaire de prémunir ces personnes vulnérables, soufrant parfois d'addiction, contre les agissements de telles personnes morales ou physiques. Il lui demande son avis et lui demande quelles décisions elle compte prendre pour protéger ces personnes vulnérables.

Texte de la réponse

La loi prévoit plusieurs dispositifs permettant de protéger les personnes vulnérables contre les agissements des personnes morales ou physiques qui, par la promesse de gains financiers ou de cadeaux, voire par un harcèlement écrit ou téléphonique, leur font contracter des engagements contraires à leurs intérêts. Tout d'abord, l'article 1111 du code civil énonce que la violence exercée contre celui qui a contracté l'obligation est une cause de nullité du contrat. Conformément à l'article 1112 du même code, des faits de violence pourraient ainsi permettre d'annuler le contrat et d'allouer, à la victime, des dommages-intérêts, dès lors qu'ils sont de nature à faire « impression sur une personne raisonnable », et peuvent lui « inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent », peu important qu'ils aient été dirigés contre le cocontractant ou l'un de ses proches. En outre, toute manoeuvre, qu'elle consiste en un acte positif ou en l'omission volontaire de dévoiler un fait qu'on a l'obligation de révéler, peut constituer, dès lors qu'elle a induit une personne en erreur pour la décider à conclure un contrat, un dol au sens de l'article 1116 du code civil, et être sanctionnée par la nullité du contrat et l'allocation de dommages-intérêts. Ces dispositions trouvent notamment à s'appliquer en cas d'infraction au code de la consommation. En effet, l'article L. 120-1 du code de la consommation prohibe les pratiques commerciales déloyales, c'est-à-dire celles qui sont contraires aux exigences de la diligence professionnelle et qui altèrent ou sont susceptibles d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il s'agit tout d'abord des pratiques dites « trompeuses » (article L. 121-1 à L. 121-7 du code de la consommation), c'est-à-dire celles qui contiennent ou véhiculent des éléments faux susceptibles d'induire en erreur le consommateur moyen ou bien des éléments vrais mais présentés de telle façon qu'ils conduisent au même résultat. Ces pratiques sont principalement punies par un emprisonnement de deux ans et une amende de 37.500 euros. Sont en outre passibles d'une peine d'emprisonnement de deux ans et d'une amende de 150.000 euros les pratiques dites « agressives » (article L.122-11 et suivants du code de la consommation) qui impliquent des sollicitations répétées ou l'utilisation de moyens de contrainte physique ou morale, et aboutissent à une altération ou possible altération de la liberté de choix du consommateur. L'article L. 122-8 du code de la consommation sanctionne également l'abus de faiblesse d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 9.000 euros d'amende. Les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont habilités à rechercher et à constater ces infractions, qui peuvent donner lieu à diverses peines complémentaires telles que la publication du jugement et la diffusion, aux frais du condamné, d'une ou plusieurs annonces rectificatives. Dans tous les cas, le juge apprécie les faits in concreto, en considération notamment de l'âge et de la condition de la victime, ce qui permet bien de prendre en compte le cas particulier des personnes âgées ou sous l'emprise d'une addiction. Preuve que la répression de tels agissements est une préoccupation constante du Gouvernement, le projet de loi relatif à la consommation, en cours d'examen au Parlement, propose notamment de porter le montant maximal de l'amende encourue à 300.000 euros (375.000 euros pour l'abus de faiblesse), voire 10 % du chiffre d'affaires réalisé lors de l'exercice précédent. Le dispositif de protection des personnes vulnérables étant ainsi en passe d'être renforcé, il n'apparaît pas utile de prévoir de nouvelles dispositions qui n'apporteraient rien au regard du dispositif existant, si ce n'est en clarifiant les solutions dégagées par la jurisprudence, par exemple en consacrant un vice du consentement dit de « violence économique » qui permettra de mieux sanctionner le comportement d'une partie qui abuserait de la situation de faiblesse de l'autre pour lui faire prendre, sous l'empire d'un état de nécessité ou de dépendance, un engagement qu'elle n'aurait pas contracté sans cette contrainte. Telle est l'option privilégiée par le ministère de la justice dans le cadre de la présentation de l'avant projet de loi habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnance visant notamment à moderniser le droit des contrats.