14ème législature

Question N° 37785
de M. Éric Alauzet (Écologiste - Doubs )
Question écrite
Ministère interrogé > Écologie, développement durable et énergie
Ministère attributaire > Écologie, développement durable et énergie

Rubrique > chasse et pêche

Tête d'analyse > chasse

Analyse > gibier d'eau. moratoires.

Question publiée au JO le : 24/09/2013 page : 9846
Réponse publiée au JO le : 21/01/2014 page : 693

Texte de la question

M. Éric Alauzet interroge M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur le bien-fondé des arrêtés publiés cet été au Journal officiel et relatifs à la chasse, tous deux contraires à la protection de la nature et aux intérêts des oiseaux. Le premier de ces arrêtés concerne l'ouverture anticipée de la chasse au gibier d'eau sur 4 cantons de Gironde, qui a été autorisée cette année dès le 3 août 2013 sur les étangs et mares de tonnes alors que, partout en France, cette ouverture sur les zones humides intérieures se déroule au 21 août. Déjà, en 2012, un arrêté modificatif avait octroyé aux chasseurs 10 jours supplémentaires, par une ouverture au 11 août selon l'arrêté du 2 août 2012. Cette mesure est difficilement compréhensible lorsque l'on sait que les oiseaux d'eau gibier (foulques, poules d'eau, colverts, râles d'eau...) ou protégés (tadornes, échasses...) qui nichent autour de ces plans d'eau n'ont pourtant pas fini de se reproduire au 3 août, date à laquelle la chasse a été ouverte cette année. La deuxième de ces mesures est inscrite dans l'arrêté ministériel du 24 juillet sur les moratoires de chasse (Journal officiel du 30 juillet 2013) qui reconduit, pour cinq ans, la suspension de la chasse de la barge à queue noire et du courlis cendré sur les seules zones terrestres, mesure qui autorise, de fait, la chasse du courlis cendré sur le domaine public maritime, alors que cette espèce est menacée. Cet arrêté, qui va à l'encontre des mesures de protection internationales mises en place pour ces espèces, est proprement inacceptable. En effet, le courlis cendré est une espèce « quasi-menacée » selon l'UICN (2008) en raison du déclin important et continu de sa population européenne. Or, face à ce constat, la France est le dernier pays d'Europe qui autorise sa chasse alors que le plan européen de gestion de l'espèce 2007-2010 l'identifie comme une menace incompatible avec l'objectif d'un retour à un état de conservation favorable. De plus, dans le cadre de l'Accord international sur la conservation des oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique-Eurasie (AEWA), le courlis cendré est considéré comme prioritaire pour la mise en place d'un plan d'action international spécifique qui sera validé en octobre 2013. Parmi les mesures préconisées dans ce plan figure la suspension totale de sa chasse en France. De la même manière, 12 autres espèces de gibiers qui ne sont actuellement pas considérées comme devant bénéficier d'une protection particulière en France sont pourtant toutes en mauvais état de santé au niveau européen et toutes chassables en France (voir le tableau du portail Artemis-Face de mai 2013 réalisé par la Fédération européenne des chasseurs [FACE]). Y figurent entre autres l'alouette des champs, le combattant varié, le chevalier gambette, la bécassine des marais, ou encore le vanneau huppé, qui en 2008, avait bénéficié d'une ouverture de la chasse repoussée au 15 octobre afin de protéger les faibles populations nicheuses de France. Il lui rappelle les engagements pris par la France au niveau européen à travers la directive oiseaux et l'accord AEWA, et lui demande d'indiquer quelles décisions il compte prendre afin que sa politique en matière d'écologie soit conforme aux réalités biologiques, et que soient tenus les engagements du Président de la République qui souhaitait, pendant la campagne présidentielle, « faire de la France un pays exemplaire en matière de biodiversité ».

Texte de la réponse

Le ministre chargé de la chasse arrête les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse au gibier d'eau. Sur plusieurs territoires, les observations effectuées conduisent certains partenaires à s'interroger sur le bien fondé de la date d'ouverture actuelle. Le Groupe d'experts sur les oiseaux et leur chasse (GEOC) mis en place depuis 2009 est chargé d'examiner la méthodologie employée pour obtenir les résultats et fournit un avis au ministre sur la validité scientifique des argumentaires présentés à l'appui des demandes de modification des dates de chasse, en particulier lorsque ces données biologiques modifient le calendrier publié dans le guide interprétatif européen. Des modifications locales peuvent être acceptées uniquement sur la base de rapports techniques et scientifiques confirmant que la période de reproduction et de dépendance est terminée, comme cela a été possible en 2012 en Gironde, dans l'Hérault, sur les zones d'étangs intérieurs. Un dossier a été déposé en 2013 par la Fédération départementale des chasseurs de la Gironde afin d'obtenir sur quatre cantons arrières littoraux une avancée de la date d'ouverture de la chasse à certains gibiers d'eau au 1er samedi d'août au lieu du 11 août actuellement. L'avis du GEOC en date du 13 mai 2013 souligne l'effort consenti en ce qui concerne le traitement des données tant au niveau de la comparaison des données qu'au niveau de l'évaluation statistique de la relation entre la chronologie de la reproduction du canard colvert et les conditions météorologiques. Les données produites tendent à démontrer en moyenne une plus grande précocité de l'envol des jeunes canards colvert sur la période 2007-2012 en comparaison des années antérieures (1991-1997). Au regard de ces nouvelles données, l'arrêté du 18 juillet 2013 modifiant l'arrêté du 24 mars 2006 relatif à l'ouverture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d'eau fixe la date d'ouverture au 1er samedi d'août pour les 4 cantons de St Vivien de Médoc, Lesparre-Médoc, St Ciers sur Gironde et Blaye. Par ailleurs, après avis du CNCFS, le ministre en charge de l'écologie a pris un arrêté en date du 24 juillet 2013 afin de suspendre jusqu'au 30 juillet 2018 la chasse de la barge à queue noire et du courlis cendré (hors domaine public maritime pour cette seconde espèce). La barge à queue noire est en mauvais état de conservation à l'échelle européenne. Un plan de gestion international a été adopté au titre de l'Accord international sur les oiseaux d'eau d'Afrique et d'Eurasie (AEWA) en 2008 pour une durée de 10 ans, qui préconise un moratoire de la chasse de la barge à queue noire dans les Etats concernés par l'Accord, dont la France. Tous les pays européens ont ainsi progressivement supprimé la chasse de cette espèce. En ce qui concerne le courlis cendré, cette espèce est classée dans la catégorie des espèces « quasi -menacées » de la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), pour lesquelles une action internationale est appropriée. Dans l'attente d'un plan international, le ministre de l'écologie a décidé de poursuivre le moratoire limitant la chasse de cette espèce au domaine public maritime. La poursuite de ces moratoires de la chasse de la barge à queue noire et du courlis cendré s'accompagnera d'études et de suivis pour en évaluer l'efficacité. Pour ce qui concerne les autres espèces de gibier chassables, certaines font l'objet d'un plan de gestion européen (chevalier gambette, vanneau huppé, alouette des champs), d'autres font l'objet de suivis scientifiques conduits par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (bécassine des marais, combattant varié). Pour ces espèces, une attention particulière est portée par les pays européens concernés qui veillent à assurer leur bon état de conservation. D'une façon générale, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, veille à ce que la pratique de la chasse soit compatible avec la conservation des espèces concernées.