14ème législature

Question N° 38443
de M. Daniel Boisserie (Socialiste, républicain et citoyen - Haute-Vienne )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > système pénitentiaire

Tête d'analyse > détenus

Analyse > effectifs. perspectives.

Question publiée au JO le : 24/09/2013 page : 9879
Réponse publiée au JO le : 09/12/2014 page : 10342
Date de changement d'attribution: 27/08/2014
Date de renouvellement: 28/01/2014
Date de renouvellement: 17/06/2014
Date de renouvellement: 17/06/2014

Texte de la question

M. Daniel Boisserie alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la surpopulation carcérale que connaît le Limousin. À l'échelle nationale, il n'y a jamais eu autant de détenus en France : 68 569 personnes selon l'administration pénitentiaire. Faute de place (une moyenne de 113,4 prisonniers pour 100 places), les conditions de détention sont indignes : sur 247 sites d'emprisonnement français, 42 ont une densité supérieure à 150 %. Et c'est dans les maisons d'arrêt, où s'effectuent les courtes peines (soit le tiers des peines effectuées) que la situation est la plus grave. Dans les maisons d'arrêt limousines, la tendance nationale se confirme : la maison d'arrêt de Guéret compte 127 détenus pour 37 places, une surpopulation de 242 %, un chiffre proche de ceux de l'outre-mer (300 % en Polynésie) ; celle de Limoges compte 127 détenus pour 87 places (surpopulation de 150 %) ; celle de Tulle, 62 détenus pour 49 places (126 %). Les syndicats professionnels alertent régulièrement les pouvoirs publics sur les conditions d'insalubrité de certains établissements, et le climat général préjudiciable tant aux détenus qu'aux personnels dont les conditions de travail se dégradent. On estime que cette surpopulation et ces difficultés croissantes sont dues notamment à la multiplication, depuis plusieurs années, des petites peines. Il lui demande donc de préciser rapidement les mesures que le Gouvernement peut mettre en oeuvre afin de désengorger les prisons et de limiter autant que possible le recours à la prison pour les petits délits.

Texte de la réponse

Le ministère de la justice est particulièrement vigilant à l'état de sur-occupation des établissements pénitentiaires, source de tensions tant pour les personnes détenues que pour les personnels. Cette préoccupation demeure d'autant que malgré une légère hausse des aménagements de peine liée à la circulaire de politique pénale du 19 septembre 2012, et une population carcérale qui augmente moins vite qu'auparavant, la situation de sur-occupation des établissements pénitentiaires s'avère toujours extrêmement préoccupante. De façon précise, la Maison d'Arrêt de Guéret compte au 1er septembre 2014 un taux d'occupation de 81.1% (30 détenus), la maison d'arrêt de Limoges un taux de 140.5% (118 détenus) et celle de Tulle un taux de 134 % (63 détenus). A cet égard, les effets des politiques pénales menées ces dernières années qui ont vu le nombre de personnes détenues augmenter de plus de 20.000 ont été dévastateurs, du fait d'introduction d'automatismes contraires aux principes généraux de l'individualisation de la peine, les peines planchers bien sûr, qui ont généré plus de 4 000 années d'emprisonnement supplémentaires par an depuis 2007 et du fait, de façon plus générale, de la promotion de la logique de la réponse du tout carcéral, y compris pour les petits délits et ce sans discernement, sans prise en compte de la personnalité du condamné et de sa situation réelle. En premier lieu, pour améliorer les conditions de détention et de travail des personnels en établissements pénitentiaires, le ministère de la justice a engagé, dès le premier triennal budgétaire, un programme immobilier ambitieux. Entièrement financé, à l'inverse du programme issu de la loi de programmation relative à l'exécution des peines du 27 mars 2012, ce dispositif vise à la création de 5.000 places pour répondre aux besoins les plus urgents, mais aussi la fermeture des structures les plus vétustes avec ouvertures en substitution de nouveaux établissements, ainsi que de grands chantiers de rénovation tels que ceux de la maison d'arrêt des Baumettes, de La Santé ou de Fleury-Mérogis. En deuxième lieu, la loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales modifie profondément la politique pénale en vigueur. En effet, cette loi restaure le principe de l'individualisation des peines, notamment en suppriment les peines planchers et les révocations automatiques de sursis. Par ailleurs, bien que ce texte vise avant tout la mise en oeuvre de solutions plus efficaces dans la prise en charge des personnes condamnées et non la réduction de la population carcérale, la réforme pénale engagée aura des effets sur cette dernière. La création d'une nouvelle peine de contrainte pénale, composée d'obligations exécutables en milieu ouvert, devrait notablement réduire les peines d'emprisonnement de courte durée. Quant à la libération sous contrainte, à destination des détenus condamnés à des peines inférieures à 5 ans et qui sont en fin de peines, elle devrait réduire les sorties sèches, principales pourvoyeuses de récidive selon des études concordantes. De surcroit, grâce à la revalorisation inédite des effectifs des SPIP notamment qui verront d'ici à 2016 augmenter leurs personnels de 25 % avec la création de 1.000 emplois (dont 360 CPIP entrés en formation en septembre 2014 parmi lesquels 300 créations d'emplois), à la réforme des méthodes de prises en charge des personnes en milieu ouvert et à la construction de nouveaux outils d'évaluation, un meilleur suivi des personnes placées sous main de justice permettra d'assurer une efficacité plus grande dans la prévention de la récidive. En troisième lieu, la garde des sceaux a lancé un plan exceptionnel de sécurisation le 3 juin 2013 à hauteur de 33 millions d'euros qui prévoit notamment la mise en place de dispositifs anti-projections, le déploiement de portiques à ondes millimétriques et à masse métallique, la création de deux nouvelles équipes cynotechniques. Ce plan de sécurisation a permis d'accompagner la mise en oeuvre de l'article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 interdisant la pratique des fouilles systématiques de manière à concilier le respect de la dignité de la personne détenue et les impératifs de sécurité en établissement pénitentiaire. Au-delà de l'aspect matériel, ce plan vise donc également à remettre l'humain, le professionnel au coeur du système avec des réflexions engagées autour de la question de la formation, de la place des personnels en détention dans le cadre du plan maisons centrales, et à renforcer le partenariat avec les autorités judiciaires et les forces de sécurité. Enfin, la garde des sceaux a engagé ses services, en lien avec l'agence publique pour l'immobilier de la justice, dans une réflexion globale sur la conception des nouveaux établissements afin de centrer leur construction autour d'un véritable projet d'exécution de peine en détention, et non l'inverse, qui contribuera à faire de la prison un temps utile pour la personne condamnée et pour la société. Le conseil national de l'exécution de la peine installé par la garde des sceaux le 29 janvier 2014, constitué notamment de membres éminents de la société civile (universitaires, chercheurs, psychiatre, architecte...) et de parlementaires (présidents des commissions des lois), s'emparera également de cette question pour venir enrichir les travaux en cours.