maladies professionnelles
Question de :
M. Alain Tourret
Calvados (6e circonscription) - Radical, républicain, démocrate et progressiste
M. Alain Tourret attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la fermeture programmée à l'échéance de juin 2013 de l'usine que le groupe Honeywell exploite actuellement à Condé-sur-Noireau, au coeur d'un territoire industriel de sinistre réputation puisqu'il est appelé « la vallée de la mort » en raison des milliers de victimes qu'y a fait l'amiante. Socialement, cette fermeture va se traduire par la disparition de 323 emplois directs alors que, parallèlement, Honeywell s'apprête à délocaliser la production dans une nouvelle usine à Ploiesti, en Roumanie. La fermeture de l'usine Honeywell de Condé-sur-Noireau sera, en Basse-Normandie, la plus grosse saignée industrielle depuis le cataclysme « Moulinex ». Construite en 1960, cette usine, spécialisée dans la fabrication de garnitures de freins, a produit pour les groupes Ferodo-Valeo avant d'être achetée par le groupe américain Allied-Signal qui a fusionné avec Honeywell en 1999. Jusqu'au 10 octobre 1996, la fabrication des systèmes de freinage faisait appel à l'amiante, matériau remplacé depuis par de la fibre de verre, de céramique ou de roche dont la littérature scientifique commence à révéler la nocivité. Revenons à l'amiante. L'évacuation des stocks de matière première était effective fin décembre 1996. Mais si un comité de retrait de l'amiante chargé de piloter les mesures en atmosphère et les opérations de nettoyage des locaux et machines a été mis en place, aucun désamiantage ou dépoussiérage complet du site n'a cependant été effectué, déplorent les salariés qui n'ont jamais cessé d'être exposés au risque amiante. En 2011, l'inspection du travail a demandé la réalisation de vérifications pour s'assurer de la présence ou non d'amiante dans le cadre de chantiers de maintenance. Suite aux prélèvements effectués, elle a imposé des opérations de désamiantage et dépoussiérage et a interdit toute intervention en hauteur et sur la structure du bâtiment. Sage précaution puisqu'en mai dernier, les analyses annuelles effectuées par un organisme de contrôle (l'APAVE) révélaient sur le site la présence d'amiante à des concentrations très supérieures au seuil légal : les fibres mortelles sont donc toujours très présentes sur le site. Des contre-analyses ont été réalisées par un autre organisme (EDP), tant sur les échantillons de l'APAVE que sur d'autres échantillons. Elles ont donné des résultats encore plus édifiants, confirmant, que, pour les salariés de l'usine Honeywell de Condé-sur-Noireau, le risque amiante n'a pas pris fin en 1996 ; ils y restent exposés. L'État doit mettre Honeywell devant ses obligations de revitalisation-réindustrialisation du site et, s'agissant d'un établissement classé, devant ses obligations environnementales, comme l'a fait M. Lallement, préfet de région, préfet du Calvados, en signant le 4 juillet 2012, un arrêté de mise en demeure. Mais l'État doit aussi reconnaître que l'exposition à l'amiante des salariés n'a pas cessé le 31 décembre 1996, comme le prévoit l'arrêté actuel : elle reste une réalité quotidienne et le restera jusqu'à la fermeture effective de l'usine par Honeywell, à l'échéance de juin 2013. Ainsi donc, il conviendrait de réviser l'arrêté de classement de l'usine Honeywell de Condé-sur-Noireau, déjà inscrite sur la liste des sites ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (CAATA). C'est un devoir que nous avons à l'égard des salariés concernés. Ceux qui travaillaient dans l'entreprise avant le 1er janvier 1997 et qui bénéficient déjà du statut de travailleur de l'amiante instauré par la loi de décembre 1998 portée par votre prédécesseur Mme Martine Aubry et dont j'ai été l'un des promoteurs. Un devoir de justice aussi pour ceux, ils seraient 73, qui ont été embauchés depuis et qui n'y ont pas accès. De nombreux salariés ou anciens salariés de l'usine Honeywell de Condé-sur-Noireau sont déjà touchés par une maladie due à l'amiante. Une ancienne salariée au moins, embauchée postérieurement au 31 décembre 1996, développe une maladie provoquée par son exposition à l'amiante (des plaques pleurales) Et, compte tenu des temps de latence propres à ces affections, jusqu'à une trentaine d'années, tous les autres salariés du site sont susceptibles d'en déclarer une dans les années à venir. Cette situation particulière des travailleurs exposés à l'amiante crée un handicap, je dirais même une vulnérabilité, supplémentaire lorsqu'ils se retrouvent confrontés au chômage. En effet, comme le montre malheureusement l'expérience, rares sont les employeurs qui prennent le risque d'embaucher un salarié susceptible de développer une maladie professionnelle. Je vous demande donc de bien vouloir examiner avec attention la situation des futurs licenciés Condéens, de constater qu'aucun certificat ou arrêté contradictoire de dépoussiérage et désamiantage ne peut être produit par la direction d'Honeywell et, en conséquence, de réviser l'arrêté de classement du site en reportant à la date de fermeture effective des installations, prévue pour juin 2013, le terme de la période d'exposition à l'amiante de tous les salariés ou anciens salariés concernés.
Réponse publiée le 25 décembre 2012
Le Gouvernement instruit actuellement la demande d'extension de la période d'inscription de l'établissement Honeywell de Condé-sur-Noireau au titre du dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (CAATA), jusqu'au mois de juin 2013, date programmée de fermeture de l'établissement. Il convient de préciser que les lois de financement de la sécurité sociale (loi du 23 décembre 1998 modifiée) qui ont mis en place ce dispositif fixent des conditions très strictes quant à l'inscription d'un établissement sur une liste fixée par arrêté interministériel. Elles ont retenu les activités dans lesquelles le risque amiante était le plus élevé. C'est pourquoi, les établissements qui peuvent être inscrits pour la période de référence pendant laquelle leurs salariés ont été exposés à l'amiante sont les établissements ayant exercé de manière significative des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage, de calorifugeage, de construction ou de réparation navales. Les listes des établissements ouvrant droits à ce dispositif sont régulièrement complétées et corrigées sur la base d'enquêtes de terrain, en fonction des demandes présentées par les entreprises ou les salariés, des informations reçues sur la réalité de l'exposition à l'amiante pour chaque établissement et de leur appartenance aux secteurs professionnels listés dans la loi. Les pouvoirs publics ont veillé à ce que les listes d'établissements soient constituées en liaison avec l'ensemble des acteurs locaux de la prévention, après un travail d'enquête des services de l'inspection du travail et des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) dont les informations sont recoupées avec celles des partenaires sociaux et des associations. L'éventuelle décision d'inscription de cet établissement sur la liste de la CAATA ne pourra être prise qu'à l'issue de l'instruction du dossier, après réception du rapport d'enquête complet et circonstancié des services locaux compétents et après consultation de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CAT/MP) de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). En cas de décision favorable, l'inscription prendra effet à compter de la date de publication au Journal officiel de l'arrêté correspondant. La situation de l'établissement Honeywell sera donc étudiée lors de la prochaine séance de la Commission qui se tiendra dans le courant du mois de décembre 2012.
Auteur : M. Alain Tourret
Type de question : Question écrite
Rubrique : Risques professionnels
Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère répondant : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Dates :
Question publiée le 4 septembre 2012
Réponse publiée le 25 décembre 2012