14ème législature

Question N° 3927
de M. Michel Lesage (Socialiste, républicain et citoyen - Côtes-d'Armor )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > droit pénal

Tête d'analyse > procédure pénale

Analyse > dépaysement. réforme. perspectives.

Question publiée au JO le : 11/09/2012 page : 4981
Réponse publiée au JO le : 04/12/2012 page : 7217

Texte de la question

M. Michel Lesage attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'application de l'article 665 du code de procédure pénale, qui permet le renvoi d'une affaire d'une juridiction à une autre « dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ». En effet, une organisation syndicale de magistrats s'inquiète de la multiplication des demandes de « dépaysement » et considère que cette utilisation répétée, à la demande du parquet, est de nature à nuire au bon déroulement des enquêtes, en faisant peser sur les juges d'instruction et sur les juridictions correctionnelles une menace permanente de dessaisissement qui porterait atteinte à l'indépendance de la justice. Pourtant la réforme de la procédure pénale de 1993 avait supprimé les articles 679 et suivants du code de procédure pénale qui permettaient un dépaysement des affaires concernant des agents publics d'autorité en les soumettant à des juridictions situées en dehors du territoire dans lequel ceux-ci exerçaient leurs fonctions. En effet, cette procédure était vécue comme un privilège et une source d'annulation de procédures et de délais accrus. Interrogée lors de la rédaction du rapport sur la responsabilité pénale des décideurs publics remis au garde des sceaux en 1999, la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice avait alors indiqué qu'un retour sur la modification de 1993 n'était pas jugé opportun. Il lui demande donc de lui indiquer quelles mesures le Gouvernement entend prendre afin de répondre aux inquiétudes des organisations syndicales de magistrats, qui, de façon plus globale, posent la question du statut du parquet et la nécessité d'une réforme constitutionnelle permettant à tous les magistrats, qu'ils soient du siège ou du parquet, de pouvoir exercer leurs fonctions en toute indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif, dans l'intérêt du justiciable.

Texte de la réponse

Le renvoi dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice a été introduit dans le code de procédure pénale par l'ordonnance n° 60-529 du 4 juin 1960. L'abrogation des articles 679 à 688 du code de procédure pénale, par la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993, a conduit le législateur, dans cette même loi, à édicter de nouvelles dispositions introduites dans l'article 665 du code de procédure pénale qui dispose depuis cette date : « Le renvoi d'une affaire d'une juridiction à une autre peut être ordonné pour cause de sûreté publique par la chambre criminelle, mais seulement à la requête du procureur général près la Cour de cassation. Le renvoi peut également être ordonné, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, par la chambre criminelle, soit sur requête du procureur général près la Cour de cassation, soit sur requête du procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle la juridiction saisie a son siège, agissant d'initiative ou sur demande des parties [...] ». Cet article n'a été modifié qu'à la marge par la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 qui a ajouté aux deux premiers aliénas ci-dessus reproduit un troisième alinéa rédigé en ces termes : « La requête mentionnée au deuxième alinéa doit être signifiée à toutes les parties intéressées, qui ont un délai de huit jours pour déposer un mémoire au greffe de la Cour de cassation ». Le renvoi dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice est donc une disposition ancienne. Cette décision relève de la seule compétence de la chambre criminelle de la Cour de cassation et non du pouvoir exécutif. Cette disposition ne porte pas atteinte à l'indépendance des magistrats mais a au contraire pour objectif d'éviter que les magistrats ne puissent être soupçonnés de partialité. Le Gouvernement n'entend donc pas prendre l'initiative d'une réforme de l'article 665 du code de procédure pénale. Par ailleurs, il convient de rappeler qu'afin de mettre un terme à toute suspicion d'intervention inappropriée du pouvoir exécutif dans l'exercice de l'action publique, la garde des sceaux, ministre de la justice, s'est engagée, par circulaire en date du 19 septembre 2012, à n'adresser aucune instruction individuelle aux magistrats du parquet. Elle a par ailleurs annoncé, dans cette même circulaire, la réforme à venir de l'article 30 du code de procédure pénale, pour restituer à la fois au ministre de la Justice la responsabilité d'animer la politique pénale au travers d'instructions générales et impersonnelles et au parquet le plein exercice de l'action publique, et ce, afin de mettre en cohérence la loi et la nouvelle pratique. Enfin, la garde des sceaux a indiqué, toujours dans ce même texte, souhaiter que le parquet, grâce à un nouveau mode de nomination où serait inscrite dans la loi l'impossibilité de passer outre un avis négatif du Conseil supérieur de la magistrature, puisse mener une action publique efficace, cohérente, à l'impartialité renforcée.