14ème législature

Question N° 36925
de M. Gilles Lurton (Union pour un Mouvement Populaire - Ille-et-Vilaine )
Question écrite
Ministère interrogé > Écologie, développement durable et énergie
Ministère attributaire > Écologie, développement durable et énergie

Rubrique > mer et littoral

Tête d'analyse > protection

Analyse > gestion durable. rapport. propositions.

Question publiée au JO le : 10/09/2013 page : 9393
Réponse publiée au JO le : 26/08/2014 page : 7174
Date de changement d'attribution: 03/04/2014

Texte de la question

M. Gilles Lurton appelle l'attention de M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la question de la gouvernance et des moyens pour une gestion durable des océans. Une partie des richesses marines sont déjà exploitées, et pourtant, elles demeurent peu ou mal connues. 5 % seulement des océans ont été explorés de manière systématique. Alimentation, ressources biologiques, pharmaceutiques, minéraux, pétrole, énergies marines..., les perspectives qu'offre leur valorisation sont immenses. La France, présente dans toutes les régions océaniques du globe grâce à ses outre-mer, possède le deuxième espace maritime après celui des États-unis. Les activités économiques en mer se développent, certaines offrent des perspectives nouvelles comme les énergies marines renouvelables ou les biotechnologies. En France, l'économie maritime représente un chiffre d'affaires estimé à 70 milliards d'euros et génère plus de 450 000 emplois directs. Si la maritimisation du monde est en marche, l'ampleur des impacts subis par les océans ne cesse en revanche d'inquiéter. Or le cadre de la gouvernance des océans est complexe et inachevé, en particulier en haute mer, où aucun texte ne protège la biodiversité de manière spécifique. Il est aujourd'hui nécessaire de promouvoir une nouvelle gouvernance et un nouveau cadre des activités humaines, garant d'une exploitation durable des océans. À ce titre, un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) recommande de poursuivre et de renforcer l'effort de recherche sur la mer. Dans cette perspective, il propose de développer les partenariats entre la recherche et les différents acteurs. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer la position du Gouvernement à ce sujet.

Texte de la réponse

La France est investie d'une responsabilité particulière dans la gouvernance des océans. En effet, l'étendue et la variété des espaces maritimes placés sous sa souveraineté justifient, en raison même des richesses et des possibilités nouvelles d'exploitation qu'ils offrent, la refondation de leur gouvernance. Celle ci s'inscrit dans la perspective d'une nouvelle stratégie pour la mer et pour le littoral, prenant pleinement en compte les enjeux cités. Les travaux préparatoires sont d'ores et déjà engagés pour permettre à la France de bénéficier d'une meilleure coordination dans les politiques publiques conduites sur ces espaces, dans une perspective de développement durable. Lors de la table-ronde consacrée à la biodiversité marine, la mer et les océans de la deuxième conférence environnementale de septembre 2013, il a été souligné que l'interface terre mer impactait fortement le bon fonctionnement des écosystèmes marins et littoraux, et notamment que les pollutions telluriques pesaient gravement sur l'état des milieux marins. La France est très active sur ces thèmes, tant aux niveaux national qu'européen ou international. Au niveau national, elle met en place des plans d'action ciblés, afin de lutter contre certains types de pollutions, comme le plan d'action contre les micro-polluants, le plan médicaments, ou encore le plan de lutte contre les polychlorobiphényles (PCB), substances qui se retrouvent dans les eaux de surface continentales puis dans les eaux côtières et marines. Dans le cadre européen, notre pays met en oeuvre la directive-cadre sur l'eau (DCE) et la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » (DCSMM), qui imposent aux États membres d'atteindre ou de maintenir le bon état de leurs eaux côtières et marines. Le bon état est caractérisé au titre de ces deux directives par plusieurs critères, dont les concentrations en contaminants chimiques, la présence de déchets, etc. Afin de lutter contre ces pollutions, qui sont à 80 % d'origine tellurique, la France fixe dans ses plans d'action pour le milieu marin (PAMM-DCSMM) et ses schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE-DCE) des objectifs en termes d'état des masses d'eau. Afin d'optimiser les actions mises en place dans le cadre européen, le Gouvernement a souhaité mettre en cohérence la DCE et la DCSMM, en faisant converger les calendriers de mise en oeuvre et en articulant au mieux les documents de référence des deux directives. La France met par ailleurs en oeuvre d'autres réglementations européennes, comme la directive déchets, le règlement sur l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation et les restrictions des substances chimiques (REACH), la directive sur les déchets d'équipements électriques et électroniques, la directive nitrates, etc. qui permettent de réduire les pollutions d'origine tellurique à la source. La France est par ailleurs partie prenante à différentes conventions internationales de mers régionales, couvrant la majorité des secteurs marins où elle est présente et qui toutes possèdent des instruments visant à lutter contre les pollutions, convention de Barcelone pour la mer Méditerranée ; convention OSPAR pour l'Atlantique nord-est ; convention de Carthagène pour la zone Caraïbe ; convention de Nairobi pour l'Océan indien ; convention de Nouméa pour la zone Pacifique sud. Néanmoins, le lien terre-mer reste encore assez mal connu. C'est pourquoi ce sujet figure parmi les priorités de la recherche en France. L'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) travaille notamment sur les apports en nutriments et la thématique de l'eutrophisation, les agences de l'eau financent des études pour mieux comprendre les dynamiques de pollution dans les bassins versants, etc. Au-delà des études relatives aux pollutions, l'effort global de recherche sur la mer et les océans doit permettre à la France de concilier la protection de son environnement marin et littoral et le développement des orientations de la politique européenne de « croissance bleue ». La recherche se situe à cet égard au coeur de la politique maritime intégrée souhaitée par le Gouvernement. Poursuivre cette ambition suppose l'existence de partenariats étroits entre les acteurs de la recherche publique et privée, les entreprises, la société civile et les décideurs publics, au niveau national comme au plus près des territoires. Le développement de ces partenariats passe par l'existence de lieux d'échanges et de concertation. Créé par le décret n° 2011-637 du 9 juin 2011 et installé en 2013, le Conseil national de la mer et des littoraux (CNML) réunit ainsi les différents collèges de la gouvernance « environnementale ». Il est composé à parité de membres du Parlement et de représentants des collectivités territoriales de métropole et d'outre-mer, d'une part, et de représentants d'établissements publics, parmi lesquels des organismes de recherche, et des milieux socioprofessionnels et associatifs concernés, d'autre part. Il a vocation à conduire une réflexion stratégique et prospective et à formuler des recommandations prenant en compte les positions de toutes les parties intéressées. C'est sur la même base partenariale, que les conseils maritimes de façade et les conseils maritimes ultramarins rassemblent, au niveau interrégional, les acteurs locaux de la mer et du littoral, afin de coordonner les actions concourant à l'utilisation, à l'aménagement, à la protection et à la mise en valeur des littoraux et de la mer. Installé en janvier 2014, le Comité spécialisé pour la recherche marine, maritime et littorale (COMER), prévu dès la création du CNML pour traiter en son sein des questions de recherche et d'innovation, constitue un lieu d'expression de l'ensemble des priorités stratégiques pour les sciences marines, grâce à une composition diversifiée favorisant le dialogue entre acteurs scientifiques et porteurs d'enjeux économiques et sociétaux. Au niveau européen, l'initiative de programmation conjointe « Des océans sains et productifs » (IPC océans) vise à coordonner les efforts de recherche des pays membres, au profit de la connaissance et de la valorisation des océans. Un « groupe miroir » national, comprenant acteurs académiques et socio-économiques et décideurs publics, permet l'expression des priorités scientifiques françaises. La mise en valeur de nos ressources océaniques est par ailleurs encouragée dans le cadre de la politique française des pôles de compétitivité, qui réunissent, sur un territoire donné, entreprises, laboratoires privés et publics et établissements de formation, et constituent un dispositif collaboratif particulièrement efficace. Les partenariats ainsi noués entre chercheurs et acteurs économiques et sociaux sont particulièrement féconds au travers de trois pôles de compétitivité mobilisés autour de l'innovation dans les différents secteurs de l'économie bleue : le pôle mer Bretagne, le pôle mer PACA et le pôle Aquimer de Boulogne-sur-Mer. Le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE) conduit également le programme LITEAU, qui a financé depuis 1998 quelque 80 projets de recherche finalisée sur la mer et sur les littoraux, dans une optique de développement durable, en associant les gestionnaires de ces espaces. L'expertise scientifique collective sur les impacts environnementaux de l'exploration et de l'exploitation des ressources minérales marines profondes, pilotée par l'Ifremer et le CNRS à la demande du MEDDE et rendue publique ce mois de juin 2014, participe des mêmes objectifs. La nécessité de renforcer l'interface entre science et société a en outre été réaffirmée au cours des assises de la mer, qui se sont déroulées de janvier à juillet 2013 et au cours desquelles les acteurs ont pu exprimer leurs besoins en matière de recherche marine, maritime et littorale, en particulier dans les outre-mers. La feuille de route issue de la deuxième conférence environnementale ouvre à cet égard la possibilité de mobiliser les sciences participatives dans le cadre d'un programme d'actions pour l'acquisition, la diffusion et la valorisation des connaissances sur les écosystèmes marins. Les réflexions conduites au sein du CNML, les apports des travaux de recherche et d'expertise, comme les priorités retenues par cette feuille de route, alimenteront naturellement la Stratégie nationale pour la mer et le littoral en préparation. La décision de création d'un registre européen d'immatriculation des navires relève, quant à elle, d'une décision politique européenne. Compte tenu de ses implications juridiques et économiques, il s'agit d'un sujet complexe qui nécessite une adhésion collective des États membres de l'Union européenne. Souvent évoquée, notamment lors des naufrages des pétroliers ERIKA et PRESTIGE, la création du registre européen ne figure pas encore à l'agenda du programme de travail de l'Union. Concernant le renforcement de la gouvernance européenne et internationale de la mer, la création d'un registre européen ne constituerait qu'une mesure accessoire qui ne répondrait pas à l'objectif de protection de la biodiversité marine en haute mer. Seule une modification de la convention de Montego Bay en vue de renforcer la protection des richesses marines serait en mesure de répondre au souhait de l'honorable parlementaire. Néanmoins, bien qu'il n'existe pas de registre européen, l'Union européenne, à travers ses directives 2009/17 et 2002/59, s'est dotée des moyens de contrôle pour suivre le trafic maritime dans ses eaux, identifier les rejets illicites et inspecter les navires suspectés lors de leur première escale dans un port européen. La plate-forme des systèmes d'information qui assure ce suivi au bénéfice des États membres est hébergée dans l'Agence européenne de sécurité maritime (EMSA). Elle exploite les données satellitaires des systèmes de surveillance de trafic maritime et d'identification des navires (AIS) avec les images satellitaires du programme CLEANSEANET pour transmettre les alertes aux autorités en charge du contrôle de l'État du port.