14ème législature

Question N° 38870
de Mme Huguette Bello (Gauche démocrate et républicaine - Réunion )
Question écrite
Ministère interrogé > Outre-mer
Ministère attributaire > Outre-mer

Rubrique > outre-mer

Tête d'analyse > travail

Analyse > conventions collectives. mise en oeuvre. réglementation.

Question publiée au JO le : 01/10/2013 page : 10295
Réponse publiée au JO le : 11/02/2014 page : 1386

Texte de la question

Mme Huguette Bello attire l'attention de M. le ministre des outre-mer sur l'évolution de l'article L. 2222-1, alinéa 3, du code du travail selon lequel les conventions collectives et accords sont applicables dans les départements d'outre-mer, uniquement si ces textes le précisent expressément. Issu de l'article 16 de la loi du 25 juillet 1994 (loi Perben), cet article exclut les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution de l'application de plein droit des conventions collectives nationales. Dans un accord interprofessionnel « salaires » conclu à La Réunion en mai 2009, les différentes parties signataires (MEDEF, UIR-CFDT, CGTR, CFTC, CFE-CGC, UNSA La Réunion) notent que « la structuration des branches est de nature à favoriser l'amélioration du dialogue social en particulier dans les petites entreprises et à renforcer le tissu économique de l'île [...] et conviennent de poursuivre les démarches engagées entre les partenaires sociaux pour traiter cette question ». Force est de constater que la situation n'a guère évolué puisque les conventions collectives ne trouvent toujours pas leur application dans les régions d'outre-mer. Étant donné le rôle décisif de l'État dans le développement et la structuration du dialogue social, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer la suite qu'il compte accorder à la demande d'abrogation de l'article L. 2222-1 alinéa 3 du code du travail.

Texte de la réponse

Mme Huguette Bello a attiré l'attention de M. le ministre des outre-mer sur les dispositions de l'article L. 2222-1, alinéa 3, du code du travail, selon lesquelles « les conventions ou accords dont le champ d'application est national précisent si celui-ci comprend les départements d'outre-mer, Saint-Barthélemy, Saint-Martin ou Saint-Pierre-et-Miquelon ». Mme Bello regrette que, dans ce cadre, les conventions collectives nationales ne trouvent pas toujours leur application dans les régions d'outre-mer et sollicite l'abrogation des dispositions législatives précitées qui empêchent l'applicabilité automatique de ces conventions aux départements et collectivités d'outre-mer. L'abrogation du troisième alinéa de l'article L. 2222-1 du code du travail ne saurait toutefois modifier le champ d'application géographique des conventions ou accords collectifs de travail actuellement en vigueur, ni rendre automatiquement applicables aux départements d'outre-mer ceux d'entre eux qui ne le sont pas à ce jour. L'abrogation de cet article aurait en revanche pour conséquence de générer des erreurs d'interprétation qui pourraient être la cause de tensions sociales. Il est en effet de jurisprudence constante que le champ d'application des conventions collectives nationales dépend de la libre volonté des parties, à savoir les organisations représentatives au niveau national qui en sont signataires. Il n'est donc pas possible d'affirmer que ces conventions ou accords puissent appliquer le principe d'assimilation législative qui n'est pas rétroactif et s'applique aux seuls textes législatifs et réglementaires de l'État. En outre, la création d'un article de loi rendant obligatoire l'application des conventions ou accords collectifs de travail nationaux à tous les territoires ultra-marins régis par le code du travail, quelle que soit la volonté des parties à l'accord, appelle les plus extrêmes réserves au regard de la jurisprudence constitutionnelle actuelle. L'insertion dans le code du travail en 1994 du troisième alinéa de l'article L. 2222-1 avait ainsi pour seul but de permettre à chacun de connaître sans ambigüité la position des partenaires sociaux nationaux quant à l'application de leurs accords outre-mer à un moment où il était possible de toucher le plus grand nombre de branches car elles procédaient, dans le même temps, à la révision du champ d'application professionnel de ces accords. Il convient enfin de rappeler qu'il existe diverses procédures permettant de solliciter l'application de conventions ou accords collectifs nationaux dans les départements d'outre-mer : - toute organisation ultra-marine d'employeurs ou de salariés peut librement s'adresser à une ou plusieurs organisations signataires d'un accord national de branche pour leur demander de porter une demande d'inscription de la question de l'examen de l'application de la convention collective nationale en cause dans un ou plusieurs départements d'outre-mer à l'ordre du jour de la commission paritaire nationale de branche compétente pour en décider, - les organisations représentatives dans la branche au niveau régional sont également libres d'organiser l'ouverture d'une négociation ayant pour base de discussion les termes de l'accord national non-applicable, - dans les conditions prévues par les articles L. 2261-17 et L. 2261-18 du code du travail, l'une des organisations représentatives dans la branche (au niveau national ou régional) peut demander au ministère chargé du travail l'ouverture d'une procédure d'élargissement qui, si elle est menée à son terme, permettra l'application de la convention collective nationale (de branche ou interprofessionnelle) dans le ou les départements d'outre-mer concernés, - un employeur peut toujours faire une application volontaire d'un accord collectif de travail non-applicable localement. Il est toutefois évident que la situation actuelle n'est pas satisfaisante, mais cela non tant sur le terrain du droit que sur celui de l'information. Force est de constater qu'il est aujourd'hui parfois difficile de savoir ce qui s'applique ou pas. Aussi, le ministère des outre-mer propose que, dans le cadre de la procédure d'extension, la Direction générale du travail du ministère chargé du travail puisse fournir périodiquement un état des lieux des textes conventionnels soumis à l'extension en mentionnant explicitement leur applicabilité dans les DOM ou non. Cette procédure répondra à une première exigence, celle de l'accès à l'information. Sur la base de ces informations, il sera loisible aux organisations professionnelles et syndicales concernées soit d'engager une négociation localement en vue de la conclusion d'un accord portant adaptation des dispositions conventionnelles au contexte ultra-marin concerné, soit de solliciter la mise en oeuvre d'une procédure d'élargissement permettant l'application pleine et entière de l'accord. Cette procédure pourrait ainsi répondre à une seconde exigence, celle de l'applicabilité et de l'adaptation des textes conventionnels outre-mer. Dès lors, bien que conscient des difficultés propres à la négociation collective dans les départements d'outre-mer et à la coordination insuffisante entre l'échelon régional et l'échelon national de négociation, le Gouvernement n'entend pas se substituer aux partenaires sociaux pour rendre applicables automatiquement des conventions ou accords nationaux dans des collectivités où la réalité économique et sociale des branches peut s'avérer très différente de celle de l'hexagone et demander des adaptations de ces accords à la situation particulière de chaque collectivité.