14ème législature

Question N° 36967
de M. Jean-Jacques Urvoas (Socialiste, républicain et citoyen - Finistère )
Question écrite
Ministère interrogé > Éducation nationale
Ministère attributaire > Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

Rubrique > outre-mer

Tête d'analyse > DOM-ROM : Mayotte

Analyse > enseignement. politique de l'éducation. bilinguisme. mise en oeuvre.

Question publiée au JO le : 10/09/2013 page : 9407
Réponse publiée au JO le : 02/09/2014 page : 7419
Date de changement d'attribution: 03/04/2014

Texte de la question

M. Jean-Jacques Urvoas attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la politique scolaire conduite à Mayotte à l'égard des langues locales (le shimaore, langue bantoue, et le kibushi, variante de malgache). En substance, celles-ci font l'objet d'une transmission soutenue dans le milieu familial, et la majorité des élèves mahorais arrivent à l'école sans connaissance du français. Elles se trouvent pourtant bannies d'un système scolaire dont le monolinguisme exclusif n'est pas sans rappeler celui qui prévalait dans certaines régions métropolitaines comme la Bretagne sous la IIIe République. Cette politique engendre chez les enfants bien des souffrances individuelles et ses conséquences sociales et économiques sont évidemment dramatiques. Elle est aussi absurde sur le plan pédagogique. Elle va en effet à l'encontre de tout l'acquis des sciences du langage et des sciences de l'éducation depuis des décennies : une présence réfléchie de la langue maternelle, surtout dans les plus petites classes, est préférable à son exclusion, car elle contribue à donner du sens aux enseignements et favorise ainsi l'accès à la connaissance et à un bien-être général dans le langage par la construction d'un bilinguisme harmonieux. Avec des modalités différentes, une telle politique éducative est d'ailleurs menée dans de nombreux pays du monde. Elle l'est même dans le cadre français, dans des contextes où l'on trouve une altérité linguistique et culturelle majeure et un nombre important d'enfants non francophones à leur arrivée à l'école : en Polynésie, à Wallis, en Nouvelle-Calédonie et en Guyane dans certains établissements où les élèves sont majoritairement amérindiens, bushinenge et hmong. À l'évidence, il semble qu'il n'y ait qu'à Mayotte que l'on rencontre un blocage institutionnel, alors que c'est l'endroit où le soutien au développement du langage à travers la langue maternelle serait le plus nécessaire, au vu de l'échec scolaire majeur, et le plus facile à mettre en oeuvre puisqu'il existe des locuteurs des langues auxquels suffirait une formation de base à la didactique de la langue maternelle. Il lui demande en conséquence les mesures qu'il envisage afin que les langues locales trouvent enfin, à la fois dans un souci de justice et d'efficacité, la place qui leur revient dans le système éducatif en vigueur dans cette île.

Texte de la réponse

La prise en compte des langues locales dans les politiques scolaires des académies et collectivités d'outre-mer est l'objet d'une attention particulière de la part du ministère qui s'attache, par différentes mesures, à favoriser leur intégration dans le processus d'apprentissage de la langue française. C'est ainsi que, conformément au schéma d'accompagnement à la valorisation de l'enseignement des langues d'origine dans les outre-mer, la langue régionale propre à chaque territoire est utilisée en appui de l'apprentissage de la langue française. De même, si les activités linguistiques conduites en milieu scolaire en langue d'origine trouvent leur place dans l'accompagnement éducatif, celles-ci peuvent s'inscrire aussi dans les heures d'enseignement des élèves. Dans le prolongement des états généraux du multilinguisme, les séminaires qui se sont tenus à Paris les 17 et 18 mai 2011 et à Cayenne du 14 au 18 décembre de cette même année, ont réaffirmé cette approche en soulignant tout l'apport du recours aux langues propres de chaque territoire pour une meilleure efficacité de l'enseignement du français dans le premier degré. La loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République a confirmé l'intérêt pédagogique de l'introduction à l'école maternelle puis aux cours préparatoire (CP) et aux cours élémentaire première et deuxième année (CE1 et CE2), de la langue d'origine. Une de ses dispositions prévoit en effet que l'enseignement des langues régionales sera favorisé prioritairement dans les régions où celles-ci sont en usage et que le bilinguisme français-langue régionale sera encouragé dès la maternelle. Cette préoccupation est présente dans la politique scolaire développée par les autorités académiques de Mayotte qui, en 2012-2013, ont mis en place un groupe de réflexion sur la maîtrise de la langue. Ce groupe a notamment proposé des actions de formation à destination des instituteurs stagiaires et enseignants d'unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UPE2A) et a travaillé à l'élaboration de ressources pédagogiques visant à développer les compétences plurilingues des élèves. Ces actions ont été reprises et amplifiées à la rentrée scolaire 2013 au travers d'un plan « maternelle » ambitieux, à l'intérieur duquel les langues maternelles, point d'appui à l'apprentissage du français ont toute leur place. La création de passerelles entre langues maternelles et langue enseignée à l'école, l'aide à l'évaluation de la compétence plurilingue des élèves, la production d'outils, la constitution d'équipes d'enseignants ressources et la proposition de projets interdisciplinaires avec prise en compte des élèves en contexte multilingue en constituent les principaux objectifs. L'ensemble des actions programmées par le vice-rectorat de Mayotte témoigne de la reconnaissance des langues maternelles pratiquées dans le milieu familial des élèves mahorais et de leur contribution à un apprentissage du français rendu de cette manière plus efficace. Elles participent ainsi à la construction de la réussite scolaire, sociale et personnelle des élèves de cette île.