politique de l'éducation
Question de :
M. Éric Straumann
Haut-Rhin (1re circonscription) - Les Républicains
M. Éric Straumann interroge M. le ministre de l'éducation nationale sur les modalités de mise en oeuvre en Alsace-Moselle de l'affichage de la charte de la laïcité dans tous les établissements scolaires publics programmée pour la fin septembre 2013, ainsi que l'instauration à partir de 2015 d'une heure de morale laïque pour les écoliers et collégiens. Le régime concordataire reconnaît et organise les cultes catholique, luthérien, réformé et israélite. Une décision du Conseil d'État du 24 janvier 1925 déclare que la loi du 18 germinal an X appliquant le concordat de 1801 est toujours en vigueur dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. Ce régime a été conforté par une décision du 21 février 2013 par le Conseil constitutionnel qui le qualifie de tradition républicaine observée par tous les gouvernements depuis 1919, la Constitution de la Ve République n'ayant pas non plus « entendu remettre en cause les dispositions législatives ou réglementaires particulières applicables dans plusieurs parties du territoire de la République lors de l'entrée en vigueur de la Constitution et relatives à l'organisation de certains cultes ». Ainsi les cultes précités sont enseignés à l'école primaire et au collège d'Alsace et Moselle. L'affichage d'une charte de laïcité et le mise en oeuvre d'un heure de morale laïque sont donc susceptibles de poser de difficultés pratiques dans ces départements.
Réponse publiée le 7 janvier 2014
Par un avis du 24 janvier 1925 (n° 188.150, Sections réunies de la Législation, de la Justice et des Affaires étrangères et de l'Intérieur, de l'Instruction publique et des Beaux-Arts) le Conseil d'Etat a estimé que le régime concordataire était toujours en vigueur dans les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin - formant la région Alsace - ainsi que dans le département de la Moselle. En matière d'enseignement, les dispositions particulières qui résultent de ce régime y sont donc toujours applicables, comme le prévoit l'article L. 481-1 du code de l'éducation et comme l'a rappelé le Conseil d'Etat dans sa décision du 6 juin 2001 (CE, archevêque de Strasbourg, n° 224053, 224138, 224255 et 224326). Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 21 février, après avoir rappelé que le principe de laïcité figure au nom des droits et libertés que la Constitution garantit, a précisé « [qu'] il ressort tant des travaux préparatoires du projet de la Constitution du 27 octobre 1946 relatifs à son article 1er que de ceux du projet de la Constitution du 4 octobre 1958 qui a repris la même disposition, qu'en proclamant que la France est une "République laïque", la Constitution n'a pas pour autant entendu remettre en cause les dispositions législatives ou réglementaires particulières applicables dans plusieurs parties du territoire de la République lors de l'entrée en vigueur de la Constitution et relatives à l'organisation de certains cultes (...) ». Le Conseil constitutionnel avait également considéré, dans sa décision du 5 août 2011 (CC, n° 2011-157 QPC), « qu'à défaut de leur abrogation ou de leur harmonisation avec le droit commun, ces dispositions particulières ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d'application n'est pas élargi ». La charte de la laïcité constitue un outil au service de la « pédagogie de la laïcité » que le ministère de l'éducation nationale a décidé de mettre en place dans l'ensemble des établissements scolaires publics. Elle réaffirme le principe de la laïcité de la République ainsi que le principe de la laïcité de l'école tel qu'il résulte du 13e alinéa du Préambule de la Constitution, lesquels sont garantis sur tout le territoire de la République, et expose les droits et devoirs qui en découlent. La charte, qui rappelle ainsi le droit, ne crée pas d'obligation nouvelle et son affichage dans les établissements scolaires d'Alsace-Moselle n'est pas de nature à remettre en cause la particularité du droit local en matière scolaire caractérisée par l'obligation pour l'Etat d'offrir un enseignement religieux pendant le temps scolaire. A cet égard, si sur le fondement du droit local demeuré applicable, les familles qui le souhaitent peuvent faire bénéficier leurs enfants d'un enseignement religieux dispensé par des personnes rémunérées par l'Etat, les autres enseignants que ceux qui dispensent l'enseignement religieux sont tenus à l'obligation de stricte neutralité vis-à-vis des élèves rappelée par le 11e point de la charte. C'est également sans contradiction avec le droit local propre à l'Alsace-Moselle que les principes tels que la liberté de conscience, cité au 3e point de la charte, ou la lutte contre tout prosélytisme, mentionnée au 6e point, s'appliquent à tous les élèves. Ils sont d'ailleurs les corollaires de la constitutionnalité de l'enseignement religieux qui y est dispensé puisque les élèves peuvent s'y soustraire à tout moment, à leur demande ou à celle de leurs représentants légaux, comme le prévoit l'article D. 481-5 du code de l'éducation. L'enseignement moral et civique, pour sa part, fera partie des enseignements obligatoires dispensés sur tout le territoire. Il s'ajoutera, pour les élèves dispensés d'enseignement religieux, au complément d'enseignement moral prévu à l'article D. 481-6 du code de l'éducation.
Auteur : M. Éric Straumann
Type de question : Question écrite
Rubrique : Enseignement
Ministère interrogé : Éducation nationale
Ministère répondant : Éducation nationale
Dates :
Question publiée le 3 septembre 2013
Réponse publiée le 7 janvier 2014