14ème législature

Question N° 37496
de M. Stéphane Demilly (Union des démocrates et indépendants - Somme )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Tête d'analyse > juridictions administratives

Analyse > code de la route. contentieux. procédure d'appel.

Question publiée au JO le : 17/09/2013 page : 9603
Réponse publiée au JO le : 02/09/2014 page : 7432
Date de changement d'attribution: 03/04/2014

Texte de la question

M. Stéphane Demilly attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le décret du ministère de la justice, paru le 15 août 2013 au Journal officiel, qui supprime la possibilité, pour les automobilistes, de faire appel devant la justice administrative en matière de contentieux du permis de conduire. Aux termes de ce décret, en effet, à compter du 1er janvier 2014, les contrevenants qui, en cas de recours, n'auront pas obtenu gain de cause devant le tribunal administratif, ne pourront plus se tourner vers les cours administratives d'appel : s'ils n'acceptent pas la décision du juge administratif, ils devront aller directement devant le Conseil d'État ! Ce décret suscite, à juste titre, de nombreuses réactions : en effet, non seulement l'automobiliste n'est pas traité comme n'importe quel autre justiciable, mais ce décret introduit un principe de dissuasion par l'argent, puisque chacun sait que les procédures devant le Conseil d'État sont particulièrement onéreuses car il faut passer par un avocat inscrit à l'ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Si, comme le ministère de la justice le laisse entendre, l'objectif de ce décret est de désengorger la charge de travail des tribunaux, il lui demande si cet objectif doit être atteint au détriment des droits des justiciables.

Texte de la réponse

Le décret n° 2013-730 du 13 août 2013, portant modification du code de la justice administrative, a rationalisé la liste des contentieux pour lesquels les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort compte tenu de la faiblesse de l'enjeu du litige. A titre liminaire, il doit être rappelé que le double degré de juridiction ne constitue ni un principe général du droit (CE 17 décembre 2003, Meyet et autres, n° 258253) ni un principe de valeur constitutionnelle (CC, 12 février 2004, Loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française, n° 2004-491 DC, cons.4) ni même un principe reconnu par la Cour européenne des droits de l'homme pour la matière civile, au sens de l'article 6, paragraphe 1er, de la Convention, dont relève le contentieux administratif (CEDH 26 octobre 1984, de Cubber c/ Belgique, n° 9186/80). Or, si le décret du 13 août 2013 a restauré la voie de l'appel pour le contentieux de la fonction publique dans son ensemble, il a supprimé la voie de l'appel notamment pour le contentieux des permis à points et le contentieux social. Une telle évolution a été murement réfléchie. Elle répond au besoin de rationaliser la gestion de ces contentieux, dès lors qu'il n'apparaît pas nécessaire de soumettre les affaires à un triple degré de juridiction compte tenu de leur niveau de difficulté assez faible. S'agissant du contentieux du permis de conduire, il a été tenu compte du fait que l'enjeu, pour le justiciable, décroît avec le temps, la nécessité dans laquelle la personne se trouve de recouvrer l'usage de son permis de conduire la conduisant fréquemment à recourir à des voies distinctes de la démarche contentieuse, telles que les stages de récupération de points. En outre, les affaires de permis de conduire représentent d'ores et déjà une part assez faible du stock des cours administratives d'appel et le nombre d'affaires nouvelles devant les cours, de même que le nombre d'affaires pendantes, ont tendance à décroître. S'agissant des recours exercés en matière sociale, dont l'enjeu est évident pour les justiciables, la suppression de l'appel ne peut être appréhendée isolément car elle s'inscrit dans le cadre d'une réforme globale. Le but est précisément d'améliorer l'accès au juge des personnes concernées, alors que près de la moitié des requêtes déposées dans ces matières fait aujourd'hui l'objet d'un rejet par voie d'ordonnance, en particulier pour des motifs d'irrecevabilité. L'assouplissement des possibilités de régularisation de sa requête par le requérant et l'introduction d'une part d'oralité dans la procédure offrent donc des garanties nouvelles aux justiciables vulnérables afin qu'ils ne soient plus empêchés de se défendre efficacement contre l'administration. Les droits des personnes sont donc préservés et la réforme n'apparaît ainsi pas préjudiciable aux requérants. Ces derniers pourront produire devant le tribunal tous les éléments de fait et de droit nécessaires pour contester la décision de l'administration. Pour l'ensemble des contentieux, la voie du recours en cassation demeure évidemment ouverte en cas d'erreur de droit. L'argument du caractère coûteux de cette procédure, fondé sur l'obligation de recourir à un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, doit être relativisé. En effet, tout requérant peut solliciter l'aide juridictionnelle, y compris en cassation, dès lors que ses revenus sont insuffisants. Certes, le contrôle de cassation ne porte que sur le droit applicable et non sur les faits du litige. Cependant, il convient de rappeler que le Conseil d'Etat, saisi en cassation, demeure toujours attentifs aux faits des affaires qui lui sont soumis et opère un contrôle de leur dénaturation éventuelle. Ainsi, la suppression de l'appel dans les contentieux concernés ne menace ni la qualité de la justice rendue ni les droits des citoyens. En conséquence, le Gouvernement estime que les mesures préservent et renforcent les droits des citoyens ainsi que la bonne administration de la justice, et ne reviendra donc pas sur leur adoption.